L'infirmière Magazine n° 352 du 01/10/2014

 

SUR LE TERRAIN

RENCONTRE AVEC

SANDRA MIGNOT  

Catherine Barthalot a longtemps été la seule infirmière zoothérapeute de France. Son activité auprès des personnes âgées ou handicapées vivant en institution est un engagement très personnel au service de la qualité de vie.

Alors, Dina, tu viens dire bonjour ? », Catherine Barthalot approche un tabouret du fauteuil roulant pour que la chienne, un croisé Labrador-Retriever, s’y installe et amène sa tête à la hauteur de la main de la vieille dame. Quelques coups de langue, des caresses, et un sourire éclaire le visage de cette résidente de l’Ehpad de Soizy-sur-Seine, en région parisienne. Comme chaque mardi matin, Catherine, infirmière zoothérapeute, débarque dans l’établissement avec Dina, Pinup, Elsa, Pastèque et Berlioz : deux chiens, deux cochons d’Inde et un lapin nain qui l’accompagnent pour cette séance d’activité assistée par l’animal à visée thérapeutique à laquelle participent huit patientes.

Catherine Barthalot est directrice de l’association 4 Pattes Tendresse. Le moyen idéal pour elle, qui a toujours vécu avec un ou plusieurs animaux domestiques et y a puisé un soutien considérable, d’associer sa passion et le métier qu’elle avait choisi. « Mais ce parcours a été rythmé par des rencontres, remarque l’IDE. Croiser la bonne personne au bon moment, c’est ce qui m’a fait avancer dans ce projet professionnel. »

Un chien dans le service

Tout commence dans le service de gérontologie de Paul Brousse que l’IDE intègre en 1992. « Nous avions une chef de service qui avait totalement repensé l’approche des patients, se souvient Catherine Barthalot. Les visites de la famille étaient possibles tout au long de la journée, les enfants et les chiens étaient également les bienvenus. Et un jour, nous avons vu une dame traverser le service avec son Yorkshire sous le bras. » Un animal de petite taille, presque dissimulé par sa maîtresse qui hésitait à transgresser la règle habituelle dans les services de soin… « Quand les patients ont aperçu ce chien, nous les avons vus s’animer, le regard soudain plus vif et la tête plus mobile. D’un seul coup, la vie revenait. Pour moi, comme pour ma chef de service, cela a été une révélation. » Catherine, qui possède un caniche, reproduit l’expérience et obtient l’autorisation d’amener son propre chien dans le service, pendant qu’elle travaille. « J’ai alors obtenu carte blanche pour faire des recherches sur l’apport des animaux domestiques dans les établissements de soins et j’ai découvert les associations d’animaux visiteurs qui existaient au Canada et un peu en Grande-Bretagne. »

Non sans difficultés, l’IDE rédige alors un projet d’association permettant d’encadrer des bénévoles qui viendraient en visite dans le service avec leur chien. À l’époque, faire entrer un animal dans un hôpital est totalement contraire aux règles d’hygiène. « Nous avons rencontré le CLIN, les hygiénistes hospitaliers, etc. Les syndicats professionnels se sont même manifestés, afin de s’assurer que le personnel ne risquait pas d’être mordu. » Dès le départ, l’infirmière propose de travailler avec les conseils d’un vétérinaire pour sélectionner les duos de bénévoles maîtres-chiens qui interviendront dans le service. Une charte du chien à l’hôpital est élaborée, concernant son hygiène, ses limites de circulation et les attentions que son maître doit lui apporter avant, pendant ou après l’intervention.

Les animations débutent en 1994 avec la création de l’association Chiens d’assistance aux personnes âgées (Capa). « C’était une erreur de s’intituler ainsi, car nos chiens n’apportent pas une aide concrète aux personnes vivant avec un handicap, remarque au passage Catherine Barthalot. Nous avons changé le nom de l’association au tournant des années 2000. » Les bénévoles, sélectionnés et formés au respect de la charte et aux exigences du service, commencent donc à intervenir dans le service. Catherine met également en place des animations collectives qui proposent des jeux avec l’animal, en stimulant les sens et la mémoire, incitant ainsi à l’échange et à l’expression. Les participants peuvent nourrir les rongeurs, lèvent la jambe pour que le chien passe en dessous ou utilisent un cerceau pour inciter l’animal à le traverser… « La médiation animale permet un travail sur l’estime de soi, la confiance en soi avec un tiers qui n’émet aucun jugement, ne réagit ni à une odeur ni à un trouble du comportement. C’est un apport extrêmement riche pour la personne âgée ou handicapée. » Au fil des années, Catherine s’est entourée des compétences d’un éducateur comportementaliste qui lui a enseigné comment mieux décoder le comportement des animaux et développer ses connaissances en éthologie animale. « Il faut, par exemple, savoir arrêter l’activité quand l’animal est encore dans le plaisir, car cela provoque une frustration et il aura d’autant plus envie de recommencer l’après-midi ou le lendemain, évoque Catherine Barthalot. Il faut également apprendre à détecter les signes de fatigue ou de stress. »

Zoothérapie à plein temps

L’IDE a également enrichi son CV d’un DU en gérontologie, dont le mémoire était consacré à la thérapie par la médiation animale, puis d’un diplôme en zoothérapie, acquis en 2007. « Cette formation ne m’a pas vraiment permis d’acquérir de nouvelles connaissances, car j’avais déjà beaucoup travaillé au préalable, par mes recherches, mes lectures, mes rencontres professionnelles, reconnaît, après coup, Catherine Barthalot. Mais elle a permis une reconnaissance du travail accompli et une officialisation des compétences acquises. » Très vite après ce diplôme, l’IDE de Paul Brousse est sollicitée par d’autres établissements accueillant des personnes âgées. « J’ai commencé par y répondre en dehors de mes heures de travail, mais la demande était trop forte. » L’année suivante, elle décide donc de quitter l’AP-HP pour se consacrer entièrement à son activité de zoothérapie. Catherine Barthalot a développé quatre types d’interventions, de la simple présence de bénévoles formés, à la thérapie assistée par l’animal, qui s’inscrit dans le projet de soin tel que défini par le soignant référent. « Ainsi, nous avons pu amener une personne qui refusait de se laver à prendre progressivement mieux soin d’elle, explique l’infirmière. Grâce au plaisir que lui procurait la présence et le soin de l’animal, elle a appris à le brosser. Nous avons évoqué la nécessité d’hygiène du chien, et progressivement, elle a fini par accepter la toilette. » Une autre patiente a accepté de se remobiliser après avoir été prise en charge pour une fracture, alors que le kinésithérapeute ne parvenait pas à la faire quitter le lit pour des exercices. Et les belles histoires sont légion dans le sillage que trace 4 Pattes Tendresse. « Mon métier d’infirmière m’a ouvert de nombreuses portes, reconnaît Catherine Barthalot. Et puis, je garde ce regard spécifique à mon métier pendant mes séances : je m’assure que les bénéficiaires sont confortablement installés et propres. Si je vois que l’un d’entre eux présente une plaie, je le signale à l’équipe. Si je note une évolution, je peux également leur en parler… Je demeure une soignante. » Le travail avec des animaux demande un réel investissement personnel. Qui se prolonge d’ailleurs bien après les séances, puisque les animaux font partie de la famille de Catherine Barthalot. La journée se termine toujours par une promenade avec les chiens. « C’est important aussi pour eux de se détendre, conclut-elle. Ils reçoivent beaucoup d’émotions et doivent se contrôler tout au long des séances, alors qu’ils n’ont pas choisi ce métier. Alors, je dois les préserver et prendre soin d’eux. »

EXPANSION

La « meute » s’agrandit

D’autres professionnels ont, depuis, rejoint l’association : Irina Andryushchenko-Basquin, psychologue zoothérapeute, et Mélaine Caillé, assistante sociale, accompagnée de son chien, son lapin nain et ses deux cochons d’Inde. « Nous pourrons probablement créer un 4e poste l’an prochain, assure Catherine, même s’il n’est pas facile de trouver des candidats. La fonction n’est pas bien rémunérée, et il faut aimer vivre avec des animaux. »

Aujourd’hui, l’association a deux sections régionales en Bourgogne et dans le Berry, et intervient dans une quarantaine d’établissements en région parisienne. La liste d’attente s’allonge : nouvelles demandes et établissements souhaitant des séances plus régulières.

MOMENTS CLÉS

1987 Catherine obtient son DE.

1992 Elle intègre l’hôpital Paul Brousse et découvre l’intérêt des personnes âgées pour les animaux domestiques.

1994 Création de l’association Chiens d’assistance aux ºpersonnes âgées (Capa), renommée 4 Pattes Tendresse.

2000 DU de gérontologie.

2007 Obtention de son diplôme de zoothérapie.

2008 Mère de trois enfants, elle prend sa retraite de l’AP-HP et se consacre à plein temps au développement de l’activité de son association.