DU CÔTÉ DU PATIENT
FORMATION CONTINUE
PRISE EN CHARGE
L’épilepsie fait peur. Elle est encore bien trop souvent assimilée à une forme de folie. Et même lorsque ce n’est pas le cas, l’entourage des patients et le milieu professionnel ont du mal à accepter les personnes qui en sont atteintes.
Émilie Allègre porte bien son nom, tant elle est pleine d’espoir et de joie. Pourtant, lorsque sa première crise a eu lieu à l’âge de 16 ans, l’adolescente bien dans sa peau a subi une forme de séisme.
« Ça m’a freiné dans ma jeunesse. J’étais épanouie et la maladie a été un bouleversement », se souvient-elle. Jusqu’ici, aucun médecin n’a d’ailleurs pu déterminer la cause de son épilepsie qui n’est toujours pas stabilisée par son traitement. « Je fais encore une crise environ tous les deux mois », déplore-t-elle, tout en gardant foi en son avenir.
D’ailleurs, elle n’hésite jamais à parler de sa maladie à sa famille et à ses amis, certaine que cela pourra les aider à trouver les bons gestes face à la crise d’une personne atteinte de la même pathologie que la sienne.
Pourtant, on ne peut pas dire que sa vie n’ait pas été compliquée. D’abord, au moment de la découverte de la maladie certaines de ses copines n’ont pas pu l’accepter et lui ont tourné le dos. « Ça permet de faire le tri », commente-t-elle avec philosophie. Ensuite, engagée dans un diplôme d’horticulture, elle s’est trouvée confrontée à un ralentissement de sa capacité à penser et à apprendre, lié aux traitements.
Raison pour laquelle elle est particulièrement fière d’avoir tout de même obtenu son CAP. Mais les difficultés ne se sont pas arrêtées là. Embauchée en Contrat avenir, Émilie a immédiatement informé son employeur de sa pathologie. « Ils m’ont regardée avec un air bizarre. Alors, je leur ai répondu que je n’étais pas un animal, mais un être humain comme les autres », se souvient-elle avec un brin d’amertume. Quelques mois plus tard, après une crise survenue sur son lieu de travail, son contrat n’a pas été renouvelé. Un coup dur pour cette jeune femme pleine d’énergie.
Pour le permis de conduire, c’est aussi un vrai parcours du combattant dont émilie est loin de voir le bout. Pour pouvoir l’obtenir, les malades doivent d’abord prouver qu’ils ont passé une année sans crise, ce qui n’est pas le cas de notre jeune femme. Ensuite, des tests sur simulateurs sont effectués en présence de médecins spécialisés, diligentés par les organismes officiels du permis. Si le feu vert est donné, une surveillance attentive se poursuit pendant les six ans suivant l’obtention du diplôme avec, de nouveau, des passages au simulateur. On a beau comprendre ces précautions, celles-ci n’en maintiennent pas moins les épileptiques dans un monde différent.
Le rêve d’Émilie : travailler avec des enfants. Elle espère bientôt intégrer une formation CAP petite enfance. Cependant, un peu lassée de ces regards qui blessent, elle monte également un dossier avec la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) afin d’obtenir un emploi dans un Centre d’aide par le travail (CAT). « Les gens handicapés me comprendront mieux », termine-t-elle avec tout de même un peu d’amertume. Pour la grossesse aussi, il faudra attendre que l’on trouve le moyen d’éloigner ses crises.
Le cas d’Émilie n’est évidemment pas isolé. Selon la Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie (FFRE), le regard porté sur un malade « l’empêche souvent de s’insérer dans la société alors même qu’il est en mesure de suivre une scolarité ou d’assumer un travail comme tout autre malade atteint d’une maladie chronique ». Ainsi, les experts de la fondation estiment que la majorité des personnes atteintes, soit 70 % à 80 % occupent des emplois « en dessous de leurs qualifications ». Ils déplorent également un taux de chômage supérieur dans cette population par rapport au reste des travailleurs des pays occidentaux. Et des motifs de renvois seraient bien trop souvent liés à la survenue d’une crise sur le lieu de travail. Du côté de la vie privée, les préjugés restent encore puissants, même si les médecins spécialisés affirment que les épileptiques « peuvent et doivent avoir une vie normale ». Pourtant, jusqu’en 1970, une loi du Royaume-Uni interdisait à ces malades de se marier. Loi abrogée depuis, comme aux États-Unis, où il était légal de leur interdire l’accès aux restaurants, théâtres et autre lieux publics. La FFRE nous apprend également qu’en Inde et en Chine, l’épilepsie est toujours « considérée comme une raison d’interdire ou d’annuler un mariage ».