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PRISE EN CHARGE
La prescription anticomitiale vise à contrôler les crises d’épilepsie sans dégrader la qualité de vie du patient par une iatrogénie mal supportée : ses effets indésirables sont réduits en veillant à l’adapter à chaque situation spécifique (grossesse, profession, etc.).
Les anticomitiaux appartiennent à plusieurs familles chimiques et pharmacologiques : ceci explique la variété des réactions iatrogènes décrites. Tous partagent cependant, à des degrés divers, plusieurs types d’effets indésirables :
– Fatigue, asthénie, troubles de l’accommodation visuelle peuvent avoir une origine centrale ou périphérique (action myorelaxante des benzodiazépines) ;
– Vertiges, céphalées, somnolence, troubles de la concentration sont des effets neurologiques banals en début de traitement ;
– La prévalence des troubles psychiatriques (dépression, parfois manie) induits par les anti-épileptiques concernerait jusqu’à 8 % des patients ;
– Les signes digestifs sont fréquents mais transitoires : nausées, vomissements, diarrhées, constipation, anorexie, sécheresse buccale, etc.
Pour s’en tenir ici aux médicaments anticomitiaux les plus couramment prescrits chez le patient épileptique, il faut évoquer :
→ Carbamazépine (Tégrétol), eslicarbazépine (Zébinix) et oxcarbazépine (Trileptal). Ces trois anticomitiaux, structurellement proches, se distinguent par leur profil de tolérance. L’oxcarbazépine ne livre pas le métabolite toxique de la carbamazépine (10-11-époxycarbamazépine) expliquant que cette dernière soit contre-indiquée en cas d’hypoplasie médullaire. L’eslicarbazépine, proche de l’oxcarbazépine, est utilisée après échec d’au moins deux monothérapies successives. Ces anticomitiaux peuvent aggraver les absences dans l’épilepsie généralisée idiopathique.
– Céphalées, diplopie, sédation, vertiges font évoquer un surdosage, notamment en début de traitement (réaliser un dosage plasmatique et vérifier l’absence d’interaction médicamenteuse).
– Leucopénie, thrombocytopénie et hyperéosinophilie justifient la surveillance d’un traitement par la carbamazépine et sa contre-indication en cas d’antécédents d’hypoplasie médullaire (ces signes sont exceptionnels avec l’oxcarbazépine et l’eslicarbazépine).
– Toxicité cutanée pouvant aller jusqu’à la nécrolyse épidermique (imposant alors un arrêt définitif du traitement).
– Anomalies hépatiques (justifiant un contrôle régulier avec la carbamazépine et sa contre-indication en cas de porphyrie).
– Prise de poids.
La survenue d’une hyponatrémie avec confusion mentale, observée surtout chez le sujet âgé, en cas de déshydratation ou d’insuffisance rénale, impose un contrôle de la natrémie à 2 semaines, puis tous les mois pendant le premier trimestre du traitement ou selon les besoins.
→ Gabapentine (Neurontin). La gabapentine bénéficie d’une bonne tolérance mais d’une puissance relativement modeste. Son administration peut aggraver les absences dans l’épilepsie généralisée idiopathique. Elle expose à des effets neuropsychiques (dépression) et à des troubles oculaires (amblyopie, diplopie), ventilatoires (dyspnée) ou à la survenue d’une gingivite.
→ Lamotrigine (Lamictal). La lamotrigine est aussi efficace que la carbamazépine, avec un index thérapeutique favorable (pas de risque tératogène, bonne tolérance au plan cognitif). Son administration peut aggraver les absences dans l’épilepsie généralisée idiopathique. La survenue de réactions cutanées graves et notamment de rashs susceptibles d’évoluer en épidermolyse (syndrome de Stevens-Johnson ou de Lyell) invite à augmenter progressivement la dose quotidienne (paliers de 8 à 12 semaines) ; le risque est potentialisé par l’association au valproate ou au valpromide.
→ Lévétiracétam (Keppra). Bénéficiant d’une bonne tolérance, cet anticomitial peut être administré d’emblée à la dose efficace. Il peut induire des troubles neuropsychiatriques (labilité émotionnelle, agressivité, confusion mentale), des troubles oculaires (amblyopie, diplopie), un risque d’éruption cutanée et de toux.
→ Prégabaline (Lyrica). La prégabaline réduit l’excitabilité neuronale. Ses effets indésirables se résument à des troubles neuropsychiatriques (vertiges, somnolence, irritabilité, troubles de la libido et dysérection, confusion mentale), des troubles oculaires (diplopie) et des troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, sécheresse buccale).
→ Topiramate (Epitomax). Cet anticomitial de spectre large, indiqué également comme antimigraineux, peut induire des troubles cognitifs et comportementaux (25 % des patients), des troubles oculaires (diplopie, glaucome à angle fermé, nystagmus) et expose à un risque de lithiase rénale.
→ Valproate de sodium (Dépakine, Micropakine). Cet anticomitial de spectre large bénéficie d’un excellent index thérapeutique (sauf grossesse), n’est pas à l’origine d’interactions médicamenteuses et se prête à un suivi plasmatique aisé. Le valproate :
– peut induire un tremblement fin d’attitude ;
– est à l’origine de rares hépatites cytolytiques justifiant une surveillance (transaminases, taux de prothrombine) avant instauration du traitement, puis pendant les 6 premiers mois, ensuite si signes d’appel (asthénie, anorexie, somnolence, vomissements répétés, douleurs abdominales, rechutes comitiales) et justifiant une contre-indication en cas d’antécédents d’hépatite ou de porphyrie. Un risque de thrombopénie justifie un bilan de la coagulation avant traitement et avant intervention chirurgicale ;
– augmente la toxicité cutanée en cas d’association à la lamotrigine ou au phénobarbital ;
– surtout, expose à un risque tératogène (voir encadré).
→ Zonisamide (Zonégran). Cet agoniste GABAergique bénéficie d’une tolérance satisfaisante et n’expose guère qu’à des troubles visuels (diplopie), un risque d’éruption cutanée et de lithiase rénale.
Un traitement anti-épileptique n’est pas systématiquement prescrit après une crise isolée : l’abstention est privilégiée en l’absence d’anomalie neurologique. Lorsqu’il se justifie, ce traitement repose sur une monothérapie accompagnée de règles d’hygiène de vie (abstinence d’alcool, sommeil suffisant, éviction des facteurs de risques de crise, etc.). Le choix du médicament dépend du type d’épilepsie et de son spectre d’activité :
→ Épilepsie généralisée idiopathique. Deux anticomitiaux à spectre large, valproate ou lamotrigine, constituent le traitement de référence. Le topiramate constitue une alternative. Clobazam, phénobarbital et analogues (phénytoïne, primidone) sont indiqués mais rarement prescrits. L’éthosuximide est désormais quasi réservé à l’épilepsie-absence.
→ Épilepsie partielle ou secondairement généralisée. Le choix porte sur divers anticomitiaux indiqués en première intention et en monothérapie (ex : carbamazépine, gabapentine, lamotrigine, lévétiracétam, oxcarbazépine, topiramate, zonisamide).
La dose est augmentée par paliers de 7 à 15 jours jusqu’à la dose minimale efficace la mieux tolérée.
L’échec ou une mauvaise tolérance de la monothérapie initiale invite à lui substituer une autre monothérapie avec chevauchement temporaire des traitements (suppression dégressive d’un médicament pendant que l’autre est introduit progressivement). Plusieurs traitements en monothérapie peuvent être ainsi, si besoin, testés successivement.
L’échec récurrent d’au moins deux monothérapies invite à prescrire une bithérapie qui peut inclure des anticomitiaux non indiqués en monothérapie :
→ Épilepsie généralisée idiopathique. L’association valproate + lamotrigine, pertinente dans l’épilepsie généralisée, exige une surveillance étroite (toxicité cutanée ; risque de nécrolyse épidermique). Lévétiracétam et topiramate sont indiqués en association dans cette forme d’épilepsie.
→ Épilepsie partielle ou épilepsie secondairement généralisée. Eslicarbazépine, gabapentine, lamotrigine, lévétiracétam, oxcarbazépine, phénobarbital, phénytoïne, prégabaline, primidone, tiagabine, topiramate et zonisamide peuvent être associés. Le lacosamide n’est prescrit qu’en association. Pérampanel, rétigabine et vigabatrine sont réservées, en association, aux épilepsies partielles résistantes à au moins deux monothérapies.
Lorsque les crises persistent malgré une bithérapie adaptée et correctement suivie, des combinaisons anticomitiales multiples peuvent être testées par le neurologue. Certains patients pharmacorésistants relèvent d’un geste chirurgical s’ils présentent une épilepsie partielle à foyer unique.
Le traitement repose sur des mesures générales (libération des voies aériennes, oxygénothérapie, contrôle de la glycémie et des paramètres biologiques, etc.) et sur l’administration d’un anticomitial par voie veineuse : clonazépam, diazépam voire phénobarbital (en seconde ligne).
Valproate et phénytoïne injectables sont réservés aux hôpitaux.
1- Une absence est une brève altération de la conscience, se traduisant par une rupture du contact avec l’entourage et parfois par une perte du tonus postural : le patient s’immobilise, le regard vide et ne conserve pas de souvenir de l’épisode.
2- Mouvement brutal et bref, parfois répétitif, la myoclonie (ou « secousse myoclonique ») résulte de la contraction involontaire d’un muscle ou d’un groupe musculaire.
Contraception
Les antiépileptiques d’ancienne génération (excepté le valproate), inducteurs enzymatiques, réduisent l’efficacité des contraceptifs oraux ; ceux de nouvelle génération (sauf l’oxcarbazépine et l’eslicarbazépine) ne sont pas inducteurs. La prise d’un antiépileptique inducteur fait recommander le recours à un contraceptif dosé à 50 µg ou plus d’estrogène, associé à une contraception non hormonale (préservatifs, crème spermicide), et fait déconseiller le recours à un contraceptif progestatif isolé. Inversement, le contraceptif peut accélérer l’élimination de certains antiépileptiques (lamotrigine, valproate).
Grossesse
Le traitement anticomitial peut s’associer à un risque iatrogène lié au médicament choisi et proportionnel à la dose et au nombre d’anticomitiaux prescrits.
→ Le risque tératogène est préoccupant pour le valproate (Dépakine, Micropakine) associé à un risque d’anomalie de fermeture du tube neural (si dose > 900 mg/j) et à un risque tardif de retard cognitif, de troubles du comportement et d’autisme. Il est fortement déconseillé chez la femme enceinte. Un risque d’anomalie de fermeture du tube neural est également signalé pour la carbamazépine.
→ La lamotrigine est la molécule la moins à risque (dose ≤ 300 mg/j). Les données concernant les anti-épileptiques les plus récents ne permettent pas d’estimer le risque, probablement faible.
Dans tous les cas, la dose efficace minimale en monothérapie sera recherchée 6 mois avant la conception puis administrée au moins pendant le premier trimestre (sauf impossibilité relevant du spécialiste).
→ Une supplémentation en acide folique (5 mg/j) est conseillée deux mois avant la conception puis pendant le premier mois de la grossesse lors de la prescription d’un anticomitial augmentant le risque d’anomalie de fermeture du tube neural (valproate, carbamazépine) ou interférant avec le métabolisme des folates (lamotrigine).
→ Une surveillance échographique est recommandée chez la femme sous traitement anticomitial.