L'infirmière Magazine n° 352 du 01/10/2014

 

AIDE MÉDICALE URGENTE

ACTUALITÉ

SANDRA MIGNOT  

Un rapport ministériel vient d’évaluer l’application du référentiel d’organisation du secours à la personne et de l’aide médicale urgente. Ses 383 pages pointent, notamment, la nécessité de valoriser le rôle des ISP et d’harmoniser les pratiques.

Globalement, nous sommes satisfaits de lire que ces recommandations ne brident pas le potentiel opérationnel des infirmiers sapeurs-pompiers, mais le valorise et le pérennise, se réjouit Cédric Havard, président de l’Association nationale des infirmiers de sapeurs-pompiers (Anisp). Cela renforce le développement de la réponse ISP sur le territoire. Entre les équipes de secouristes et les équipes médicalisées, il y a une place à remplir. » Pour autant, l’association ne partage pas toutes les conclusions et recommandations de la mission Igas/IGA(1) sur l’évaluation de l’application du référentiel d’organisation du secours à la personne et de l’aide médicale urgente, élaboré en 2008.

Des obstacles pointés

Le document ministériel fait état d’obstacles dans la mise en œuvre du référentiel, parmi lesquels des difficultés techniques sur le plan des télécommunications et des systèmes d’information, des problèmes d’articulation entre les médecins sapeurs-pompiers et les médecins correspondants du Samu et des relations financières inabouties, notamment lorsque le service départemental d’incendie et de secours (Sdis) intervient sur demande du Samu. Par ailleurs, « la démarche qualité est médiocrement mise en œuvre » et « la réponse ambulancière à l’urgence préhospitalière est encore moins avancée ». Trois autres difficultés de nature à affecter l’efficacité globale du dispositif sont soulignées : le pilotage national des secours urgents est insuffisant, de même que le décompte des carences ambulancières, entraînant la sollicitation des sapeurs-pompiers pour un simple transport sans caractère d’urgence ; les dispositions relatives aux infirmiers de sapeurs-pompiers sont faiblement appliquées et font l’objet de divergences.

Le rôle du régulateur

Sur ce point, l’Anisp s’oppose à ce que l’engagement d’un protocole infirmier – élaboré tel que le recommande le référentiel de 2008, sous l’égide du médecin sapeur-pompier soit subordonné à un appel au médecin régulateur, comme le préconise le rapport. « Bien sûr, nous transmettons nos bilans infirmiers et nous sollicitons le régulateur au besoin pour le choix de certaines molécules, souligne Cédric Havard. Nous devons pouvoir entreprendre les protocoles de prise en charge de la douleur, de l’arrêt cardiaque ou des grands brûlés en autonomie. » Ce qu’un nombre important de Samu contestent : seuls 65 % d’entre eux considèrent les protocoles élaborés par les Sdis comme correspondant aux décrets d’actes des infirmiers. « Nous pensons, comme les inspecteurs Igas/IGA, que l’ISP doit intervenir sous l’autorité du médecin régulateur, retient François Braun, président du Samu-Urgences de France. Ce médecin régulateur peut être joint partout, tout le temps, pourquoi s’en priver ? » La Société française de médecine d’urgence et la Société européenne des sapeurs-pompiers ont émis, sans concertation, leurs propres recommandations professionnelles à l’intention des ISP… Il en résulte des protocoles recommandés par les Samu, d’autres utilisés par les Sdis, variant d’une région à l’autre, en fonction des prises de position et des différents acteurs de l’urgence en présence. « Certes, il faut que tout cela soit harmonisé, reconnaît Cédric Havard, mais ça se fera facilement quand la place de l’ISP sera reconnue au niveau national. »

Transferts des patients

Depuis juillet, date à laquelle les recommandations de la mission ont été remises aux différents partenaires du comité de suivi du référentiel de 2008, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers et les représentants des Samu ont réengagé la discussion. « Nous avons bon espoir que ces discussions finissent par reconnaître notre rôle », ajoute-t-il. Il y a peut-être encore du pain sur la planche, puisque l’Anisp et Samu-Urgences de France s’opposent également sur la place des ambulanciers dans la gestion des urgences. « Pourquoi faire intervenir des transporteurs dans des situations d’urgence, alors que leur carence amène les pompiers à faire du transfert de patients non urgents ? », conclut Cédric Havard. Sans compter le risque qu’un opérateur privé facture un reste à charge.

1- Inspection générale des affaires sociales/ Inspection générale de l’administration.