Maladie neurologique chronique fréquente, l’épilepsie se traduit par la survenue plus ou moins répétée de crises témoignant d’une hyperactivité paroxystique de populations neuronales plus ou moins étendues du cerveau. Souvent idiopathique, elle constitue parfois un symptôme neurologique d’une affection particulière. Pouvant être handicapante par ses conséquences motrices, sensorielles ou cognitives, l’épilepsie est anxiogène pour le patient qui redoute la récurrence des crises. Cette pathologie l’expose aussi fréquemment à l’incompréhension, et même au rejet de l’entourage et du milieu professionnel. Côté traitement médicamenteux, l’épilepsie répond, dans la majorité des situations, à la prescription d’une monothérapie anti-épileptique, voire, en cas de résistance, à celle d’une association de médicaments. Enfin, comme toute maladie chronique une approche par l’éducation thérapeutique est à privilégier.
Affection neurologique chronique décrite depuis l’Antiquité, la maladie épileptique (dite aussi simplement épilepsie ou, parfois, comitialité) se caractérise par la récurrence plus ou moins fréquente de crises épileptiques témoignant cliniquement d’une hyperactivité paroxystique anormale, soudaine et transitoire d’un groupe de neurones corticaux, puis de son éventuelle propagation dans le cortex. Ses symptômes, qui peuvent se révéler particulièrement spectaculaires et inquiétants, peuvent également demeurer parfois, au contraire, quasiment inaperçus : ils dépendent de la localisation de l’excitation et de l’importance quantitative de la population neuronale recrutée.
Survenant dans une population de neurones hyperexcitables (« foyer épileptique »), la crise d’épilepsie résulte d’une dépolarisation membranaire paroxystique créant des bouffées de potentiels d’action électrique qui s’étendent ou non dans le cortex. Cette dépolarisation a deux origines non mutuellement exclusives :
– Une anomalie des canaux ioniques de la membrane (canalopathie) qui perturbe l’équilibre ionique et donc électrique des neurones ;
– La mise en jeu de potentiels post-synaptiques exacerbés par les neuromédiateurs excitateurs (adrénaline, acétylcholine, acide glutamique).
Si ces anomalies peuvent s’observer en dehors des périodes de crises, elles ne donnent toutefois lieu à des signes cliniques que lorsque les mécanismes de compensation physiologiques sont dépassés. Le phénomène se synchronise alors dans un grand nombre de neurones (phénomène de recrutement ou « d’embrasement »), aboutissant à une modification rapide de l’état de conscience et/ou à des phénomènes moteurs et/ou sensitifs, sensoriels, psychiques, végétatifs, et/ou une altération de la réponse à l’environnement. La décharge électrique cesse notamment sous l’influence de la production de neuromédiateurs inhibiteurs
Si l’épilepsie idiopathique a comme seule cause identifiée une éventuelle susceptibilité génétique (antécédents familiaux), l’épilepsie symptomatique constitue, elle, un symptôme neurologique ayant de nombreuses étiologies possibles, dont notamment :
– Un traumatisme crânien, une lésion ou une tumeur du cerveau ;
– Un trouble métabolique (diabète essentiellement) ;
– Une maladie vasculaire intéressant le cerveau ;
– Une démence d’origine neurologique
– Une infection du cerveau (méningite bactérienne, encéphalite herpétique, etc.).
L’épilepsie cryptogénique a une cause symptomatologique suspectée mais non formellement prouvée.
La survenue d’une crise épileptique peut être favorisée chez un individu susceptible par une privation de sommeil, un stress, une activité prolongée sur un écran (cette photosensibilité concerne 5 % des patients : télévision, jeux vidéos, ordinateur), une fièvre, l’alcool (prise comme sevrage brutal), divers toxiques mais aussi des médicaments abaissant le seuil épileptogène (antipsychotiques, tricycliques, IMAO, lithium, opioïdes, anticholinestérasiques, sétrons, etc. parfois aussi quinolones, lactamines, anesthésiques locaux, produits de contraste).
On distingue deux types essentiels de crises d’épilepsie dont la symptomatologie diffère :
→ La crise partielle (ou focale) peut intéresser n’importe quel point du cortex mais y reste contenue ;
→ La crise généralisée affecte l’ensemble du cortex des deux hémisphères du cerveau. Elle peut être généralisée d’emblée ou se généraliser secondairement après un début focal (localisé).
L’état de mal épileptique convulsif généralisé (EMECG) est une condition épileptique fixe et durable (l’épidémiologiste retient une durée de 30 minutes et le clinicien de 5 à 10 minutes). En pratique, il requiert une prise en charge spécifique au bout de 5 minutes si les convulsions persistent, ou après deux crises successives sans reprise de conscience. Constituant une urgence médicale, il peut entraîner un décès ou des séquelles neurologiques.
→ Les symptômes d’une crise partielle sont caractéristiques de la localisation corticale du (des) foyer (s) épileptique (s). À titre d’exemples :
– Lobe frontal : incapacité à parler, paralysie unilatérale, automatismes moteurs et gestuels ;
– Lobe temporal : nausées, hallucinations olfactives, difficultés à comprendre ;
– Lobe pariétal : picotements et fourmillements, hallucinations gustatives ;
– Lobe occipital : troubles visuels, vision de points lumineux.
Le foyer comitial pouvant « chevaucher » plusieurs zones du cerveau, les signes cliniques de la crise peuvent, en regard, être associés. Les crises partielles ont cependant en commun leur brièveté et la stéréotypie des manifestations cliniques d’une récurrence à l’autre (i.e. leur présentation est toujours analogue).
→ La crise simple (ou élémentaire) ne s’accompagne pas d’une altération de la conscience : le patient peut parfaitement la décrire. Elle est dominée par des signes moteurs (contractions musculaires, déviation de l’axe du corps ou de la marche, troubles phonatoires), des signes sensoriels (paresthésies, troubles visuels allant jusqu’à l’hallucination, auditifs, olfactifs, gustatifs), des signes végétatifs (tachycardie, sueurs, etc.) ou encore des signes psychiques (sentiment d’étrangeté, onirisme, etc.).
→ La crise complexe s’accompagne d’une altération immédiate ou secondaire de la conscience. Pouvant suivre une crise simple (qui en constitue alors son prodrome ou « aura »), elle se traduit souvent par un brutal arrêt moteur d’un sujet devenu hagard, indifférent aux stimuli. Elle s’associe parfois à un automatisme moteur stéréotypé (mâchonnement, grattage, froissement des vêtements, agrippement d’un proche ou d’un objet mais aussi déboutonnage et reboutonnage d’un vêtement, interjection d’onomatopées, marche automatique, etc.).
Les crises généralisées intéressent d’emblée les deux hémisphères du cerveau ou se généralisent à partir du foyer d’une crise partielle via les fibres commissurales reliant les hémisphères. Dans ce cas, une crise généralisée peut être précédée d’une « aura » annonciatrice qui n’est autre qu’une crise partielle en voie d’extension. L’épilepsie généralisée affecte généralement l’enfant et l’adolescent. On en distingue plusieurs types :
→ Épilepsie avec absences (« Petit Mal ») : cette présentation qui concerne avant tout l’enfant et l’adolescent, se traduit par la récurrence d’absences d’une dizaine de secondes au plus, parfois si brèves qu’elles restent quasiment imperceptibles.
→ Crise myoclonique, caractérisée par de brèves secousses musculaires intéressant les bras ou/et les jambes, les épaules, parfois tout le corps. Ces myoclonies peuvent rester discrètes.
La crise myoclonique ne s’accompagne ni d’une altération de la conscience ni de signes végétatifs.
→ Crise tonique, caractérisée par une contraction musculaire intense, s’étendant progressivement du cou vers l’abdomen, ou touchant les membres, avec chute. Elle peut empêcher la respiration (cyanose). Durant 10 à 15 secondes, elle s’accompagne de signes végétatifs.
→ Crise clonique : les secousses musculaires bilatérales régulières, rythmées, s’accompagnent d’une perte de conscience et d’un déficit moteur résolutif en quelques heures.
→ Crise tonico-clonique (« Grand Mal ») qui, dans sa présentation typique, voit se succéder trois phases :
– Phase tonique : début brutal sans signe annonciateur (d’où le risque d’accidents), souvent avec chute, parfois un cri, perte de connaissance, contraction tonique des muscles squelettiques avec révulsion oculaire, apnée, cyanose, troubles végétatifs (tachycardie, hypertension, mydriase, rougeur du visage, hypersécrétion bronchique et salivaire). La morsure du bord de la langue est typique mais inconstante. La tétanie se relâche en 20 secondes environ.
– Phase clonique : cette phase de 20 à 30 secondes se traduit par des secousses bilatérales, synchrones, intenses, s’interrompant soudainement.
– Phase résolutive (post-critique) : durant au plus quelques dizaines de minutes, cette phase de coma hypotonique se traduit par un relâchement musculaire avec parfois pertes urinaire et fécale associées à la reprise de la respiration. Elle peut s’accompagner de confusion mentale voire d’agitation.
Le patient ne conserve aucun souvenir de la crise généralisée qui peut s’accompagner d’absences : il peut se plaindre de céphalées et de douleurs musculo-squelettiques persistantes.
Avant tout clinique, le diagnostic d’épilepsie est confirmé par un neurologue chez un patient ayant été victime de plusieurs crises comitiales. L’inter-rogatoire porte sur les antécédents familiaux, infectieux, comitiaux, chirurgicaux, thérapeutiques du patient ainsi que sur les caractéristiques et le contexte des crises. Le spécialiste recherche l’existence éventuelle de facteurs favorisants (manque de sommeil, alcool, stress, exposition à des écrans, etc.) et de troubles psychologiques. Un bilan des fonctions cérébrales est réalisé. L’électroencéphalogramme (EEG), parfois réitéré, confirme ou non le diagnostic. Il reste souvent normal en dehors des crises ; inversement, une anomalie à l’EEG sans crises ne signe pas une maladie épileptique. Scanner et IRM peuvent aider à classer l’épilepsie selon son étiologie.
1- Sérotonine, glycine, acide gamma-aminobutyrique = GABA.
2- De type Alzheimer.
→ Prévalence moyenne : 8,2/1 000 sur la planète et 7/1 000 en France.
→ Incidence annuelle : dans les pays développés, dont la France : 50/100 000. Ce chiffre atteint 100/100 000 dans les pays en voie de développement (infections cérébrales, paludisme, malnutrition).
→ La mortalité de l’adulte épileptique est deux à trois fois plus élevée que celle de la population générale : morbidité associée, accidents liés aux crises, arrêt cardiaque ou respiratoire, suicide.