L'infirmière Magazine n° 352 du 01/10/2014

 

PSYCHIATRIE

ACTUALITÉ

CÉCILE ALMENDROS  

Un projet de décret, qui doit être soumis au Comité national de l’organisation sanitaire et sociale le 9 octobre, prévoit la suppression de toute référence à un nombre minimum d’infirmiers par patient.

Depuis longtemps », l’Union nationale des cliniques psychiatriques privées réclamait l’actualisation d’une série de dispositions héritées d’un texte de 1956(1), rappelle son délégué général, François Meillier. Le projet de décret visant à toiletter les normes applicables aux établissements psychiatriques privés va « plus loin que ce qu’on pensait », se félicite-t-il. En remplaçant quinze articles du Code de la santé publique(2) par trois nouveaux, il supprimerait l’obligation de la qualité de psychiatre pour le directeur de l’établissement et les mentions relatives aux conditions matérielles d’accueil des patients : superficie, typologie et localisation des locaux et du mobilier, nombre de lits par chambre, etc. Quant aux parties réécrites, elles se traduiraient par des normes de fonctionnement « désormais moins prescriptives en faisant porter aux établissements la responsabilité de garantir l’adéquation des conditions d’accueil et de prise en charge des patients avec la nature de leur activité et les impératifs de qualité et de sécurité des soins », peut-on lire dans la notice du projet de décret.

Trois IDE pour dix patients

L’un des articles abrogés (D6124-473) prévoit que « l’effectif réglementaire global du personnel soignant doit être au minimum de trois infirmiers ou infirmières pour dix malades ». L’article réécrit dispose que « le nombre et la qualification des personnels médicaux, des auxiliaires médicaux, des personnels socio-éducatifs et de tous les autres personnels sont adaptés aux besoins de santé des patients accueillis, aux caractéristiques techniques des soins dispensés et au volume d’activité ». De quoi donner « plus d’autonomie » aux 165 cliniques psychiatriques privées et à la « petite dizaine » d’établissements psychiatriques relevant de la Fehap(3), se réjouit François Meillier. Contrairement à Jean Vignes, secrétaire général de Sud santé-sociaux : « Cela fait des années que nous demandons un ratio dans le public », pour éviter que des établissements soumis à des « mesures d’économies budgétaires » ne soient tentés de « troquer deux postes d’infirmières contre trois d’aides-soignantes », s’inquiète cet IDE de secteur psychiatrique. « Si quelque chose est extrêmement important en psychiatrie, c’est bien le contact humain, renchérit André Bitton, du Cercle de réflexion et de propositions d’actions en psychiatrie. Rien n’empêchera la direction de médiquer tout le monde pour baisser les coûts. »

« Garde-fous »

Agent de soins à la fondation Bon Sauveur de Picauville, Franck Houlgatte, représentant Force ouvrière, prédit une dégradation des « conditions de travail » et une prise en charge « moins personnalisée » pour les patients : « On considère qu’il faut cinq ans pour qu’un infirmier soit bien formé. Si, en plus, on supprime les quotas, on va en avoir moins ». « Les ratios infirmiers n’ont pas beaucoup de sens si on ne tient pas compte des pathologies », relativise l’ex-président du Haut Conseil des professions paramédicales, Édouard Couty. Pour autant, « il faut trouver un moyen de garantir la qualité et la sécurité des soins », considère-t-il. Et de citer « deux garde-fous » : la HAS « qui fait des recommandations » et l’ARS qui « délivre les autorisations » et « doit pouvoir être alertée » en cas de problème « par les associations de patients ou les organisations syndicales ».

1- Les conditions techniques de fonctionnement des « maisons de santé pour personnes atteintes de troubles mentaux » ont été instituées par l’annexe XXIII du décret n° 56-284 du 9 mars 1956.

2- Articles D6124-463 à D6124-477.

3- Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs.