L'infirmière Magazine n° 354 du 01/11/2014

 

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AVELINE MARQUES  

Fin septembre, à Nancy, la Fédération européenne des enseignants en soins infirmiers a insisté sur la nécessité d’élever le niveau d’études de toutes les soignantes du continent.

Il existe des dizaines de termes dans le monde pour qualifier l’infirmière. « Le Conseil international des infirmières (CII) travaille à une définition commune pour une plus grande homogénéité de la recherche en soins infirmiers, rapporte Pierre Théraulaz, président de l’Association suisse des infirmières et membre du conseil d’administration du CII. C’est un enjeu majeur : si on veut des résultats politiques, il faut des chiffres. » Entre 2009 et 2011, l’étude RN4CAST (pour « registered nurse forecast » : « prévision des infirmières diplômées ») a permis de collecter des données relatives à plus de 33 000 infirmières et 11 000 patients, issus de douze pays européens(1). Objectif : étudier l’incidence de la formation et de l’effectif infirmiers sur la qualité des soins.

Effectif et mortalité

Les résultats, qui ont commencé à être publiés cette année, mettent en évidence des inégalités criantes entre pays – voire au sein d’un même pays –, notamment en termes de qualifications. Alors qu’à l’image de la France, 100 % des infirmières norvégiennes et espagnoles ont un niveau licence, elles ne sont que 55 % en Belgique, 28 % au Royaume-Uni et 10 % en Suisse. « Cette situation d’entre-deux est délétère pour de nombreux pays », dénonce Jane-Laure Danan, présidente de la Fédération européenne des enseignants en soins infirmiers (Fine Europe), qui milite pour l’universitarisation de la formation infirmière européenne. « On ne peut pas s’arrêter au niveau de la licence et du master, renchérit Anne-Claude Allin, directrice adjointe de l’Institut et Haute École de la santé La Source, à Lausanne (Suisse). Il faut des docteurs qui font de la recherche, qui enseignent les pratiques probantes et avancées. »

Les résultats de l’étude RN4CAST vont dans le sens d’une élévation du niveau de formation des IDE : les chercheurs ont établi une corrélation entre le niveau de qualification des infirmières et la mortalité à trente jours des patients ayant subi une opération de chirurgie classique, qui varie de 1 à 1,5 % selon les pays. « Cela peut paraître peu, mais ce sont des décès auxquels on ne s’attendait pas, commente le Pr Walter Sermeus, coordinateur du projet. Avec 10 % d’infirmières de niveau licence en plus, le risque de mortalité diminue de 7 %. »

Quant au nombre de patients par infirmière, il va de 5,2 en Norvège à 12,7 en Espagne. « Un patient en plus et le risque de mortalité augmente de 7 % », poursuit le chercheur, pour qui le manque de données européennes probantes n’est désormais plus un argument recevable. Le coût de la formation et de la rémunération de ce personnel qualifié supplémentaire sera largement compensé par les économies de dépenses médicales, ajoute Walter Sermeus : « Chaque infirmière en plus permet d’éviter des complications, des décès et de raccourcir les séjours. » Reste un obstacle : la pénurie de soignantes à laquelle sont encore confrontés de nombreux pays européens, comme l’Allemagne. « Si on améliore les conditions de travail, le métier sera plus attractif. Aux États-Unis, infirmière, c’est une carrière tendance », répond le coordinateur.

Harmonisation

Il n’empêche que la récente tentative d’harmonisation par le haut de la formation en soins infirmiers initiée par la Commission européenne lors de la révision de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles a échoué. Les États membres de l’Union européenne ont abouti à un compromis en forme de statu quo : l’entrée en formation reste accessible à l’issue de dix ans d’enseignement général (équivalent de la seconde) et deux niveaux – professionnel et universitaire – subsistent. À charge pour les acteurs de la formation infirmière européenne de collecter davantage de preuves en faveur de l’universitarisation d’ici à la prochaine révision.

1- Belgique, Grèce, Espagne, Irlande, Suisse, Norvège, Suède, Pologne, Finlande, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni. L’étude est aussi menée aux États-Unis, au Botswana, en Afrique du Sud et en Chine.

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