L'infirmière Magazine n° 354 du 01/11/2014

 

DOULEUR

ACTUALITÉS

COLLOQUES

SANDRA MIGNOT  

Les infirmières anesthésistes souhaitent faire bénéficier tous les services hospitaliers de leurs compétences en matière d’évaluation et de gestion des algies.

Plus seulement marchand de sable, l’Iade veut désormais prendre une part active dans la prise en charge de la douleur, hors du bloc. « Notre formation et notre nouveau diplôme, avec son grade master, nous le permettent. Nous avons une très bonne connaissance des drogues analgésiantes et une compétence certaine en matière de gestion de la douleur », soulignait Brigitte Benayoun, qui exerce au centre d’évaluation et de traitement de la douleur de Bordeaux (Gironde), lors de la journée infirmière organisée par la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) le 18 septembre. L’Iade sait de quoi elle parle, puisqu’elle-même participe depuis quelques années aux consultations pluriprofessionnelles d’évaluation et de traitement de la douleur.

Écoute, réassurance, explications sont apparues comme les priorités de la spécialité. « Si on dit au patient “ne vous inquiétez pas, vous n’aurez pas mal”, en situation de stress, ce qu’il retiendra, ce sont les mots inquiétez » et “mal” », expose François Peuvrel, infirmier anesthésiste au CH du Mans (Sarthe), pour souligner l’importance du relationnel. Une association anxiété-douleur également mise en avant par les infirmières anesthésistes en obstétrique Valentina Faitot et Lucie Gleitz, du centre médico-chirurgical obstétrique de Schiltigheim (Bas-Rhin). C’est ce qui explique le développement actuel de l’hypnose relationnelle dans les établissements de soins. « C’est quelque chose qui est intégré dans notre manière de parler et dans la façon dont nous préparons le patient à un geste », résume François Peuvrel. Tous les intervenants de cette journée se sont accordés sur l’importance de s’assurer de la bonne connaissance et compréhension des prises en charge proposées. « La façon dont on explique un traitement permet de potentialiser l’effet placebo et donc d’améliorer l’analgésie », ajoute François Peuvrel.

« Un droit fondamental »

Outre le relationnel et la réalisation de l’analgésie, l’évaluation de la douleur relève également de la compétence de l’Iade. « Douleur et mensonge doivent être considérés comme incompatibles, a rappelé Brigitte Benayoun. Depuis la loi Kouchner, le soulagement de la douleur est devenu un droit fondamental. » Aux côtés des multiples échelles du type EVA, ENS ou Algoplus, auxquelles l’Iade pourra former ses collègues dans les services, la pupillométrie fait son entrée dans les blocs. Cette méthode de mesure de la variation du diamètre pupillaire permet d’évaluer la profondeur de l’analgésie chez le patient non-communicant. Son apport en postopératoire est également à l’étude.

Pourtant, selon Brigitte Benayoun, les trois plans gouvernementaux qui se sont succédé ces dix dernières années n’ont toujours pas produit de réel effet sur la prise en charge de la douleur chronique, faute de cadrer avec les exigences de la tarification à l’acte. Ainsi, 20 % de la population française seraient concernés par une douleur perdurant plus de trois mois… « D’où l’importance d’organiser la traçabilité de vos actes, même si ceux-ci ne sont pas officiellement reconnus », a souligné Hawa Keita-Meyer, chef de service en anesthésie à l’hôpital Louis-Mourier de Colombes (Hauts-de-Seine).

FIN DE VIE

Le soignant, acteur décisif des LAT

« Il y a davantage de limitations ou d’arrêts des thérapeutiques quand les soignants sont associés à la décision », affirme Sébastien Kerever, IDE en réanimation à l’hôpital Lariboisière et actuellement en thèse d’épidémiologie clinique à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP). Son constat se fonde sur une investigation menée auprès de professionnels prenant en charge des patients victimes d’accident vasculaire cérébral grave. Autres enseignements : les médecins impliquant davantage les paramédicaux déclarent limiter plus souvent les thérapeutiques (98 % contre 88 %), arrêter plus fréquemment l’alimentation et l’hydratation des patients (59 % vs 39 %) et prescrire plus souvent des analgésiques et des sédatifs à des doses potentiellement létales (70 % vs 48 %). « Il semble qu’impliquer les paramédicaux lors des prises de décisions de LAT conforte les médecins dans leur choix et privilégie la collégialité, qui se traduit par une meilleure organisation des prises de décision, une implication plus fréquente d’un médecin extérieur et un meilleur respect du choix des familles de participer à ces mêmes décisions », conclut le doctorant.

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