L'infirmière Magazine n° 354 du 01/11/2014

 

FORMATION CONTINUE

CAS CLINIQUE

À l’approche de la mort, les réactions du patient et de son entourage varient en fonction de leur vécu. Les soignants doivent adapter leurs pratiques à la situation.

L’HISTOIRE

Monsieur M. est âgé de 75 ans. Il est atteint d’un cancer des poumons qui a évolué en quelques mois, avec le développement de métastases, en particulier hépatiques, osseuses et cérébrales, ce qui a entraîné l’arrêt des traitements curatifs et le passage de Monsieur M. dans une phase de soins palliatifs qu’il a vécue à son domicile. Au cours des derniers jours, son état s’est dégradé. Sa femme, elle-même âgée de 72 ans, porteuse d’un pacemaker, est très fatiguée. Elle s’est occupée de son mari le plus possible mais demande son admission dans le service de cancérologie qu’ils connaissent bien tous les deux, puisque Madame M. y a été soignée il y a dix-huit ans pour un cancer du sein aujourd’hui guéri. Dès le début de sa maladie, Monsieur M. a rédigé des directives anticipées, il a demandé à son médecin traitant, choisi comme personne de confiance, et au cancérologue de lui garantir qu’il n’y aurait pas d’acharnement lorsque son état se dégradera. Le couple a deux enfants, un fils et une fille, âgés respectivement de 50 et 47 ans. La fille de Monsieur M. est très attachée à son père et ne parvient pas à envisager sa disparition, malgré les informations données par les médecins. Elle n’admet pas qu’il n’y ait plus de traitement médical et souhaite tenter « tout ce qui est possible » pour soigner son père. Elle est considérée comme agressive par une partie de l’équipe qui ne comprend pas son attitude, compte tenu de l’état du patient.

Madame M. et leur fils ont accepté l’idée que l’état de Monsieur M. ne permette plus la guérison. Toutefois, Monsieur M. et sa famille refusent l’admission du patient en unité de soins palliatifs, considérant que cela accélérerait sa mort. Or, tous souhaitent profiter du temps qui reste. Par ailleurs, la famille a peur des traitements antalgiques, en particulier la morphine. Pour la fille de Monsieur M., cela risque de provoquer la mort de son père. Très rapidement après sa réadmission dans le service, son état s’aggrave et il entre dans la phase d’agonie. Les informations sont transmises par le médecin à la famille et à l’équipe sans qu’il y ait eu de réunion interprofessionnelle sur les soins à mettre en œuvre, l’accompagnement de chaque membre de la famille et la diffusion des consignes concernant l’application des directives anticipées en cas d’aggravation de l’état du patient.

ANALYSE

Dans cette situation, Monsieur M. est conscient de l’aggravation de son état. Il a pu déterminer avec son médecin et une partie de sa famille ce qu’il souhaitait pour la suite, grâce à la rédaction de directives anticipées. Celles-ci sont consignées dans son dossier de soin et doivent être prises en considération à chacune des étapes de sa prise en charge. Si, en toutes circonstances, l’avis du patient prévaut, il n’est pas obligatoirement partagé par tous ses proches, même lorsque la mort est inéluctable, comme c’est le cas dans cette situation. La fille de Monsieur M. n’est pas au même stade que sa mère et son frère dans le processus de séparation avec son père.

S’adapter aux besoins réels

Lorsqu’un décès survient à l’hôpital, les soignants assurent des soins à la personne décédée, mais ils doivent aussi permettre à l’entourage de faire son travail de deuil. La phase agonique se caractérise par un état physiologique qui subit une dégradation liée à l’état pathologique du patient. De ce fait, les besoins de la personne malade (voir p. 50) ainsi que ceux de sa famille peuvent varier d’une situation à une autre. Les équipes soignantes doivent donc adapter leurs savoir-faire et leurs pratiques aux besoins réels ou potentiels de la personne mourante et de chacun de ses proches.

Discussions en équipe

Les professionnels doivent s’adapter et gérer l’incertitude inhérente à la fin de vie, de même que leurs émotions personnelles. Ce n’est possible que si la circulation de l’information et l’organisation du service favorisent les prises en charge en fin de vie. Si le passage à la phase de soins palliatifs fait, en principe, l’objet d’une réunion collégiale, les objectifs de soins et les décisions concernant la conduite à tenir dans la phase d’agonie doivent également être discutés en équipe, compris et transmis, par l’intermédiaire du dossier du patient, à l’ensemble des personnes susceptibles d’intervenir auprès de lui, afin de garantir leur application en toutes circonstances. Compte tenu de la durée, le plus souvent imprévisible, de la phase de soins palliatifs comme de la phase agonique et de la spécificité de chaque situation, les prescriptions et les soins font l’objet de fréquents réajustements décidés en équipe interprofessionnelle.