Le bilan de compétences - L'Infirmière Magazine n° 354 du 01/11/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 354 du 01/11/2014

 

CARRIÈRE

GUIDE

MARIE ALÈS  

Mon emploi correspond-il à mes attentes ? Comment concrétiser mon projet d’évolution ou de reconversion ? Se poser les bonnes questions permet d’y voir plus clair sur son avenir professionnel.

Après douze ans en tant qu’infirmière coordinatrice, j’ai commencé à me poser des questions sur mon poste. Je saturais. Je voulais faire le point sur ma vie professionnelle. Je ne voulais pas quitter mon emploi, mais lever le nez du guidon. J’ai donc choisi de faire un bilan de compétences », explique Myriam Bruguière, 51 ans, infirmière depuis 1986, en poste dans une association d’aide à domicile. À l’âge de 38 ans, Blandine Chênais, infirmière en réanimation au CHU de Caen (Calvados), s’est également interrogée sur son activité : « J’ai réalisé que ce que je vivais au quotidien ne collait plus avec ma façon de voir mon métier. J’ai commencé à réfléchir à une réorientation. Après une demande de formation, qui m’a été refusée, j’ai décidé de faire un bilan de compétences pour avancer dans mon projet de changement. » « Lorsque l’on s’interroge sur sa carrière, ses compétences, celles que l’on souhaite développer, c’est le moment de réaliser un bilan de compétences », observe Catherine Guichard, psychologue du travail chez ACS Consultants, à Marseille.

Trois semaines à quatre mois

• La prestation, d’une durée maximum de vingt-quatre heures, se découpe en plusieurs séances de deux à trois heures avec un consultant affilié à un centre de bilan de compétences. Les rencontres peuvent s’étaler sur une période de trois semaines à quatre mois.

• Un plan d’action est ensuite formalisé dans un document de synthèse remis au bénéficiaire. Les résultats ne sont pas transmis à l’employeur. La loi prévoit également un entretien de suivi six mois après le bilan.

Pour qui ?

Institué en 1991 pour les salariés du privé, le bilan de compétences a été étendu en 2007 aux agents de la fonction publique.

• Ces derniers doivent remplir des conditions pour bénéficier de cette prestation. Les salariés en CDI doivent justifier de cinq ans d’activité professionnelle, dont un an dans leur entreprise actuelle ; ceux en CDD doivent avoir travaillé deux ans sur les cinq dernières années, dont quatre mois – consécutifs ou non – en CDD au cours des douze derniers mois. Les agents hospitaliers, titulaires ou non, doivent avoir cumulé au moins deux ans, consécutifs ou non, de services effectifs dans la fonction publique.

• Tous doivent ne pas avoir réalisé de bilan de compétences durant les cinq dernières années.

Choix du consultant

Première étape : choisir un centre de bilan de compétences et surtout, le conseiller qui le réalisera. Pour que la prestation puisse être financée par un organisme paritaire – Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) pour la fonction publique ou Fonds de gestion du congé individuel de formation (Fongecif) pour le privé –, le centre doit être habilité. Il faut donc, dans un premier temps, s’adresser au financeur pour connaître les prestataires reconnus : délégation régionale de l’ANFH ou Fongecif régional. La liste de ces organismes est disponible sur les sites internet de chaque ANFH et Fongecif.

« Nous conseillons de prendre contact avec trois centres pour l’entretien préliminaire, souligne Catherine Dupire, la directrice adjointe de l’ANFH. Outre les critères généraux, comme la capacité d’accueil, la méthodologie, les outils utilisés (tests, ressources documentaires sur place) et les critères géographiques, la sensibilité du salarié joue aussi. » « Il faut avoir confiance si l’on veut s’engager dans une réflexion qui ne sera pas complaisante ni déstructurante, remarque Léonie Lafito, consultante et conseillère bilan chez Sim Plus, à Paris. Il faut aussi vérifier que le conseiller qui nous reçoit lors de l’entretien préliminaire sera bien celui qui réalisera le bilan. Le salarié a tout intérêt à prendre des notes lors de chaque entretien préliminaire afin de pouvoir se rappeler ce qui a été dit et son ressenti. »

Constitution du dossier

Une fois le centre choisi, le salarié ou l’agent doit déposer un dossier auprès de l’organisme financeur. Le bilan peut être réalisé sur le temps de travail ou en dehors.

• Dans le premier cas, il faut que le salarié ou l’agent réclame à son employeur une autorisation d’absence. Cette demande doit être faite par écrit au moins soixante jours avant le début du bilan (voir modèle) et l’employeur doit y répondre sous trente jours. S’il ne peut pas refuser le congé, il peut le reporter de six mois pour des raisons de service, à condition d’expliciter les motifs. Cette autorisation est iportante, puisqu’elle permet au bénéficiaire d’être rémunéré durant le bilan.

• Si celui-ci est effectué hors temps de travail, le salarié ou l’agent n’a besoin d’aucune autorisation. « C’est au salarié ou à l’agent de décider. Le bilan de compétences est en effet un droit individuel, initié par le bénéficiaire, explique Florence Chaillou, référente de l’espace bilan de compétences et orientation du groupement d’intérêt public Agévif-formation, à Poitiers. C’est parfois difficile de s’absenter quand cela affecte l’organisation d’un service. Certains agents préfèrent réaliser leur bilan hors temps de travail pour des raisons personnelles. » Quel que soit ce choix, l’ANFH acceptera de financer le bilan de compétences, qui fait partie de ses priorités. Le financement par les Fongecif est plus difficile à obtenir (voir interview).

Engagement personnel

Lorsque l’organisme accepte le financement (deux à trois mois peuvent s’écouler entre le dépôt du dossier et son acceptation), le bilan peut commencer. « C’est à chacun de définir son rythme, explique Myriam Bruguière. Je me donnais quinze jours entre chaque séance pour avoir le temps de digérer et de travailler, car un bilan nécessite énormément de boulot chez soi, y compris le week-end. » Cette démarche représente en effet un vrai engagement personnel. Santa Gomis, infirmière depuis vingt-huit ans et actuellement coordinatrice dans une association d’aide à domicile, l’a découvert : « Je ne pensais pas qu’il fallait autant décortiquer son passé. » Le bilan peut être « décapant », « remuant », il peut « chambouler », pour reprendre les termes des soignantes. « C’est un drôle de truc », résume Yourika, infirmière dans un centre de santé mentale.

Changement de cap ?

« Le bilan est ce qu’en fait le bénéficiaire. Le rôle du consultant est d’apporter des outils, de guider la réflexion, précise Catherine Guichard. Il ne va pas forcément aller dans le sens des rêves du bénéficiaire. L’idée est de parvenir à des projets qui peuvent se concrétiser, avec un plan d’action. » De fait, cela ne conduit pas forcément à un changement radical. « Je pensais que le bilan allait m’aider à cibler un nouveau métier. En fait, il m’a permis de voir que j’aimais le mien », relate Blandine Chênais. Après son bilan, elle a obtenu une licence d’éducation à la santé et envisage de créer une structure consacrée à cette activité. Même constat pour Florence Tranchefort, 30 ans, qui veut s’orienter vers un poste d’infirmière du travail et a déjà obtenu une licence « Conditions de travail et prévention des risques professionnels ». Myriam Bruguière a, quant à elle, suivi deux formations sur la gestion des émotions afin de se sentir mieux dans son poste d’infirmière coordinatrice. Elle valide actuellement une formation de zoothérapeute, dans l’objectif d’exercer cette activité un après-midi par semaine. Santa Gomis souhaite s’orienter vers l’enseignement et recherche une formation que son employeur accepterait. Yourika, elle, envisage une reconversion pour quitter le milieu hospitalier : « J’ai compris que j’étais allée au bout de mon métier. » Mais toutes sont unanimes : le bilan leur a permis de redécouvrir la richesse de leurs parcours, de prendre du recul et de peaufiner leurs projets.

La lettre

Lettre recommandée avec accusé de réception

Objet : demande de financement d’un bilan de compétences au titre du congé bilan de compétences

Madame (ou Monsieur),

Employé(e) en qualité de …… au sein de cette société depuis le ……, je souhaite faire un bilan de compétences. Commele prévoient les articles L. 6323-1 à L. 6323-20 et D. 6323-1 à D. 6323-3 du Code du travail, je réponds aux conditions définies pour l’obtention d’un congé bilan de compétences. Vous trouverez ci-dessous les coordonnées de l’organisme que j’ai retenu et les modalités pratiques de son déroulement :

– Durée du stage, nombre et fréquence des séances.

– Dates prévisionnelles si elles sont connues ; sinon, indiquer « à préciser ».

– Organisme de formation retenu et son adresse, nom et numéro de téléphone de la personne à contacter.

– Coût de la prestation.

Je vous saurai gré de bien vouloir me faire connaître votre réponse par écrit. À réception, je vous ferai parvenir la convention tripartite que le centre de bilan me transmettra, précisant le programme et le déroulement des huit séances de travail.

Vous remerciant de votre réponse, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’expression de mes salutations distinguées.

Signature

SAVOIR PLUS

→ http://www.fongecif-idf.fr Le Fongecif Ile-de-France.

→ www.anfh.fr L’organisme de financement pour les agents hospitaliers.

→ http://bit.ly/1EoHOEv Les informations légales.

→ Loi 2009-1437 du 24 novembre 2009, décret 2010-64 du 18 janvier 2010, articles L. 6322-42 et R. 6322-41 du Code du travail.

INTERVIEW

MICHÈLE FRANCHET

CONSEILLÈRE PARCOURS PROFESSIONNEL AU FONGECIF ILE-DE-FRANCE

À quelle hauteur les bilans de compétences sont-ils financés ?

• La prise en charge est plafonnée à 1750 euros hors taxes par bilan. S’il est réalisé sur le temps de travail et que le dossier est accepté, le salarié continue de percevoir sa rémunération durant son absence. Il faut savoir que le taux d’acceptation du Fongecif Ile-de-France était de plus de 80 % en 2013. Nous donnons la priorité aux salariés qui n’ont jamais fait de bilan de compétences, dont le niveau de formation est inférieur ou égal au baccalauréat, âgés d’au moins 45 ans ou qui ont plus de vingt ans d’expérience professionnelle. Nous privilégions aussi les employés, les ouvriers ainsi que les salariés des petites ou moyennes entreprises. Comme chaque Fongecif a ses priorités, il faut se renseigner dans sa région. Si le dossier n’est pas retenu, le salarié peut néanmoins financer lui-même son bilan. Généralement, les prestataires permettent d’étaler le paiement, sachant que l’entretien préliminaire est gratuit.

Comment remplir un dossier ?

• Le Fongecif Ile-de-France organise des réunions collectives intitulées « Connaître le bilan de compétences » pour informer les salariés sur leurs droits, le contenu de la prestation, les démarches à effectuer et le choix du consultant. Nous fournissons une liste des établissements habilités. Le salarié doit sélectionner son centre de bilan de compétences avant de retirer le dossier de prise en charge. Ce dernier comprend trois parties : la première concerne le bénéficiaire, la deuxième le centre et la troisième doit être remplie par l’employeur si le bilan est réalisé sur le temps de travail. Il faut faire attention aux délais : pour un bilan sur le temps de travail, le salarié doit demander l’autorisation d’absence à son employeur au plus tard soixante jours avant le début de la prestation. Quant au dépôt du dossier auprès du Fongecif, il doit avoir lieu au plus tard quarante-cinq jours avant.

Y a-t-il une période de l’année plus propice au dépôt d’un dossier ?

• Non, le budget est lissé sur l’année et nous essayons de répondre au plus vite. Le salarié doit être attentif à bien remplir son dossier, ce qui évitera d’avoir à lui demander des renseignements complémentaires et donc de perdre du temps.