Chaque année, plusieurs centaines d’Européens passent la frontière pour mettre fin à leurs jours, accompagnés par une association spécialisée. Ce « tourisme du suicide » a récemment fait l’objet d’une étude pilote.
Contrainte à un exil en Suisse pour mourir selon mes volontés. » Ce tweet a été posté le 7 août par la Française Nicole Boucheton, 64 ans, peu de temps avant son suicide par ingestion de pentobarbital de sodium. Atteinte d’un cancer du rectum en phase terminale, la vice-présidente de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) fait partie de ces dizaines d’étrangers qui se rendent chaque année en Suisse pour mettre fin à leurs jours. La confédération est l’un des rares pays autorisant l’assistance au suicide
Rencontrant ces cas « presque quotidiennement », le Dr Saskia Gauthier, de l’Institut de médecine légale (IML) de l’université de Zurich, a conduit une étude pilote sur ce phénomène, qu’elle qualifie de « tourisme du suicide »
Les maladies neurodégénératives sont les plus représentées (47 %), suivies par les cancers (37 %), les affections rhumatismales et les pathologies cardiovasculaires. Depuis 1990, « les maladies non fatales ou qui n’étaient pas à un stade terminal sont devenues plus fréquemment la raison d’un suicide assisté », constatent les auteurs, reconnaissant toutefois que les personnes souffrant d’un cancer au stade terminal sont moins aptes à voyager.
« Elles ont plus de chances d’être soulagées par les soins palliatifs que les personnes souffrant de pathologies telles que la maladie de Charcot ou la sclérose en plaques, qui entraînent une lente détérioration enfermant le patient dans un corps dysfonctionnel bien avant qu’il n’arrive au stade terminal et ait accès à des soins palliatifs », relève Silvan Luley, membre du conseil d’administration de Dignitas, qui pointe les faiblesses statistiques de l’étude – restreinte au canton de Zurich – et s’insurge contre l’emploi du mot « touriste ». « Notre but n’est pas que des gens du monde entier viennent en Suisse, mais plutôt que les autres pays adaptent leur législation de sorte que les personnes ne soient pas contraintes de devenir des “touristes du suicide”. » Même sentence du côté de l’ADMD : « Cette étude est très exagérée. Il y a peut-être une quarantaine de Français, tout au plus, qui se rendent en Suisse chaque année pour un suicide assisté, commente Jacqueline Jencquel, qui accompagne une dizaine de personnes dans leurs démarches avec l’association Life Circle, basée à Bâle. Les gens se sentent rassurés quand il y a une porte de sortie : le suicide assisté est autorisé aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse… Ce n’est pas pour autant qu’ils y ont tous recours. » De fait, depuis 1998, seuls 150 Suisses ont fait appel à Dignitas.
1- Avec les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.
2- « Suicide tourism : a pilot study on the Swiss phenomenon », S. Gauthier, J. Mausbach, T. Reisch et al., Journal of medical ethics, 20 août 2014.
Pour obtenir une assistance au suicide en Suisse, il faut souffrir d’une maladie incurable ou d’une incapacité permanente, subir une souffrance intolérable, être en pleine possession de son jugement et pouvoir s’administrer le produit. La procédure coûte entre 5 000 et 9 000 euros (deux consultations médicales pour obtenir le feu vert et la prescription de sodium pentobarbital, participation aux charges de l’association…).