« Pour faire le portrait d’une équipe
Peindre d’abord un cadre
Avec une porte ouverte
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose de simple
Quelque chose de beau
Quelque chose d’utile pour l’équipe… »
Ces quelques mots, inspirés d’un poème de Jacques Prévert, suggèrent d’aborder le métier de cadre de santé par sa fonction contenante et délimitante. Après les sœurs cheftaines du XIXe siècle, les surveillantes et les monitrices entre 1958 et 1975, puis les cadres infirmiers jusqu’en 1995, c’est aujourd’hui le terme « cadre de santé » qui est utilisé pour désigner un métier situé entre le management d’équipe, la pédagogie, la contribution économique, la gestion des risques et le souci de la qualité dans les soins.
Dans la langue française, il existe plusieurs définitions du mot « cadre » : il peut désigner une bordure rigide limitant une surface dans laquelle on place un tableau ; un châssis ou une armature ; les limites d’un espace ; un contexte, un milieu, un environnement ou enfin ce qui délimite l’action de quelqu’un. Parmi ces différents sens, retenons celui du cadre qui limite un espace, qui constitue un contexte et qui solidifie une structure et à partir de là, voyons comment nous pouvons penser le rôle de cadre d’une équipe de soins palliatifs
→ « Peindre d’abord un cadre ». La délimitation de l’espace de travail peut constituer un premier repère pour la vie d’une équipe. Il s’agit d’habiter ensemble la même maison pour en construire l’ambiance.
→ « Avec une porte ouverte ». Le volontariat des inter?venants est une condition à l’intégration dans l’équipe. Aucune affectation en soins palliatifs ne doit être imposée si le professionnel n’est pas motivé.
→ « Quelque chose de joli / Quelque chose de simple / Quelque chose de beau / Quelque chose d’utile ». Ces mots évoquent la recherche d’un environnement de travail ergonomique favorisant l’autonomie et l’expression de la créativité de l’équipe dans cet espace dédié à l’accompagnement des patients et de leur entourage. Dans ce « cadre »-là, il est question de l’évaluation des besoins matériels, de la pertinence des outils, des demandes d’investissement, de la présence d’un effectif suffisant et suffisamment formé pour garantir la meilleure qualité de soins possible.
Apprendre à travailler ensemble ne se décrète pas, même si les premiers textes de loi concernant les soins palliatifs tentaient une injonction de fonctionnement pour les équipes
Pour cela, le cadre de santé devra favoriser un environnement propice au partage des différentes visions, encourager la mise en mots des observations recueillies par chacun, faciliter la circulation de la parole en invitant à l’écoute respective, laisser émerger les tensions sans chercher à les taire mais, au contraire, en visant leur dépassement par le juste débat.
Tenir le « cadre » des temps de rencontre d’équipe, en termes de régularité et de ponctualité, aidera le médecin dans ses prises de décision. Grâce aux discussions collégiales, il cheminera dans sa réflexion, prenant en compte les différentes paroles entendues. De même, le passage de la parole individuelle à la parole collective, dans un « cadre » éthique respectueux et authentique, contribuera à la prévention de l’épuisement professionnel des équipes dans un lieu où les émotions sont tous les jours au cœur du travail des soignants.
En conclusion, le cadre d’une équipe de soins palliatifs, qu’il soit matériel, réglementaire ou professionnel, doit avoir pour objectif principal de favoriser, dans un environnement bienveillant, la mise en place d’une dynamique interdisciplinaire pour viser dans les soins non pas le moindre mal mais le meilleur possible
1 - Pour faire le portrait d’un oiseau, Paroles, Jacques Prévert, Éditions Gallimard, 1949.
2 - Entendre par « équipe de soins palliatifs » l’ensemble des infirmières, aides-soignantes et agents de service hospitaliers.
3 - Rapport « Aide aux mourants », coordonné par Geneviève Laroque, 1986. « Les équipes de soins palliatifs sont nécessairement pluridisciplinaires. Elles doivent être formées à un type particulier de relations entre leurs membres et à l’égard des malades et de leur entourage. »
4 - Selon l’expression empruntée à Christophe Pacific, Consensus/ Dissensus, L’Harmattan, 2012.