L'infirmière Magazine n° 355 du 01/12/2014

 

EHPAD

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

LAURE DE MONTALEMBERT  

L’état bucco-dentaire des pensionnaires d’Ehpad est catastrophique. À Uzès, une infirmière participe à une étude permettant de mettre en place de véritables plans de soins.

Pas besoin d’être dentiste pour se pencher sur la bouche des personnes âgées. Sarah Lucato, une infirmière d’Uzès (Gard), est devenue un maillon essentiel d’une étude visant à mettre en place une télésurveillance de l’état dentaire des pensionnaires d’Ehpad de son secteur. En lien étroit avec le Dr Giraudeau, chirurgien-dentiste au CHU de Montpellier, la jeune femme a accepté depuis presque un an de passer au crible l’état dentaire et gingival des patients des huit établissements qui dépendent de l’hôpital d’Uzès.

Dénutrition

Tout cela ne s’est pas fait en un jour. Le projet e-Dent est né d’une alerte lancée par l’Assurance maladie, inquiète du mauvais état bucco-dentaire des pensionnaires des Ehpad. « Les problèmes bucco-dentaires sont extrêmement lourds de conséquences chez les résidents, explique Sarah Lucato. On constate une mauvaise alimentation qui entraîne de la dénutrition, qui est, ellemême, un frein à la cicatrisation des plaies et engendre, entre autres, des pertes d’autonomie ou des hospitalisations plus fréquentes. Sans parler de la douleur permanente qui peut amener à des comportements agressifs ou à des états de retrait social très préjudiciables aux patients. » Tous n’étant pas forcément très mobiles, l’idée était déjà d’effectuer un bilan initial au domicile, c’est-à-dire au sein de l’établissement.

Caméra spéciale

C’est donc en janvier 2014 que notre infirmière s’est vu confier sa mission, après une formation rapide sur le schéma bucco-dentaire et l’utilisation d’une caméra spéciale. Secteur par secteur, Sarah Lucato enregistre des vidéos de la bouche de chaque personne ayant accepté de faire partie de l’étude. Les états gingival et dentaire sont examinés grâce à un mode de la caméra qui fait apparaître les gingivites ou les caries. Le soir même, toutes les vidéos sont télétransmises au service du D r Giraudeau, qui les examinera avec ses étudiants. Dans la semaine, l’infirmière reçoit le diagnostic et un plan de soins. Celui-ci est ensuite relayé aux Ehpad qui sont chargés de le mettre en œuvre.

Consentement éclairé

Jusqu’ici, 276 personnes ont bénéficié de cet examen. Il en reste environ une centaine à rencontrer mais, comme en témoigne Sarah Lucato, « il est parfois difficile d’obtenir des consentements éclairés ». D’autant que les organismes de tutelle ne se pressent pas pour répondre à ses demandes. Il y a tout de même des raisons de se réjouir quand, comme la jeune femme le raconte, « une personne atteinte de déficits cognitifs devient agressive et qu’on découvre qu’elle souffre terriblement sans pouvoir l’exprimer. Le fait de la soigner peut suffire à pacifier la situation ». Il n’en demeure pas moins quelques incohérences, par exemple le fait que l’Assurance maladie ne rembourse pas les trajets vers le cabinet dentaire pour les personnes à mobilité réduite. Elle aurait pourtant tout à y gagner. Constater, c’est bien. Permettre aux gens de se soigner, c’est mieux.

PRATIQUE

Le formulaire de consentement

Avant toute étude, il est nécessaire de recueillir le consentement des personnes participantes. Pour cela, l’infirmière propose aux résidents de remplir un formulaire, qui doit préciser :

→ Les objectifs de l’étude (dans ce cas, estimer le pourcentage de personnes nécessitant des soins bucco- dentaires au sein des Ehpad).

→ Le déroulement de l’étude (nombre de consultations, durée).

→ Les bénéfices attendus.

→ Les risques prévisibles.

→ La durée de participation.

→ Les droits du patient (droit de refus sans donner de raisons, droit de rétractation).

→ La confidentialité des données avec le nom des organismes pouvant utiliser celles-ci et les procédures d’anonymisation des dossiers.

→ Les personnes à contacter en cas de questions ou de décision de retrait (à tout moment).