La détresse en face

> Le sujet de ce livre, la rencontre avec la détresse spirituelle, est délicat. Or le besoin que cette notion sous-entend est difficile à délimiter. L’auteur emprunte pour cela quatre concepts : le sens de la vie, les valeurs, la transcendance, l’identité. Dès la préface, il est question de « démystifier la dimension spirituelle » tout en reconnaissant le mystère de l’homme et de la vie. Ce projet ambitieux est repris dans les mêmes termes dans la conclusion. C’est dire le défi ! L’auteur nous dit que le soin est une rencontre de deux spiritualités et prévient qu’il « ne peut y avoir de prise en charge d’une détresse spirituelle sans démarche d’accompagnement, sans entretien d’aide infirmier, sans proximité ». Pour décrire ce moment de rencontre, il utilise les termes de la psychologie humaniste (authenticité, écoute, respect, acceptation, non-jugement) et y ajoute la transcendance. Nous connaissions le besoin d’accomplissement. Là, il s’agirait davantage d’un dépassement de sa condition humaine. Il ne sera pas facile, sur le plan théorique, de ne pas confondre psychologie humaniste (Rogers, Maslow), éthique, spiritualité et religion. L’auteur a senti cet écueil et tente d’ancrer son analyse dans une clinique intéressante. La relation d’aide en soins infirmiers est, depuis son origine, rogérienne. L’auteur en fait son étayage théorique. Il connaît aussi l’histoire des hôpitaux et leur lien étroit avec la religion et par conséquent, le danger de faire une interprétation chronologiquement erronée. Cependant, il a raison de dire que la spiritualité est d’actualité. Il se réfère aux philosophes et cite Levinas, puis le « désenchantement du monde » (Marcel Gauchet). On aurait aimé une analyse plus approfondie de cette notion, sans doute très liée à la détresse spirituelle. L’auteur aborde le référentiel infirmier et pousse plus loin les notions de savoir-faire et savoir-être pour insister sur le savoir-devenir. Peut-être que tout compte fait, c’est là que la spiritualité s’applique ? L’écriture est toujours une prise de risque. Dans une époque troublée, l’auteur a eu le courage de rappeller cette dimension de l’existence.

L’infirmier face à la détresse spirituelle du patient, Roch-Étienne Noto-Migliorino, Éd. Elsevier Masson, 17,90 €.