L'infirmière Magazine n° 355 du 01/12/2014

 

FORMATION

EN ÉQUIPE

De l’arrivée du patient en salle de réveil à sa sortie, les infirmières doivent vérifier que l’état de santé des opérés ne se dégrade pas et, autant que possible, soulager leurs douleurs. Une prise en charge globale qui nécessite une formation adaptée.

Les IDE exerçant en SSPI ont été spécifiquement formées à la prise en charge des patients ayant subi une intervention chirurgicale avec anesthésie générale ou locorégionale. Elles doivent être motivées et se montrer rigoureuses. Il s’agit d’un travail à mi-chemin entre celui de l’Iade et celui de l’IDE de réanimation. Le renouvellement rapide des patients et les urgences surajoutées (Samu) sont complexes à gérer, mais rendent la pratique attractive et variée.

Accueil et installation

L’arrivée du patient est toujours annoncée par l’équipe de salle d’opération. Celle-ci transmet les principales informations : type de chirurgie, patient encore intubé, isolement requis… Le patient est transféré en SSPI par le médecin anesthésiste et/ou l’Iade, qui compléteront la transmission à l’IDE : identité du patient par vérification du bracelet, antécédents, complications peropératoires, prescription d’antalgiques, surveillance particulière…. Si besoin, une supplémentation en oxygène par sonde ou masque facial est amorcée.

Le monitorage est mis en place (ECG, PNI, FR SpO2). Les alarmes sont réglées et activées. La surveillance clinique et paraclinique des fonctions vitales du patient va commencer.

La surveillance du patient

Au cœur du rôle de l’infirmière en salle de réveil, la surveillance s’exerce sur plusieurs plans :

La surveillance respiratoire : elle repose sur la valeur de la SpO2, la fréquence respiratoire, l’amplitude thoracique, mais également sur la coloration cutanée (cyanose), l’existence de sueurs.

Lorsque le patient est encore intubé, il nécessite une surveillance différente. Dans un premier temps, elle sera similaire à celle d’un patient en ventilation assistée en cours de sevrage ventilatoire, afin de permettre l’extubation. Il sera alors nécessaire d’apprécier les effets résiduels de l’anesthésie, morphinique et curare (moniteur de curarisation), avant de mettre le patient en autonomie respiratoire.

La surveillance hémodynamique : la pression artérielle et la fréquence cardiaque sont relevées fréquemment, une fois par heure, voire plus souvent si le patient n’est pas stable. Tachycardie et bradycardie seront signalées au médecin responsable afin qu’une thérapeutique soit instaurée. Il en sera de même pour les épisodes d’hypotension et d’hypertension. Une modification de l’ECG entraînera la réalisation d’un ECG papier. Celui-ci pourra également être pratiqué à la demande de l’anesthésiste chez un patient aux antécédents coronariens ou ayant eu des modifications électriques au bloc opératoire.

La surveillance neurologique : essentielle après une chirurgie carotidienne, elle ne doit pas être négligée chez les autres patients, quel que soit le type d’anesthésie réalisé. Cette surveillance s’attache à l’état de conscience (retard de réveil), une agitation, une confusion, une asymétrie de mouvement au niveau des membres ou une recherche de motricité et de sensibilité après une anesthésie locorégionale.

Les nausées et vomissements seront recherchés et traités. Si une sonde gastrique est en place, il faudra vérifier son positionnement et sa perméabilité.

La recherche d’un globe vésical en l’absence de miction spontanée fait partie de la surveillance. Cette recherche peut être clinique ou échographique. Des instruments simples sont à la disposition des infirmières dans la plupart des SSPI, comme le Bladscan. En cas de rétention, un sondage vésical sera pratiqué. Une distension prolongée de la vessie peut entraîner des séquelles graves nécessitant des auto-sondages pour plusieurs jours ou plusieurs mois. Cette surveillance est essentielle après une anesthésie rachidienne ou péridurale. Elle ne doit pas être négligée après une anesthésie générale.

La surveillance des accès vasculaires est essentiellement la surveillance de la ou des perfusions mises en place en salle d’opération : débit, possibilité de reflux, état cutané au point de ponction avec absence de signes d’inflammation (rougeur, douleur, chaleur, œdème…). Parfois, un cathéter artériel a été placé. Il faut l’identifier afin d’éviter des injections accidentelles de médicament sur cette ligne. Seuls les prélèvements sont autorisés.

La surveillance des pansements : est-il hémorragique ? Existe-t-il un saignement qui s’extériorise par les drains ? Dans le cadre d’une chirurgie de la carotide, tout saignement doit être noté et signalé à l’anesthésiste et au chirurgien. Un hématome compressif du cou est toujours à redouter. Si le saignement est continu ou abondant, il faudra aussi contrôler le taux d’hémoglobine (HémoCue).

La surveillance de la température est souhaitable si la chirurgie a été de longue durée. L’hypothermie, génératrice de frissons, sera corrigée par réchauffeur à air pulsé ou autre.

La prise en charge de la douleur

La douleur se définit comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel. Comme c’est un phénomène subjectif, sa mesure est difficile. Pourtant, toute douleur nécessite une prise en charge immédiate. Elle doit donc être mesurée de façon régulière en utilisant l’une des deux échelles d’autoévaluation par le patient.

Échelle visuelle analogique (EVA) : le patient place le curseur entre « pas de douleur » et « douleur maximale imaginable », selon une graduation de 0 à 10. L’infirmière note le chiffre qui sera ensuite utilisé pour adapter la prescription des antalgiques.

Échelle verbale simplifiée (EVS) : le niveau de douleur sera quantifié de 0 à 4 (voir p. 60). Ce score sert aussi à adapter la posologie des antalgiques.

Les traitements antalgiques

Il existe trois paliers de prescription, en fonction de l’intensité de la douleur.

Palier 1 : ce sont des produits non-opiacés (paracétamol, néfopam, salicylés, anti-inflammatoires non stéroïdiens). Ils sont réservés au traitement des douleurs de faible intensité.

Palier 2 : ce sont des antalgiques opioïdes faibles (codéine, dextropropoxyphène, tramadol) destinés au traitement des douleurs légères à modérées.

Palier 3 : ce sont des opioïdes (morphine…) réservés au traitement des douleurs très intenses ou résistantes aux autres antalgiques.

La titration IV de morphine : sa prescription est envisagée dès que l’EVA est supérieure ou égale à 4, l’objectif du traitement étant de la faire descendre en dessous de 3. La prescription, décidée par le médecin anesthésiste, est une procédure écrite, validée. Une feuille de surveillance est mise en place : on y retrouve la fréquence cardiaque et respiratoire du patient, sa SpO2 et sa pression artérielle. Les soignants resteront vigilants concernant les effets secondaires (nausées, vomissements, prurit, rétention aiguë d’urines). La mise en place d’une analgésie autocontrôlée par le patient peut être envisagée. La prise en charge de la douleur postopératoire fait partie des indicateurs nationaux suivis par la Haute Autorité de santé.

Les autres missions de l’infirmière

En plus de la surveillance et de la prise en charge de la douleur, l’infirmière devra assurer le confort de l’opéré pendant son séjour en SSPI, en veillant au respect de l’intimité dans un environnement qui ne s’y prête guère. Pour prévenir les infections nosocomiales, elle doit assurer le respect des procédures et l’isolement d’un patient ciblé. La transmission des germes est principalement manuportée. Pour l’éviter, un lavage simple des mains ou l’utilisation d’une solution hydroalcoolique entre chaque soin est essentiel. Lors de soins spécifiques, l’IDE adapte son aseptie en utilisant des produits antiseptiques, en portant des gants stériles, un masque… En outre, le matériel à usage unique est de plus en plus utilisé. Des chariots de soins sont prévus à cet effet (tablier, gants à usage unique, bavette…). La prévention passe également par la surveillance du site opératoire pour détecter toute anomalie annonciatrice d’infection. Quand cela est possible, il convient d’éviter d’enlever les pansements et de préférer un renfort de ces derniers, pour éviter la mise en contact avec l’air lors des premières heures suivant la chirurgie. Enfin, lorsque le patient quitte son poste de la SSPI, les infirmières procèdent à une désinfection minutieuse de chaque élément utilisé afin de préparer l’accueil d’un nouveau patient en toute sécurité.

TÉMOIGNAGE

« Le relationnel est important »

THOMAS MOITRIER IDE EN UNITÉ DE SOINS CONTINUSAU CENTRE CHIRURGICAL ÉMILE-GALLÉ, NANCY

« En tant qu’infirmiers en unité de soins continus de chirurgie, nous sommes amenés à accueillir des patients en postopératoire immédiat dans notre service comme dans une salle de réveil, lorsque celle-ci n’est pas opérationnelle (nuit et week-end). Mon rôle est alors d’accueillir le patient qui a été extubé sur table au bloc opératoire et d’effectuer une surveillance rapprochée des paramètres vitaux pouvant fluctuer après l’acte chirurgical et l’anesthésie. Nous réalisons également, sur prescription médicale, la gestion de l’analgésie qui a été débutée au bloc opératoire. Une surveillance du membre opéré est aussi nécessaire, avec une quantification des pertes sanguines. Tout ceci est effectué dans des règles d’hygiène et d’asepsie propres à notre service afin de prévenir les infections nosocomiales. Le relationnel est également important : nous devons expliquer au patient dans des termes compréhensibles les gestes que nous effectuons auprès de lui. Une fois le patient bien réveillé, stable au niveau hémodynamique, respiratoire et local, et que l’analgésie est efficace, nous pouvons lui faire regagner sa chambre, accompagné des brancardiers. Au préalable, des transmissions auront été faites : écrites, via le dossier de soins du patient, mais également orales, afin que l’infirmière de secteur puisse prendre en charge le patient dans les meilleures conditions possibles. »