Pourquoi les infirmières sont-elle si peu audibles ? Brigitte Feuillebois, cadre de santé formateur à l’AP-HP, et Vincent Kaufmann, chargé de mission à la Fondation hospitalière Sainte-Marie, se sont penchés sur la question.
Présente à tous les âges de la vie, forte de sa vision globale de la prise en charge, la profession infirmière est incontournable dans l’organisation du système de santé. Comment expliquer alors que ses 600 000 membres soient si peu reconnus, que leurs connaissances soient si peu sollicitées ? Cette jeune profession – le brevet de capacité a été créé en 1922 – n’a pris conscience de « son indépendance dans sa capacité à avoir un raisonnement clinique » que trois décennies plus tard, grâce à Virginia Henderson, rappelle Brigitte Feuillebois. Si la reconnaissance de la formation au niveau universitaire, en 2009, a permis d’affirmer cette spécificité, « un certain nombre de contenus sont encore enseignés par des médecins ».
Dans un système de santé « où tout ce qui est à tracer relève de l’acte technique », le savoir-être infirmier n’est pas toujours perçu, explique la cadre. La diversité d’exercice – hôpital, domicile, prison, entreprise, école, crèche, Ehpad – complique sa représentation, relève Vincent Kaufmann, qui pointe également les tensions entre IDE de jour et de nuit, jeunes et anciennes diplômées, soignantes de terrain et cadres… « L’histoire complexe de l’Ordre infirmier est représentative d’une profession faiblement structurée », note-t-il. Autres facteurs : la fatigue, qui pousse à prioriser le quotidien, ou l’impossibilité de porter atteinte à la production de soins pour faire grève. Représentée par des syndicats, des associations, des coordinations locales ou des groupes sur les réseaux sociaux, la profession a tout intérêt à davantage se fédérer et « à sortir du discours victimaire » pour apporter son expertise aux usagers du système de santé.