Jeudi 4 décembre, les quelque 1,13 million d’agents de la fonction publique hospitalière sont invités à voter pour leurs représentants. Un scrutinà un tour qui bouscule la vie participative dans les établissements.
Pour la première fois, les trois branches de la fonction publique (d’État, territoriale et hospitalière) vont élire simultanément leurs délégués du personnel, ceux qui vont siéger dans les instances consultatives des établissements
Cette année, on peut noter plusieurs nouveautés. Les trois anciens collèges (catégories A, B et C) des comités techniques d’établissement (CTE) seront fusionnés en un collège unique ; la tranche d’effectifs « 5 000 agents et plus » sera supprimée ; le nombre de délégués titulaires sera plafonné à 15, tout comme le nombre de suppléants. Une commission administrative paritaire (CAP) n° 10 est créée pour les sages-femmes.
Le ministère de la Fonction publique a souhaité « des acteurs plus légitimes et plus responsables ». Désormais, pour être considérés comme représentatifs et être reconnus comme interlocuteurs, les syndicats devront apporter la preuve de leur audience en obtenant au moins un siège le 4 décembre. Et les places sont chères : le nombre d’élus du personnel varie de 2 membres pour les plus petites CAP à 30 membres pour les plus grands CTE. Pour les instances supérieures, même topo : le calcul d’attribution des sièges se fait sur la base des suffrages locaux. « Plus le vote est numériquement fort et plus sa couleur se répercute aux niveaux régional et national, explique Jean-Yves Leconte, élu CFDT et membre du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière (FPH). La gestion de cette représentativité syndicale « aura des conséquences pour les établissements », estime le délégué de la deuxième organisation de la FPH. « Ce système de calcul pourrait redessiner le paysage syndical jusque dans les hautes instances. Certains pourraient perdre des sièges, voire ne plus être représentés du tout. » Quant aux syndicats professionnels – Coordination nationale infirmière (CNI) et Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGE), notamment –, désavantagés, ils dénoncent un système « voulu par les grosses centrales interprofessionnelles ».
Depuis la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, le ministère de la Fonction publique amorce « une nouvelle ère de démocratie sociale ». Les élus des instances, eux, parlent plutôt d’une information à sens unique. « On est mis au courant de la vie interne, modère Frédéric, élu de CTE à Limoges, mais on a parfois l’impression d’être face à un mur. Il n’y a pas de débat. » Cette année, il ne se représente pas, désolé par la valeur uniquement consultative des CAP et CTE, « soumis au bon vouloir de l’administration, libre de suivre ou pas les avis émis ».
Autre enjeu de taille, l’ouverture des bureaux de vote. Si l’amplitude minimum imposée est de sept heures, les horaires sont laissés à l’appréciation des directions, au risque d’empêcher certaines équipes de voter pendant leur service. « On sait bien qu’après 12 heures en poste, les agents ne reviennent pas », se désole Annick Picard, IDE animatrice du collectif infirmier de la CGT Santé-action sociale, qui se satisfait de la mise en place du vote par correspondance. Le matériel électoral doit être envoyé au plus tard la veille par les établissements. Hervé Rochais, secrétaire fédéral FO qui sillonne les routes de France et enchaîne les meetings, constate toutefois « un véritable engouement de la part des agents. Cela montre leur intérêt pour leur métier ». Marceline Sévérac, élue CGT du Finistère, confirme : la mobilisation est « plus facile » qu’en 2011. « Les gens sont réceptifs. La vie de leur établissement, ça leur parle, surtout avec la conjoncture actuelle. » Fermetures de services, violences envers le personnel, absentéisme record, coupes budgétaires, précarisation… Les raisons ne manquent pas.
Plusieurs thèmes pourraient se retrouver à l’ordre du jour des futurs CTE et CAP : la reconnaissance des compétences des IDE, l’accès à la formation, la revalorisation du point d’indice – gelé depuis 2010 –, les titularisations, les maladies professionnelles, le droit d’option de la catégorie active, l’adhésion à un groupement hospitalier de territoire, le maintien des primes versées aux contractuels, la baisse des effectifs, le service de 12 heures, l’augmentation des charges de travail, les procédures dégradées et les transmissions ciblées. Pour tous, le plus important est de remettre l’humain au cœur de la profession. « Les étudiants ont choisi ce métier pour des valeurs et ils se retrouvent techniciens dans une usine à soins », regrette Thierry Amouroux, secrétaire général du SNPI CFE-CGC.
« La participation est le premier enjeu », martèle Hervé Rochais, de FO. En 2011, seuls 50,59 % des soignants s’étaient exprimés. « Le vote n’est pas culturel chez les blouses blanches », déplore Nathalie Depoire, présidente de la CNI. Selon elle, à cela s’ajoute un manque de disponibilité : « C’est déjà la course dans le travail. Mal informés et par peur de fairele mauvais choix, les professionnels ne se déplacent pas. À nous deles en convaincre. »
1- Voir fiche page 68.
« C’est difficile de se détacher ne serait-ce que quinze minutes de son travail. Alors pour aller voter… Ces élections donnent la parole au personnel qui travaille au quotidien et qui connaît la situation. Il y a trop de soignants qui rentrent chez eux avec le sentiment de n’avoir pas réalisé leur travail correctement. Il faut les entendre. »
THOMAS IDE, ÉLU CTE ET MEMBRE DE CHSCT À BREST
« Ma motivation en tant qu’élue est de faire évoluer notre métier. À la suite de violences envers le personnel, que nous avons fait remonter dans les instances, nous avons créé une cellule de réflexion sur les risques psychosociaux, en lien avec un médecin du travail. Une application concrète de notre rôle de représentant. »
NATHALIE IDE, ÉLUE EN CTE, CAP-L ET MEMBRE DE CHSCT DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE
→ En 2011, la CGT est arrivée en tête avec 33,61 % des voix, suivie par la CFDT (24,39 %), FO (22,78 %), SUD (8,86 %), Unsa (4,27 %), la CFTC (2,91 %), la CNI (0,56 %) et la CFE-CGC (0,42 %).
→ Le vote par correspondance est possible depuis le 25 novembre et les résultats doivent être transmis avant le 8 décembre au ministère. Les représentants aux CTE seront désignés entre le 22 décembre et le 5 janvier.
« On ne devrait pas dire “représentants syndicaux”, mais “représentants du personnel”. En effet, c’est pour l’ensemble des agents que ces instances existent et œuvrent. Le personnel ne prend pas la mesure des pouvoirs possibles du CHSCT. C’est sans doute pour cela qu’il ne s’approprie pas assez cette instance. »
MARCELINE IDE, ÉLUE DANS LE FINISTÈRE