L'infirmière Magazine n° 355 du 01/12/2014

 

L’infirmière de bloc et l’infirmière anesthésiste sont des membres essentiels de l’équipe pluridisciplinaire garante du bon déroulement de l’intervention. Installation, asepsie, check-list… Leurs responsabilités sont nombreuses.

Le bloc opératoire

Au bloc opératoire se côtoient un certain nombre de professionnels, tous dotés de compétences différentes : un personnel médical composé de chirurgiens, d’anesthésistes, d’internes et d’étudiants hospitaliers, et un personnel non-médical constitué de cadres infirmiers, d’infirmières, d’Ibode, d’Iade et d’aides-soignantes. Cette équipe pluridisciplinaire a un objectif commun : la prise en charge d’un pa?tient dans des conditions sécurisées et optimales.

Le bloc opératoire peut être mono ou pluridisciplinaire. Son fonctionnement demande des moyens matériels importants et sophistiqués. Le programme réglé consiste à opérer des patients planifiés pour une chirurgie. Souvent, des urgences viennent s’ajouter à ce programme. Tout comme les temps opératoires complexes, celles-ci entraînent un stress important et modifient parfois les horaires prévus. Ces situations nécessitent donc un personnel qualifié, compétent, où chacun sait ce qu’on attend de lui et comprend quelle est sa position par rapport aux autres : un vrai travail en équipe.

Le bloc opératoire est un lieu de haute technologie. C’est un environnement clos où les règles d’hygiène sont très strictes. Il est dissocié des autres locaux, dits « sales » ; il n’est accessible que par des sas situés en zone « filtre ». La configuration des locaux est très réglementée, avec différents gradients de pression selon les zones (de non contrôlées à aseptiques) régulés grâce à un système de surpression et dépression. La conception actuelle des blocs opératoires est caractérisée par des équipements mobiles présents pendant les interventions et évacués entre deux interventions pour permettre un nettoyage efficace des parois. Un choix minutieux des revêtements muraux, des plafonds et des sols permet d’atteindre un niveau irréprochable de propreté et d’entretien. Dans le but d’éviter les risques de contamination aéroportée, un traitement spécifique de l’air est opéré. Cela permet de protéger le champ opératoire grâce à une hiérarchie des niveaux d’asepsie progressive. Le traitement de l’eau est également de rigueur.

Les infirmières de bloc

Afin de faciliter la prise de poste du personnel non médical, le cadre de santé établit une fiche de poste pour chaque membre de son équipe.

Les Ibode peuvent exercer trois fonctions : infirmière circulante, infirmière instrumentiste et aide opératoire. « L’infirmière circulante coordonne, organise et réalise les soins infirmiers en salle d’intervention. L’instrumentiste organise et gère l’instrumentation pendant l’acte opératoire. Tandis que l’aide opératoire aide et accompagne le geste opératoire auprès de l’équipe chirurgicale. »(1) L’activité de l’Ibode est réglementée par de nombreux décrets. Elle exerce son métier dans le respect des articles R. 4311-1 à R. 4311-15 et R. 4312-1 à R. 4312-49 du code de la santé publique(2). « L’infirmier de bloc opératoire diplômé d’État est un professionnel spécialisé qui prend soin des personnes bénéficiant d’interventions chirurgicales, d’endoscopies et d’actes techniques invasifs à visée diagnostique et/ou thérapeutique. Il organise et réalise des soins et des activités en lien avec le geste opératoire, en pré, per et postinterventionnel. Il met en œuvre des mesures d’hygiène et de sécurité en tenant compte des risques inhérents à la nature des interventions, à la spécificité des patients, au travail en zone protégée et à l’utilisation de dispositifs médicaux spécifiques. Les infirmiers de bloc opératoire interviennent au sein d’une équipe pluriprofessionnelle dans toutes les disciplines chirurgicales en secteur opératoire, en salle interventionnelle, en endoscopie, en services de stérilisation et d’hygiène. »

Compétences

Son rôle comporte cinq activités prioritaires :

→ Gestion des risques liés à l’activité et à l’environnement opératoire.

→ Élaboration et mise en œuvre d’une démarche de soins individualisée au bloc et en secteurs associés.

→ Organisation et coordination des soins infirmiers en salle d’intervention.

→ Traçabilité des activités au bloc opératoire et en secteur associés.

→ Participation à l’élaboration, à l’application et au contrôle des procédures de désinfection et de stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables visant à la prévention des infections nosocomiales au bloc opératoire et en secteurs associé.

La tenue au bloc opératoire

Il existe des règles d’habillement(3) et c’est le rôle de l’Ibode de les faire respecter grâce à un encadrement efficace. Avant tout, le lavage simple des mains est obligatoire.

→ La tunique et le pantalon : il faut rentrer le bas de la tunique dans le pantalon et resserrer le bas de ce dernier au niveau des chevilles. L’explication faite, l’intervenant doit trouver une tenue à sa taille !

→ La coiffe : elle doit emprisonner tous les cheveux. L’Ibode précise aux intervenantes porteuses de boucles d’oreilles imposantes qu’il faut les retirer pour éviter tout risque infectieux.

→ Le masque : il doit englober le nez, la bouche et le menton. Son port est nécessaire dès l’entrée de la salle d’opération et dans les zones de stockage stériles. L’Ibode précise à l’intervenant que le filtre du masque a un sens et vérifie le bon positionnement de celui-ci.

→ Les sabots : ils doivent être propres. Ils sont mis après avoir revêtu la tunique, le pantalon et la coiffe. Ils sont exclusivement portés dans l’enceinte du bloc et de ce fait, ne doivent pas en sortir. L’Ibode n’oublie pas de rappeler aux intervenants qu’après fois leur départ du bloc opératoire, ils doivent impérativement déposer les sabots souillés dans le bac prévu à cet effet dans les vestiaires.

Toute personne entrant dans une salle d’opération doit adopter et respecter la tenue réglementaire du bloc : elle a pour but de limiter la contamination de l’environnement et du patient par la flore résidente du personnel. Le respect des règles de bonnes pratiques permet à la tenue vestimentaire de jouer pleinement son rôle de filtre pour assurer la protection des patients et celle des personnels. Une fois la tenue de bloc enfilée, un lavage simple des mains doit précéder l’entrée au bloc.

Le parcours du patient

Le patient arrive à l’hôpital la veille ou le matin de l’intervention, il fait son admission. Il est préparé par l’équipe paramédicale (infirmière et aide-soignante) : à jeun à partir de minuit, dépilation si besoin et douche, à l’hibiscrub en cas d’allergie. Le matin de l’intervention, l’IDE vérifie que le patient a retiré ses prothèses amovibles (dentaires, auditives), ses lunettes, ses bijoux… Elle doit s’assurer que le patient est à jeun et qu’il a bien pris sa douche, mis une blouse à usage unique, une charlotte, des surchaussures. La prémédication est donnée et le patient installé dans un lit propre. Le dossier médical est vérifié par l’IDE. Il doit être complet (dossier d’anesthésie, carte de groupe sanguin, examens sanguins, examens radiologiques, doppler des troncs supra-aortiques, angioscanner…), autorisation d’opérer, étiquettes, fiche individuelle, feuille de liaison service-bloc. Au préalable, l’infirmière a précisé aux services d’hospitalisation et de brancardage l’heure à laquelle le patient est attendu au bloc opératoire.

L’intervention chirurgicale

Préparation de la salle

L’ouverture et la vérification de salle est obligatoire. Tout est consigné sur la feuille d’ouverture de salle : propreté, fonctionnalité de l’équipement de la salle (table opératoire, éclairage, aspiration, générateur de haute fréquence, négatoscope, mobilier, climatisation, sol, mur). Si la salle est opérationnelle, l’Ibode vérifie le matériel nécessaire pour l’intervention.

Préparation du matériel

→ Les instruments chirurgicaux : pinces à disséquer, porte-aiguille, ciseaux, dissecteurs, écarteurs…

→ Dispositifs médicaux stériles à usage unique : champs stériles, compresses radio-opaques, champs abdominaux, bistouri électrique, aspiration avec canules, sutures, seringues…

→ Dispositif médical stérile implantable : patch carotidien en PTFE (Gore-tex).

Accueil du patient

Le patient est accueilli par les équipes médicale et non-médicale (infirmière de bloc opératoire, aide-soignante, infirmière anesthésiste, médecin anesthésiste) qui se présentent à lui. Les différentes équipes effectuent la check-list (« Sécurité du patient au bloc opératoire », version 01/2011) avant l’induction anesthésique. La check-list s’effectue en trois temps : avant induction anesthésique, avant intervention chirurgicale et après intervention.

Les professionnels insistent sur l’importance de faire décliner au patient son identité (nom, prénom, date de naissance). Ils vérifient qu’il est à jeun et s’il n’a pas d’allergie. Ils s’assurent également de l’absence de prothèses dentaires, auditives, de l’existence de prothèse de hanche ou de genoux. Le côté à opérer est confirmé auprès du patient.

La prise en charge psychologique est essentielle afin que l’intervention se passe dans les meilleures conditions, d’autant plus si elle se déroule sous anesthésie locale avec sédation.

Le patient est préparé avant l’entrée en salle d’opération. On lui ôte la blouse, et on lui met une charlotte et une couverture chauffante. Bien sûr, l’intimité doit être respectée.

L’Ibode rassure le patient en lui expliquant le principe de l’intervention, l’installation qui pourrait être inconfortable en raison de sa durée. Le patient rassuré est prêt à être opéré.

Dans la salle d’opération

→ Installation : Le patient est pris en charge par l’équipe d’anesthésie (médecin et Iade). L’installation est assurée par l’équipe chirurgicale et anesthésique. Elle se déroule de la manière suivante? :

• Le bras homolatéral du côté à opérer sera positionné le long du corps du patient, l’autre bras sera installé sur un appuie-bras protégé par une gélose avec un angle inférieur à 90°, en évitant toute compression du plexus brachial.

• La tête sera placée sur un rond de tête, en hyperextension, de façon progresse et en demandant au patient s’il supporte la position. La tête est tournée du côté opposé à l’incision et fixée par un adhésif. Des géloses seront ajoutées sous les talons du patient. Un billot est mis en place sous ses genoux afin qu’il soit installé le plus confortablement possible, en lui évitant toute compression des points d’appuis.

• La couverture chauffante est remontée jusqu’au-dessous des mamelons.

• Un piquet de toupet est fixé sur la table d’opération, du côté opposé à l’incision, pour éviter que les champs opératoires stériles lui tombent sur le visage.

• L’Ibode prévient le patient qu’elle effectue la désinfection cutanée du site opératoire (hémithorax jusqu’à la mandibule et lobe de l’oreille du côté à opérer). Et s’assure de ne pas trop appuyer sur la carotide afin d’éviter les emboles d’athérome dans le cerveau.

• Le contrôle ultime, « le time out » (deuxième étape de la check-list), est effectué par l’équipe pour optimiser la sécurité du patient. L’installation et le site opératoire sont confirmés par toutes les équipes.

→ Intervention : Tout au long de l’intervention, l’équipe d’anesthésie et l’Ibode s’assurent de la participation du patient pour contrôler son état de conscience.

• On informe le patient du déroulement de l’intervention afin de le rassurer.

• À la fin de l’intervention, on effectue la troisième étape de la check-list : décompte correct des compresses, identification des prélèvements, prescriptions pour les suites opératoires…

→ Postopératoire : À la fin de l’intervention, on le réinstalle en position initiale. On le nettoie pour enlever l’excédent de Bétadine.

• L’état de conscience et la motricité sont contrôlés, le niveau de douleur également.

• Le patient est transféré en salle de surveillance postinterventionnelle pour la suite de la prise en charge.

Pistes d’amélioration

Le patient doit être informé par le chirurgien que l’indication de l’intervention est formelle. Les bénéfices et les risques seront expliqués, permettant au patient de prendre la décision finale d’accepter le geste proposé. Le type d’anesthésie peut être expliqué par le chirurgien. En consultation d’anesthésie, le médecin anesthésiste confirmera le type d’anesthésie (générale, locorégionale, locale avec sédation). Le déroulement de l’intervention sera expliqué ainsi que ce qu’on attend du patient au moment du clampage de la carotide (mouvement de la main, réponse aux ordres simples…). Celui-ci doit accepter la technique. Des explications sont aussi données sur le séjour en SSPI, même en l’absence d’anesthésie générale. Une surveillance est nécessaire et peut durer plusieurs heures, voire s’étendre jusqu’à la nuit suivante. Il serait bon d’expliquer au patient le fonctionnement de la SSPI. Comme elle comporte plusieurs postes de surveillance, il existe des nuisances sonores (allers et venues du personnel, retour de patients des blocs opératoires et vers les services d’origine, alarmes sonores des dispositifs de surveillance). Tout ceci peut contribuer à l’incompréhension de la part d’un patient ayant subi un acte chirurgical sous anesthésie locale avec sédation.

1- http://formation. aphp.fr/ecole_spe/index.php.esp=5

2- http:// bit.ly/1xcxhYK

3- Document de travail DHOS/DGS, version du 21 janvier 2009.

REPÈRES

Garder le contact verbal

SÉVERINE HOUSER ET AUDREY ROZEROT IADE AU CHU DE DIJON

Avant l’intervention, l’Iade doit :

→ Prévoir le matériel nécessaire à une anesthésie générale éventuelle ainsi que le matériel de prise en charge des toxicités liées aux anesthésiques locaux : poche d’intralipide de 500 ml et anticonvulsivant.

→ Au moment de l’anesthésie locorégionale et après la ponction, il faut garder le contact verbal avec le patient, surveiller son état de conscience, les paramètres hémodynamiques, être à l’écoute.

→ Être présent pour le patient au moment de la ponction, lui expliquer ce qui se fait, le rassurer et lui prendre la main si besoin.

→ Veiller à la bonne installation du patient et à son confort. Un urinal est mis en place pendant la durée de l’intervention.

→ Améliorer le confort du patient : glisser, à sa demande, une couverture sous les genoux, et une couverture chauffante.

Pendant l’intervention, une surveillance spécifique s’impose.

Elle consiste à :

→ Garder le contact verbal avec le patient, surveiller son état de conscience et son orientation.

→ Évaluer la mobilité et la force musculaire du bras opposé au site opératoire, car le cerveau droit commande l’hémicorps gauche et inversement.

→ Surveiller les paramètres hémodynamiques.

→ Intensifier la surveillance au moment du clampage.