L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

FORMATION

CAS CLINIQUE

PASCALE THIBAULT  

Un nouveau-né agité en néonatologie est généralement révélateur de troubles, de souffrances. Ce comportement doit interpeler les soignants et faire l’objet d’une évaluation.

Les causes d’agitation d’un nouveau-né en néonatologie peuvent être multiples. Toutefois, trois causes d’agitation principales peuvent être retenues.

La Douleur

L’agitation est un signe de douleur. Celle-ci doit être évaluée, le traitement antalgique analysé et éventuellement réajusté. L’évaluation de la douleur se fait chez ces jeunes enfants à l’aide d’échelles multi?dimensionnelles. Parmi les outils les plus couramment utilisés, la NFCS (Néonatal Facial Coding System), les échelles EDIN (Échelle de Douleur et d’Inconfort du Nouveau-né) ou DAN (Douleur Aiguë du Nouveau-né), la PIPP (Premature Infant Pain Profil) sont les plus adaptés aux nouveau-nés. Outre la maitrise de l’outil d’évaluation, un algorithme de l’évaluation de la douleur doit être élaboré et connu de tous les soignants, ceci afin de pouvoir décider à quel (s) moment (s) l’IDE prend l’initiative d’évaluer la douleur de l’enfant. Cette évaluation doit être faite à plusieurs reprises de façon systématique chaque jour, en particulier dans la phase de soins aigus. Cela doit être le cas lorsque l’enfant souffre d’une pathologie aiguë douloureuse telle que l’entérocolite ulcéro-nécrosante. Cette évaluation est également systématique lorsque l’enfant présente un ou plusieurs signes de douleur, lors de la réalisation des soins, en particulier s’ils sont identifiés comme douloureux ou inconfortables(1).

Le Rythme veille/sommeil

Le rythme veille/sommeil établi s’installe au cours des premières semaines de vie et dépend, chez le nourrison né à terme, de nombreux paramètres. L’alternance veille/sommeil est rythmée par les tétées, lesquelles s’accompagnent de soins d’hygiène et de maternage.

Cette installation est perturbée en cas d’hospitalisation, compte tenu des nombreuses surveillances liées à l’état de l’enfant, celui-ci ne pouvant pas toujours bénéficier de soins de maternage, en particulier être pris dans les bras, ce qui a pourtant un effet apaisant.

En néonatologie, en dehors des services utilisant le programme NIDCAP (Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program) ou les soins de développement, l’environnement sonore de l’enfant est en règle générale assez élevé, en particulier si l’activité du service est importante. De ce fait, l’enfant peut présenter des phases d’agitation à différents moments de la journée.

La satisfaction des besoins psycho-affectifs

En cas de naissance à terme, sans hospitalisation, le lien mère-enfant s’établit de façon normale. Lorsque l’enfant est séparé de sa mère dès la naissance, le risque de perturbation de l’établissement du lien est important. Ceci est d’autant plus vrai que la naissance a lieu prématurément et que l’enfant présente des problèmes de santé engageant son pronostic vital. L’attachement de la mère à l’égard de son enfant est perturbé, celle-ci étant ambivalente vis-à-vis des sentiments qu’elle peut lui porter et du risque de le perdre. Quant à l’enfant, quel que soit son âge gestationnel, il a besoin de sécurité affective. Celle-ci s’installe de façon progressive au contact de la personne qui s’occupe le plus de lui, le plus souvent sa mère. Elle est absolument nécessaire à son développement, et ce, autant sur le plan somatique que sensoriel, psychomoteur ou psychoaffectif. Le lien établi avec ses parents contribue à l’amélioration de son état de santé au cours du séjour en néonatologie. C’est sur ces bases théoriques mises en évidence dès la seconde partie du XXe siècle que se sont développés les soins de développement, une application partielle du programme NIDCAP. Ces soins ont pour objectif principal de favoriser le développement psychomoteur et socio-affectif de l’enfant, au même titre que son développement physique et biologique. De nombreuses actions portent sur la réduction des sources de stress. Concrètement, il s’agit de respecter le rythme veille/sommeil, du nouveau-né, de limiter les sources de stimulations visuelles et auditives et de restreindre et adapter gestes et manipulations.

1- Carbajal R, Rousset A, Danan C, Coquery S, Nolent P, Ducrocq S, Saizou C, Granier M, de SaintBlanquat L, Lapillonne A, Bréart G, Durand Ph, Boëlle PY, Lenclen R, Coursol A, Hubert Ph, Annequin D, Cimerman P, Anand KJS. « Epidemiology and treatment of painful procedures in neonates in intensive care units », JAMA, 2008.

DÉCRYPTAGE ANNE DUMAS-LAUSSINOTTE CADRE PUÉRICULTRICE, UNITÉ DE SOINS INTENSIFS DE NÉONATOLOGIE, PÔLE DE PÉDIATRIE, CHU DE BORDEAUX

« L’EIG a permis une vraie remise en cause »

L’analyse de pratique évoque des dérives dans l’exercice des infirmières. De quoi s’agit-il ?

Nous travaillons en partenariat avec une autre unité de soin de l’hôpital, qui accueille des enfants nés à un terme plus petit que dans notre service. Dans cette unité, le concept de soins de développement est vraiment entré dans les pratiques. Par exemple, les enfants ne sont pas réveillés systématiquement pour être changés toutes les trois heures. De même, se fondant sur les études des sociétés savantes, les bébés de très petit poids, immatures au plan neurologique, sont mis dans la pénombre. L’ouverture des volets se fait en fonction du terme et sur prescription. Dans notre service, nous accueillons des bébés de terme plus grand, nés prématurément mais autonomes au plan respiratoire, ou nés à terme. Notre équipe est dans une autre démarche, tout simplement parce que nous n’avons pas la même population. Dans l’autre unité, l’équipe médicale prescrit, donc valide ces soins. Ce qui n’est pas notre cas. C’est en cela que notre chef de service parle de dérive. Il est aussi très attaché à la culture du risque. Nous considérons que l’on ne peut pas s’occuper du relationnel, si l’on n’a pas d’abord la sécurité. C’est un équilibre à trouver. C’est très subtil…

Quelles améliorations ont été apportées à l’issue de cet accident de KTPC ?

La direction a été sensibilisée à travers cet EIG au manque d’effectifs. Les unités de soin comme la nôtre sont régies par le décret du 9 octobre 1998 qui détermine le ratio d’une puéricultrice pour trois enfants relevant de soins intensifs. Or, au moment des faits, j’avais trois puéricultrices pour vingt enfants. Une mise aux normes a été évoquée à partir de 2013. Deux vagues de recrutement ont suivi. Aujourd’hui, l’équipe de nuit compte cinq puéricultrice et deux auxiliaires. Par ailleurs, les effectifs – cinq à six IDE par heure – permettent un tutorat permanent des jeunes diplômées par les pairs pendant six mois. L’EIG a permis une vraie remise en cause, de dire « stop », cela ne doit plus se reproduire.

Comment avez-vous accompagné la mère de l’enfant victime de l’incident ?

Nous avons été très transparents. Elle a été informée de la démarche d’analyse de pratique. C’est très important de garder la confiance de la famille. Nous avons réussi à le faire avec les parents de ce bébé. Cela a été un point fort pour nous pour continuer à le prendre en charge.

PROPOS RECUEILLIS PAR H. TRAPPO