L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

TEMPS DE TRAVAIL

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CÉCILE ALMENDROS  

Un rapport parlementaire dresse le bilan de l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction du temps de travail (RTT), quinze ans après sa mise en œuvre.

Sur près de 80 personnes auditionnées par la commission d’enquête présidée par le député d’Ille-et-Vilaine Thierry Benoît, pas une n’a demandé une remise en cause des 35 heures. Plusieurs constats ressortent du rapport, rendu en décembre par la députée du Doubs, Barbara Romagnan : non, la RTT n’a pas coïncidé avec une dégradation de la compétitivité du pays ; oui, comparée à d’autres politiques de stimulation de l’emploi, notamment les baisses de cotisations sociales sans conditions, elle apparaît moins coûteuse pour les finances publiques ; et oui, elle s’est traduite pour la majorité des salariés par une amélioration de l’articulation entre le temps passé au travail et celui consacré aux activités personnelles et a même permis un rééquilibrage, « limité mais réel », des tâches ménagères au sein des familles. Mais il est un endroit où les effets positifs de cet « outil pertinent et efficace de lutte contre le chômage », de « transformation de la société » et d’« amélioration de la qualité de vie » ont été moins ressentis qu’ailleurs : l’hôpital public.

Pénurie de personnel

Si les salariés hospitaliers apprécient la RTT pour leurs conditions de vie, ils déplorent une dégradation des conditions de travail. Et pour cause. Pour s’adapter aux 35 heures en maintenant un égal niveau de service public, deux protocoles signés en 2001 prévoyaient la création de plus de 45 000 emplois non médicaux et de 3 500 emplois médicaux dans les secteurs sanitaire et médico-social publics entre 2002 et 2005, pour un coût de 1,8 milliard d’euros(1). Or, si Marisol Touraine confirme 37 000 créations d’emplois non médicaux dans le sanitaire et 8 000 dans le médico-social, la sénatrice de Seine-Saint-Denis, Aline Archimbaud, juge ces chiffres surestimés : selon elle, 35 000 emplois non médicaux seulement ont été créés, et tous les postes médicaux n’ont pu être pourvus, faute de candidats et de crédits accordés aux établissements. Un constat que partage également la Cour des comptes, pour qui le nombre de postes annoncés était déjà insuffisant pour compenser intégralement la RTT (2). Le passage à la RTT a contribué à « amplifier la pénurie de personnels infirmiers et médicaux sans que l’on ait anticipé cet effet dans la fixation du numerus clausus ou dans le volume des promotions des Ifsi », a reconnu Marie-Anne Lévêque, directrice générale de l’administration et de la fonction publique.

1- Un coût auquel s’ajoutent les dépenses liées aux comptes-épargne-temps (CET) mis en place en même temps. Selon un rapport publié en 2014 par l’Institut Montaigne, 12 millions de jours de congés étaient en souffrance sur ces CET en 2011, une « véritable bombe à retardement » pour les hôpitaux.

2- « Les personnels des établissements publics de santé », mai 2006.