L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

CRITIQUE PAR FRÉDÉRIC LAUNAY CADRE DE SANTÉ EN MPR

RENDEZ-VOUS

Nouvelles parutions

→ Cette enquête plonge le lecteur dans une réalité méconnue et dévoile une situation alarmante : celle des enfants perdus, déscolarisés. L’objectif des auteurs est atteint et certaines révélations soulèvent une vive indignation. Encore faut-il surmonter son émotion pour tenter de comprendre un système de prise en charge complexe qui présente assurément des failles – en premier lieu, son opacité– et nous interroger, en qualité de soignants, sur nos propres responsabilités. La maltraitance infantile est en effet difficile à détecter et, quand on dispose d’indices suffisamment inquiétants, on ne parvient pas à y croire car « en même temps que l’enfant décrit son mal-être profond, une partie de lui idéalise ses parents maltraitants ou négligents et les innocente ». Pourtant, « tous les enfants maltraités passent un jour ou l’autre par le système de santé » et « les médecins ne sont à l’origine que de 5 % des signalements ». Quel que soit son domaine d’activité, l’infirmière est bien placée pour exercer sa vigilance et cet ouvrage lui sera utile. Consulté par les auteurs, le Dr Berger, pédopsychiatre, propose de généraliser l’utilisation de l’échelle de développement de Brunet-Lézine pour s’assurer, avec le test du cube, que le jeune enfant a intégré une figure parentale stable et sécurisante. Mesurer son quotient de développement permet d’évaluer la souffrance psychique d’un nourrisson. À terme, les ravages de la maltraitance conduisent certaines jeunes victimes vers les services de psychiatrie (jusqu’à 65 % des patients adultes d’un hôpital de jour), en prison (jusqu’à 98 % des détenus selon le psychiatre d’une maison d’arrêt) et les rend parfois inaptes à s’insérer socialement et professionnellement. Le coût social du phénomène est donc exorbitant. Ce constat très pessimiste des dispositifs de l’Aide Sociale à l’Enfance dissimule cependant le travail admirable de certains élus, éducateurs, juges ou assistantes sociales auprès des enfants dont ils ont la charge, ainsi que les formidables capacités de résilience des jeunes qui bénéficient d’un étayage solide… quand on le leur propose.

Enfants en souffrance… la honte ! Le Livre noir de la protection de l’enfance, Alexandra Riguet et Bernard Laine, Éd. Fayard, 2014.