L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Le lien d’attachement parents-enfant, essentiel pour le bon développement des bébés, est mis à mal en cas de prématurité. Le favoriser est donc au cœur des préocupations des services de néonatologie.

Lors de la création des premiers services de néonatologie, les parents étaient exclus des soins. Or, des travaux menés au cours de la seconde partie du XXe siècle(1) ont mis en évidence la nécessité d’associer la prise en charge du développement biologique au développement psychomoteur et psychoaffectif de l’enfant. En effet, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux auteurs ont étudié les conséquences d’une séparation précoce du nouveau-né d’avec sa figure d’attachement principale – sa mère, le plus souvent.

Besoin vital d’affection

Ces travaux ont permis l’ouverture progressive des services de néonatologie aux parents. La particularité de l’accompagnement de ces derniers se situe dans l’instauration du lien avec leur nouveau-né. Après une naissance à terme, le lien d’attachement entre l’enfant et sa mère se crée de façon progressive, les deux apprenant mutuellement à se connaître. La mère s’adapte à son nourrisson, apprend à décoder ses demandes et à répondre de façon adaptée à ses besoins. Donald Winnicott a décrit ce processus et souligné les capacités des mères à répondre aux besoins de leurs enfants, décrivant ainsi la notion de « mère suffisamment bonne ». Dans le même temps, le suivi sur le long terme des enfants nés prématurément a mis en évidence le risque de difficultés d’attachement de la part de la mère. En effet, séparée précocement au cours de sa grossesse de ce nouveau-né, elle n’apprend à le connaître que lors de sa sortie du service de néonatologie. Ces difficultés peuvent aller jusqu’à des sévices liés à l’incapacité ou à la difficulté pour la mère de s’attacher à son enfant et de répondre à ses besoins.

Les facteurs favorisant ces problèmes sont nombreux. On peut évoquer en particulier l’absence de relation corporelle précoce entre l’enfant et sa mère, laquelle est pourtant essentielle dans la reconnaissance mutuelle. La mère peut également éprouver de la culpabilité à ne pas avoir su mener sa grossesse à terme. Ou encore développer des sentiments très ambivalents à l’égard de ce nouveau-né qui ne correspond pas à l’enfant idéal dont elle avait rêvé. Si la naissance a lieu avant terme, la mère est privée de toute l’élaboration psychique qui se déroule au cours des dernières semaines de grossesse et qui est favorisée à la fois par les préparatifs de la naissance et de l’arrivée de l’enfant, mais aussi par une évolution physique et psychique de la mère.

Dans les premiers jours qui suivent la naissance, le bébé reconnaît la voix et l’odeur de sa mère. Puis, progressivement, il identifie la manière particulière qu’elle a de le porter (holding) et de le manipuler (handling)(2). L’identification de ces premières interactions et des conséquences de leur absence lors d’une séparation précoce ont permis une prise de conscience : pour évoluer normalement, un nouveau-né n’a pas uniquement besoin qu’un adulte réponde à ses besoins physiologiques primaires (alimentation, hygiène, surveillance de l’élimination, respect du sommeil). Il a aussi besoin de marques d’affection, d’une relation avec l’adulte, de préférence avec sa mère.

Mesures et législation

Différents aspects législatifs et réglementaires ont, ces dernières années, favorisé le développement de la place des parents dans les unités de néonatologie. Dans le cadre de la certification des établissements de santé, et plus particulièrement depuis la 3e étape (V2010), dans le chapitre 2 relatif à la prise en charge du patient, l’accueil et l’accompagnement de l’entourage constituent un droit du patient (critère 10.d). Il est demandé aux établissements de « définir les modalités d’accueil et d’accompagnement de l’entourage ». Lorsqu’il s’agit d’enfants, la rubrique précise qu’« une organisation permet l’accueil et la présence en continu des parents des enfants hospitalisés ». Le critère 19(3) concerne la prise en charge des patients appartenant à une population spécifique, dont font partie les enfants et les adolescents. Cette population présente des critères de vulnérabilité et des besoins spécifiques évoluant avec l’âge. Il est demandé que les conséquences psychologiques de l’hospitalisation soient minimisées. Le manuel insiste sur la nécessité pour ces services d’employer des professionnels formés aux spécificités de la prise en charge des enfants, notamment en ce qui concerne l’accueil, l’information, la relation triangulaire parent-enfant-soignant, l’évaluation psychologique des conséquences de la maladie et de l’hospitalisation, la présence des proches, etc. Ces mesures avaient déjà été préconisées dans le décret de périnatalité de 1998(4). Ce texte a eu pour effet d’augmenter la présence d’infirmières spécialisées en puériculture dans les unités de néonatologie et de réanimation néonatale. Ce qui, de fait, a favorisé l’application des mesures préconisées, ces professionnelles ayant bénéficié d’une formation adaptée à la prise en charge de l’enfant de la naissance à l’adolescence.

1- Guédeney N., Guédeney A., L’attachement : approche théorique - Du bébé à la personne âgée, 3e édition, Éd. Masson, 2010.

2- Thibault P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital : la place des proches dans la relation de soin, Éd. Masson, 2008.

3- Manuel de certification V2010 – Critère 19a, p. 60 – version modifiée en 2011, disponible sur le site de la Haute Autorité de Santé.

4- Décret n° 98-899 du 9 octobre 1998, relatif aux établissements de santé publics et privés, pratiquant l’obstétrique, la néonatologie ou la réanimation néonatale.