L’ancien mentor religieux des frères Kouachi, Farid Benyettou, achève sa formation dans un Ifsi de l’AP-HP. Une révélation qui pose la question de l’accès à la profession.
Quelques jours après les attentats de Paris, Le Parisien révélait que Farid Benyettou, le prédicateur soupçonné d’avoir participé à la radi?calisation des frères Kouachi, effectuait son dernier stage de formation infirmière aux urgences de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Condamné en 2008 à six ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, ce dernier aurait pu se trouver en présence des blessés de la tuerie de Charlie Hebdo, s’il n’avait pas été de repos. L’AP-HP, informée de la situation peu de temps après l’entrée en formation de Farid Benyettou et en lien avec la police depuis lors, a rappelé que si une condamnation portée sur le casier judiciaire empêche d’être recruté sur un emploi public, elle n’interdit pas de « se présenter au concours d’entrée et de suivre la scolarité ». « La validation de sa formation, qui devait s’achever fin janvier 2015, sera soumise à l’évaluation de droit commun », a precisé la direction, qui a mis fin prématurément au stage.
« La sélection en formation ne peut se baser sur des critères idéologiques, ethniques, culturels ou religieux », a rappelé la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers. Considérant que « l’opportunité de se réinsérer dans la société, après une période d’incarcération, notamment par l’accès à l’enseignement et à une formation, est une marque de progressisme social », l’association appelle à une « réflexion éthique ».
« Le métier d’infirmier n’est pas un métier comme les autres », soutient Karim Mameri, secrétaire général de l’Ordre national des infirmiers. « Il demande une éthique et un respect particulier de la vie humaine ». Pour l’Ordre, l’affaire révèle un problème de fond : celui de l’accès aux études et à la profession d’infirmière. L’ONI, « qui s’est vu confier par la loi de vérifier les compétences autant que la moralité » des IDE, notamment en accédant au casier judiciaire, déplore de n’avoir « jamais été tenu informé ni par les autorités judiciaires, ni par les autorités sanitaires du projet de l’entrée de M. Benyettou dans les études infirmières ». L’instance demande donc « que soit considérée la possibilité que chaque étudiant se présente dès le début des études infirmières à l’Ordre, afin que ces vérifications soient faites ». Mais le fait d’avoir un casier judiciaire n’empêche pas forcément d’exercer, commente Karim Mameri.
« Le bon sens exige qu’une personne condamnée à six ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ne puisse pas exercer une profession humaniste, au contact de personnes malades ou fragiles », considère le conseil départemental de l’Ordre infirmier de Paris, réclamant le rétablissement de l’obligation de fournir un extrait de casier judiciaire lors de l’inscription au concours d’entrée en Ifsi. La Fédération de l’hospitalisation privée a, quant à elle, demandé que, dans le privé, « tout recrutement d’un ou une IDE soit ainsi précédé de son inscription à l’Ordre national des infirmiers ».