L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

CARRIÈRE

PARCOURS

F. R.  

J’interviens en maternité, aux urgences, en Ehpad, etc. C’est enrichissant et j’apprécie de retrouver un large éventail de pathologies. Cela exige cependant de grandes connaissances et de la rigueur

En psychiatrie de liaison, je me sens comme un poisson dans l’eau. Je m’éclate ! » lance Hélène Seegers. Son orientation n’a rien d’un hasard. « J’ai toujours adoré le somatique et le psychiatrique, et cette double prise en charge de nos patients me tient vraiment à cœur. » L’infirmière est depuis longtemps consciente du cloisonnement existant entre les deux approches et reste convaincue du besoin d’établir le lien. Elle s’appuie d’ailleurs sur le rapport de la Mission d’information sur la santé mentale et la psychiatrie de l’Assemblée nationale de décembre 2013(1) pour étayer son raisonnement. Celui-ci relève en effet que « la majorité des patients atteints de troubles psychiatriques développent également une maladie somatique, très souvent ignorée et qui ne fait donc pas l’objet d’un suivi ». En découle « un taux de mortalité des malades psychiatriques supérieur à la moyenne générale de la population ». Une perte de chance à laquelle l’infirmière ne se résout pas et qu’elle perçoit sur le terrain.

→ De la douleur à la liaison. Au CH de Cadillac, Hélène Seegers a commencé sa carrière dans un service d’hospitalisation libre et, immédiatement, a demandé à se former à la prise en charge de la douleur. Elle enchaîne un DU puis un DIU, devient infirmière ressource douleur, fonction à laquelle elle consacre depuis 20 % de son temps. En 2012, on lui propose d’instaurer la psychiatrie de liaison voulue par l’agence régionale de santé sur un pôle de l’hôpital. Aujourd’hui, l’équipe compte deux infirmières, un psychiatre et une cadre de santé. La variété du travail, la forte autonomie, les responsabilités, les échanges avec les patients et l’exercice en milieu somatique – même si la communication n’y est pas simple –, entretiennent depuis son enthousiasme. « En hospitalisation libre, je retrouvais un peu toujours les mêmes maladies psychiatriques. Là, j’interviens en maternité, aux urgences, en Ehpad, etc. C’est enrichissant et j’apprécie de retrouver un large éventail de pathologies. Cela exige cependant de grandes connaissances et beaucoup de rigueur », souligne-t-elle tout en confiant qu’elle aurait bien du mal à « retourner en service ».

→ Une double casquette. Aujourd’hui, Helène Seegers met à profit en psychiatrie de liaison sa spécialité d’infirmière ressource douleur. « Nos patients ont des pathologies sévères, chroniques, et se retrouvent dans des établissements où les soignants méconnaissent cette dimension. Or, ils n’expriment pas clairement qu’ils ont mal. Cela passe souvent par des changements de comportement. J’explique donc comment déceler la douleur chez ces patients », résume-t-elle. En difficulté, les équipes confondent souvent manifestations de douleur et troubles psychiatriques. De fait, si 68 % des patients vus en liaison ont des antécédents psychiatriques, au moins 30 % des interventions sont liées à la prise en charge de la douleur. « Sans ma double casquette, je risquerais aussi de passer à côté », observe l’infirmière. Son intérêt pour la douleur remonte à bien avant l’obtention de son diplôme d’IDE. « J’ai longtemps travaillé dans la recherche sur la nociception. Je me suis alors posé des questions au niveau clinique. La prise en charge du patient m’intéressait », dévoile-t-elle. Aujourd’hui, Hélène Seegers caresse l’espoir de rapprocher à terme les deux voies.

→ Sensibiliser les soignants. Contribuer à réduire le cloisonnement somatique-psychiatrique reste pour elle un objectif prioritaire. « Cela nous dérange tous. C’est une question de culture professionnelle, de formation. Sur le terrain, cependant, je constate qu’avec de la patience, des évolutions sont possibles. Il suffirait de sensibiliser les soignants, de leur apprendre à décoder certains comportements de nos patients psychiatriques en somatique et inversement », pointe-t-elle. Et d’ajouter: « J’ai appris en école d’infirmière qu’il fallait sept à neufans pour changer les comportements dans les services… » Tout espoir n’est donc pas perdu.

1- http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1662.asp

MOMENTS CLÉS

2008 Diplôme d’État infirmier. Entrée au CH de Cadillac.

2009-2010 DU « Formation des professionnels de santé à la prise en charge de la douleur », à Bordeaux.

2010-2011 DIU « Douleur, psychologie et psychopathologie », à Paris.

2011 Instaure avec un médecin l’unité de prise en charge de la douleur au CH de Cadillac.

2012 Met en place la psychiatrie de liaison sur son pôle.

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