L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

ÉDITORIAL

SYLVIE GERVAISE  

Six ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Et une influence incontestable sur les orientations doctrinaires des responsables des récents événements meurtriers survenus à Paris. Conforme à ses valeurs, la France a permis à Farid Benyettou de s’engager dans un processus de réinsertion sociale. Il est aujourd’hui étudiant en soins infirmiers. Pourquoi sommes-nous, soignants, si bouleversés par le fait que cette situation se vive au sein de notre profession, dans un établissement de soins, a fortiori de la fonction publique hospitalière ? Parce que nous ne sommes pas à l’aise avec l’idée que cette dernière forme et délivre un diplôme d’État à des étudiants autrefois condamnés pour faits graves, et qu’elle n’embauchera pas une fois diplômés. Ces mêmes étudiants, qui ne seront jamais agents titulaires de la FPH, mais que celle-ci envoie en stage dans des structures, tant privées que publiques, pendant trois ans. Une incohérence qui soulève de nombreuses questions éthiques. Confier des patients à des personnes, certes repenties, qui ont clamé leurs pensées extrémistes, est-il compatible avec l’exigence de neutralité requise dans leur nouvelle profession ? Après avoir fait preuve d’une discrimination envers autrui, peut-on encore s’engager à soigner, sans aucune différence de traitement, tout individu, quelles que soient sa religion, ses croyances, ses origines ? Des questions éthiques qui interpellent le soignant individuellement et induisent une réflexion d’équipe nécessaire.