L'infirmière Magazine n° 358 du 01/03/2015

 

DOMOTIQUE

DOSSIER

Espace modulable, équipements connectés : la technologie promet aux professionnels de santé de meilleures conditions de travail.

Améliorer la prise en charge des patients et faciliter la vie des soignants. C’est l’objectif des Concept Rooms conçues par Clubster Santé, un groupe d’entrepreneurs du Nord-Pas-de-Calais, et le CHRU de Lille. « Nous avons voulu décliner les différents modes de prise en charge », explique Philippe May-jonade, coordinateur général des pôles hôteliers au CHRU de Lille et maître d’œuvre de ces projets. Le premier, « La chambre d’hôpital du futur », est né en 2012. Dans cette pièce ultra-connectée, le patient peut effectuer la plupart des activités quotidiennes sans solliciter les soignants. Le matin, il fait passer son lit en position fauteuil à l’aide de son smartphone. La chambre est équipée d’un terminal multimédia permettant de contrôler tous les équipements et les divertissements par le mouvement et la voix, grâce à la technologie Kinect. Enfin, le personnel soignant dispose de son propre écran, sur lequel il accède au dossier médical grâce à un badge. « Les soignants ont à disposition tout ce dont ils ont besoin : par exemple, la barrière de lit est intégrée dans la cloison, détaille Philippe Mayjonade. Le nettoyage est aussi facilité, car seul le lit touche le sol et le bassin se désinfecte automatiquement. » Plus besoin d’aller chercher un lit d’appoint : une banquette modulable se transforme en couchage en appuyant sur un bouton. Enfin, un boîtier situé à l’entrée de la chambre permet à l’infirmière de choisir en un clic l’éclairage et la configuration qu’elle souhaite pour effectuer ses soins. Ce confort a un prix : chaque Concept Room coûte 200 000 euros. Mais les différents éléments pouvant s’acquérir indépendamment les uns des autres, les établissements de santé peuvent s’équiper petit à petit.

Le second projet, « Le service ambulatoire de demain », a été développé en 2013 dans le but de rationaliser les déplacements. Ici, le fauteuil-lit se transforme en brancard puis en table d’intervention. Il est équipé d’une tablette tactile et de capteurs sans fil qui retransmettent en temps réel les indicateurs de santé du patient. Enfin, un PC infirmier dispose d’une vue et d’un accès direct à la salle de réveil. En 2014, les mêmes partenaires ont lancé « Silver Concept », une chambre destinée aux personnes âgées faisant la part belle à la modularité des espaces. Ceux-ci s’adaptent « afin qu’un résident puisse conserver son espace privé, même si sa dépendance s’accroît », précise Clubster Santé. « Les éléments de levage sont systématiquement intégrés dans les chambres, explique Philippe Mayjonade. Mais, grâce à un faux plafond, ils restent invisibles quand ils ne servent pas. » Le CHRU de Lille et Clubster Santé travaillent d’ores et déjà à de nouveaux projets sur l’hospitalisation à domicile, et la thématique mère-enfant-accompagnants.

Pour s’assurer que ces innovations répondent aux attentes des professionnels de santé, ceux-ci ont été consultés dès la phase de conception : « Une infirmière hygiéniste a, par exemple, estimé que la configuration de nos Concept Rooms permettait un nettoyage adapté, explique le CHRU. Mais elle a considéré que certaines de nos propositions n’étaient pas envisageables. »

Des économies de temps et d’énergie

Globalement, les promesses des Concept Rooms séduisent les infirmières. « Grâce au fauteuil-lit, plus besoin d’attendre les brancardiers. Et la disponibilité immédiate de tout le matériel, comme le pousse-seringue intégré dans le placard, limite les déplacements et fait gagner du temps », apprécie Élisabeth, IDE en région parisienne. « La transmission des données vitales par ondes radio rendra le bloc plus praticable car, aujourd’hui, le sol est encombré par tout un tas de câbles », souligne Pascal, Ibode en Bretagne. « Plusieurs innovations du Silver Concept sont intéressantes, juge Mélanie, infirmière en Ehpad dans le Pas-de-Calais. Notamment le détecteur de chute, qui enregistre tous les mouvements du patient et le nombre de fois où il s’est levé dans la nuit. » Pour d’autres, certains équipements, comme le lit-fauteuil, manquent de pertinence : « Les lits actuels peuvent déjà se mettre en position assise, note Thomas, étudiant infirmier. Et supprimer le fauteuil classique peut être dommage, car il participe à la revalidation du patient en le forçant à se lever et à marcher. » Quoi qu’il en soit, il faudra encore attendre un peu pour exercer dans de telles conditions : si les établissements (notamment à Bordeaux ou à Lille) commencent à commander certains équipements, la chambre d’hôpital entièrement connectée reste pour l’instant à l’état de prototype.