Lors de la troisième journée paramédicale du groupe hospitalier HUPO (hôpitaux universitaires Paris-Ouest), une présentation a permis de mieux cerner les enjeux psychologiques et éthiques liés aux dons d’organes.
Comment éviter l’intrusion auprès d’une famille en état de choc ou de professionnels réalisant des soins auxquels ils ne sont pas habitués ? Sophie Breynaert, infirmière coordinatrice des prélèvements d’organes et de tissus à l’hôpital européen Georges Pompidou, a décrit la complexité de la démarche de prélèvement, qui doit se réaliser avec efficacité, tout en respectant les sensibilités et freins de chacun.
Quand un patient en réanimation présente les premiers signes de mort encéphalique, il s’agit de s’assurer que le diagnostic a été posé dans le respect de la procédure médico-légale. Si les proches du défunt ne s’opposent pas au prélèvement, l’infirmière coordinatrice contacte l’Agence nationale de la biomédecine
Obtenir le témoignage de la famille en faveur du don est d’autant moins aisé que le temps presse. La stabilité homéostatique du donneur potentiel, précaire, varie de douze heures à trois jours. Pendant ce temps, l’équipe de réanimation prodigue des soins constants pour maintenir la fonction des organes. Pour éviter l’intrusion, l’infirmière coordinatrice conseille de « dire les choses simplement. » Le dialogue permet aussi de répondre aux inquiétudes des proches, notamment en ce qui concerne l’intégrité physique du donneur. Même en cas de prélèvement de tissus, une reconstruction ne laissera pas deviner le prélèvement opéré.
L’IDE coordinatrice insiste sur le fait que le don d’organes modifie le deuil à venir. Certains proches ont tendance à héroïser le défunt donneur. Et si le don peut donner du sens à la mort, il peut rendre à long terme le deuil plus difficile, comme en témoigne cette phrase revenant régulièrement dans la bouche des proches : « Il y a encore un peu de lui sur terre. » Pour Sophie Breynaert, les difficultés qui peuvent être éprouvées par les soignants ne doivent pas non plus être négligées. Il n’est pas toujours aisé, pour une équipe de réanimation qui n’a pas pu sauver un patient, de continuer à réaliser soins, bilans et évaluations inhabituels, « afin de sauver des organes pour sauver d’autres vies, qu’on ne voit pas, lors de greffes qui auront lieu ailleurs ». Lors du prélèvement, alors que le donneur est intubé et monitoré, son cœur est arrêté au bloc opératoire. Là encore, il s’agit, pour la coordinatrice, de « maintenir une position neutre permettant de rester le plus ouvert possible à ce que l’on entend, sans porter de jugement, et tout en expliquant ». Une absence de jugement qui doit prendre en compte le fait que le don d’organes, s’il permet de sauver des vies, peut être contesté philosophiquement. Alors que les anthropologues relèvent que dans toute société le don nécessite un contre-don alimentant le lien social, le don d’organes revêt un caractère absolu et engendre une dette dont le receveur ne pourra jamais s’acquitter.
1- Le site www.agence-biomédecine.fr fournit des informations détaillées sur le prélèvement et la greffe.
Afin de réduire les douleurs induites lors de leur intervention, les équipes de brancardage de Corentin Celton et de Vaugirard ont reçu une formation spécifique présentée lors de cette même journée paramédicale organisée par l’HUPO. L’utilisation d’échelles d’évaluation de la douleur, une meilleure communication avec le patient et l’identification des souffrances induites par le brancardage leur ont ainsi permis de définir des actions préventives dans leur pratique. Une formation largement appréciée par les professionnels, et qui devrait être prolongée par la traçabilité des éléments cliniques qu’ils recueillent désormais.
M.-C. D.