Dès les premières lignes, on pressent les tourments d’un être pris au piège de ses doutes, de ses rêves, de ses impuissances. Un homme dont le métier, chirurgien du cœur, n’a pourtant rien d’un jeu de hasard. Arrigo Lessana, l’auteur, sait de quoi il parle puisqu’il exerce ce métier depuis plus de trente ans. Alors, garder le cap, rien de plus facile, pourrait-on croire, pour Ferdinand, le héros du roman. Sauf qu’en dehors du bloc opératoire, les repères vacillent. Le quotidien, les liens, les émotions le brinquebalent entre saccades et cascades. Tout ne va pas de soi, l’utile devient inutile (et vice-versa), le désir brouille les pistes, les situations se renversent. Et pour un praticien de l’extrême, sauver des vies, c’est aussi parfois commettre l’irréparable. Pas facile de garderle sens de l’orientation, malgré les séances chez Valentin, son psychanalyste, « avec le soleil et les étoiles, Ferdinand se souvient qu’il s’était senti parfaitement orienté de l’autre côté du monde ; bien plus facilement qu’il ne le fait ici avec ses souvenirs et ses intentions » ; malgré les avances de Paola, son amoureuse ; malgré sa passion pour le foot, la moto et la montagne. Pour lui, tout n’est qu’un irrépressible balancier entre chaos et recherche d’équilibre. Une quête d’absolu. En vain. Car Ferdinand joue avec les limites, au fil d’une existence bancale et de situations incongrues. Jusqu’à la chute de cette tragicomédie, cadencée par 60 courts chapitres écrits de bout en bout comme une succession de fragments de vie, dans lesquels l’auteur nous dévoile l’intime masculin, sans faux-semblant. C’est rare.
Le sens de l’orientation, Arrigo Lessana, éd. Christian Bourgois, 16 €