Frédéric Launay Cadre de santé en MPR au CHU de Tours, et membre du comité de rédaction de L’Infirmière Magazine
EXPRESSION LIBRE
En octobre 2014, une jeune fille éthiopienne de 16 ans est morte fauchée par une voiture, alors qu'elle tentait de traverser une autoroute près de Calais. Le mois dernier, 29 migrants sont décédés d'hypothermie sur les bateaux des garde-côtes italiens dans le canal de Sicile… La base de données Migrants’ Files
Ensuite, il y a les autres, ceux qui ont survécu à ces voyages à haut risque et n'ont pas été décorés pour leur mérite. Ils sont enfermés dans des centres de rétention administrative ou occupent clandestinement des espaces, plus ou moins tolérés, dans des conditions effroyables, très souvent loin des regards, pour quelques jours, plusieurs mois, voire plusieurs années. Toutes les initiatives de sauvetage et d'assistance, qu'elles soient internationales, étatiques, associatives, individuelles ou collectives, anonymes ou médiatisées, ne suffisent pas à soulager l'immense détresse de ces migrants qui fuient les guerres, les répressions, la misère. Or, avec une augmentation de plus de 180 % des migrations illégales en Europe recensée par l'agence Frontex entre 2013 et 2014, les besoins sont croissants, en France aussi. Les associations constatent une dégradation de leur état de santé. La Cimade déplore une baisse de 18 % des titres de séjour délivrés pour raison de santé depuis l’entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2014. Médecins du monde constate que près de 62 % des consultants étrangers en situation administrative précaire pris en charge dans les Centres d'accueil, de soins et d'orientation (Caso) souffrent d’une affection chronique exigeant une prise en charge régulière. Se réjouir de l’histoire d'Armando ou de Cristina, ou s’attrister du destin tragique de la jeune fille éthiopienne serait trop facile. « Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre », conseille Spinoza. Agir, ensuite, suppose de se situer dans un entre-deux inconfortable qui constitue le quotidien de tous les soignants, quels que soient les patients, leurs origines, leur religion, leurs croyances. Il est salutaire de réfléchir posément, loin des passions médiatiques, pour retrouver le sens du prendre soin.
1- Projet porté par des journalistes, suivre petitlien.fr/7xqp