Source de stress, mais aussi porteur d’indications précieuses, l’environnement sonore des établissements de santé constitue un facteur important du bien-être de tous, patients comme personnel soignant.
Les hôpitaux seraient, selon une récente étude
Lors de cette étude, le niveau moyen relevé en néonatologie tournait autour de 60 à 65 dB. Cela ne suffit pas à provoquer des atteintes auditives, mais des pics à 100 dB ont été mesurés toutes les dix minutes environ, avec un maximum de 130 dB. Pour les enfants, l’effet est violent. « Cela peut provoquer des phénomènes d’apnée, allonger les délais de cicatrisation, voire les temps de séjour, note Gilles Souet. Pour les soignants, cela induit une fatigue qui s’ajoute à la pression du métier et peut même être facteur d’erreur médicale. Aujourd’hui, la réduction du bruit n’est pas encore une priorité. L’urgence vitale passe avant : si les alarmes sont réglées sur une fréquence de 1 000 Hz, c’est pour une question d’efficacité. Mais parfois, il n’y a pas de raison vitale comme pour les alarmes sur les pousse-seringues. Une partie du problème vient de ce qu’on ne peut pas toujours optimiser l’absorption des sons, par exemple avec des revêtements en fibres, en raison des mesures de prévention des maladies nosocomiales. »
Il n’y a pas que les oreilles des nouveau-nés qui sont affectées par ces nuisances. « Lors de mon hospitalisation, j’ai été particulièrement gêné par des bruits auxquels on ne penserait pas forcément, témoigne Christophe, qui a souffert d’une maladie respiratoire. Par exemple, la crèche des enfants du personnel était juste sous mes fenêtres. Il y avait aussi le système pneumatique de délivrance des médicaments ; j’ai mis deux jours à comprendre d’où venait ce bruit bizarre. Enfin, des travaux avaient lieu à proximité de l’hôpital, utilisant des engins de chantier équipés d’alarmes de recul. » Outre les troubles du sommeil, les effets négatifs du bruit sur les patients sont multiples : stress, angoisse, hypertension, augmentation du rythme cardiaque, fatigue, céphalées, nervosité, agressivité, hyperacousie… Autant de perturbations qui peuvent accroître l’intolérance au bruit et engendrer une surconsommation de thérapeutiques, notamment de somnifères et d’anxiolytiques.
Dans les pays anglo-saxons, on appelle les sources d’inconfort hospitalier, dont le bruit fait partie, des stressors. Selon une étude menée à l’université King’s College de Londres, ces sources peuvent conduire les petites blessures à cicatriser jusqu’à deux fois moins vite et provoquer chez les patients des troubles digestifs, tremblements ou névroses, ainsi qu’une tendance à l’impatience. Le ressenti de la douleur peut également être aggravé. Si les stimulations sonores sont souvent répétées, voire constantes, et supérieures à 60 dB, des troubles cardio-vasculaires peuvent même apparaître.
Un défi pour les infirmières qui doivent veiller au confort du patient. Selon le Code de la santé publique, elles ont, en effet, pour mission d’assurer « la prise en charge de la qualité de son sommeil et de son environnement sonore réalisée par l’élimination ou la diminution de toutes les sources de bruit qui se trouvent sous leur contrôle total ou partagé ». Une recommandation d’autant plus difficile à mettre en œuvre que l’activité des soignants génère elle-même des nuisances sonores, liées à la réalisation de soins techniques, aux déplacements dans les couloirs, aux conversations bruyantes, aux claquements de portes, aux passages réguliers visant à assurer la surveillance des patients… Les infirmières utilisent, en outre, du matériel bruyant, en particulier des chariots, brancards, pieds à perfusion, lave-bassins ou encore, des machines de stérilisation.
Les soignants eux-mêmes peuvent être victimes de l’environnement bruyant que constitue l’hôpital. Selon le professeur Christian Gélis, biophysicien et professeur à l’université de Montpellier, les principales conséquences des nuisances sonores sont « la fatigue, le stress, l’irritabilité pouvant aller jusqu’à l’agressivité, une dégradation des relations professionnelles, des migraines et une nette perturbation de l’attention ». D’après l’association Journée nationale de l’audition, le bruit accroît de 24 % le risque d’accident avec arrêt de travail. Dans les métiers à lourdes responsabilités, telles que les professions de santé, les troubles de la vigilance liés à un environnement bruyant obligent à produire des efforts supplémentaires de concentration. L’augmentation de la charge cognitive induite par les interruptions, notamment par le téléphone, rend complexes des tâches simples et accroît le risque d’erreur. Alors que ces sollicitations sont parfois inutiles, comme l’a montré une étude menée en Californie
Pour autant, il n’est pas souhaitable d’éliminer complètement le bruit de l’environnement hospitalier, et pour cause : il est en général très utile, voire vital. En effet, le bruit revêt aussi une fonction d’information, notamment entre soignants. Pour que le message passe bien, il est souvent nécessaire d’interpeller son interlocuteur dans le but de fixer correctement son attention. Une bonne gestion des informations est indispensable à l’exercice du métier d’infirmière. Le bruit prouve, en outre, aux patients que le personnel soignant est présent et qu’il pourra répondre à leurs appels en cas de besoin. Nombre d’entre eux aiment d’ailleurs que la porte de leur chambre reste ouverte de jour et parfois aussi de nuit, voire souhaitent une chambre double pour se sentir moins seuls. Durant leur hospitalisation, certains patients trouvent que des bruits familiers leur manquent, ceux qu’ils entendent chez eux, mais aussi ceux de leurs animaux. Enfin, cet environnement sonore peut même se révéler poétique pour qui se donne la peine de tendre l’oreille. Depuis quelques années, la scène nantaise de musiques improvisées Pannonica organise, à destination des enfants, des sessions de création à partir de sons captés à l’hôpital
1- « Sleep disruption due to hospital noises: a prospective evaluation », Orfeu M. Buxton et alii, Annals of Internal Medicine, 2012.
2- « Moins de bruit ! Je dors », Michaëlla Paillard, Techniques hospitalières n° 704, 2007.
3- « Exposition au bruit des nouveau-nés dans les services de néonatologie », ARS du Centre et du Limousin, 2012. http://bit.ly/1w4uPa5
4- « Insights into the problem of alarm fatigue with physiologic monitor devices: a comprehensive observational study of consecutive intensive care unit patients », Barbara J. Drew et alii, 2014.
5- « Sounds of CHU », prochaine session entre mars et juin 2015. www.pannonica.com
→ « Les incidences du bruit à l’hôpital », Charles-Éric Bodin, Ifsanté, 2011. http://bit.ly/1EcOdTP
→ « Silence hôpital », ARS Champagne-Ardenne, 2008. http://bit.ly/185bhb3
→ « Le bruit en réanimation », service de réanimationdu CHU de Saint-Étienne, 2012-2014. http://bit.ly/1DzIZSZ
Il existe relativement peu de textes encadrant le bruit dans les hôpitaux. « Dans les années 1980, les ministères concernés ont publié un guide de bonnes pratiques qui, facultatives, ont été peu appliquées », explique Lory Waks, adjoint au chef de la Mission bruit du ministère de l’Écologie. L’arrêté du 25 avril 2003
« À l’hôpital, il faut une durée de réverbération faible dans certains espaces, comme les salles de repos, précise Lory Waks. De plus, les échanges entre soignants et patients nécessitent un certain niveau de confidentialité. Les hôpitaux étant souvent situés à côté d’infrastructures de transports, il faut bien les isoler par rapport à l’extérieur. Mais à l’intérieur, les exigences ne doivent pas être trop fortes, les infirmières devant entendre les équipements qui indiquent l’état de santé du patient ! Dans le cadre du Conseil national du bruit, des professionnels de l’acoustique ont défini les valeurs idéales, après consultation des professionnels de santé. » Un autre arrêté