L'infirmière Magazine n° 359 du 01/04/2015

 

ÉTABLISSEMENT

DOSSIER

C. COQ-CHODORGE  

Améliorer l’environnement acoustique relève bien souvent de la seule volonté, comme en témoigne l’exemple heureux de l’Ehpad de Mouy.

Discrète et confortable, en briques rouges et en verre, la petite maison de retraite de la ville de Mouy, en Picardie, est installée au cœur d’un tissu urbain dense, entourée d’une zone pavillonnaire. Cet établissement de 79 chambres, dont dix au sein d’une unité Alzheimer, a été construit en 2009 par l’architecte Pietro Cremonini. Son cahier des charges était fort clair : prendre soin de l’environnement sonore des résidents et des professionnels, mais aussi des riverains. À l’intérieur du bâtiment, l’acousticien Bernard Delage explique qu’il « a travaillé différentes ambiances sonores. Les résidents ne s’en rendent peut-être pas compte, mais cela les aide à différencier les lieux. Et crée de la diversité sonore, comme dans la vie. » En suivant un chemin entre les pavillons alentour, on entre dans l’Ehpad par sa partie administrative. Suivent, au rez-de-chaussée, une salle polyvalente, une salle à manger et les locaux techniques. Aux étages se trouvent les chambres, réparties sur trois ailes, qui se rejoignent dans un îlot central vitré. Lequel constitue une zone de circulation et de rencontres, équipée de petits salons et d’une mini-cuisine. À l’écart de cet ensemble, mais toujours dans le même bâtiment, se trouve l’unité d’Alzheimer, construite sur un seul niveau, dont les dix chambres entourent un patio intérieur arboré.

Un bruit, des bruits

À Mouy, le bruit extérieur est négligeable. Potentiellement, la seule source sérieuse de nuisance est la maison de retraite elle-même ! « Dans ce contexte urbain, le bâtiment doit produire le moins de bruits possible, explique Pietro Cremonini. La climatisation et le groupe électrogène peuvent être très bruyants. Nous avons donc construit des pièges à sons. » Le groupe électrogène est situé dans le jardin de la maison de retraite, « à équidistance de tous les bâtiments alentour, précise l’architecte. Et il est entouré d’un caisson en béton étanche, équipé d’une arrivée d’air conçue, elle aussi, pour piéger le son. » Un système semblable isole la climatisation.

À l’intérieur, « l’essentiel est de bien isoler les pièces les unes des autres, en particulier les chambres », indique l’architecte. Les murs sont des plaques de plâtre fixées sur des rails métalliques « dédoublés pour que les vibrations ne se transmettent pas d’un mur à l’autre. » À la tête des lits, les nombreuses prises, qui fragilisent l’isolation, sont entourées de caissons acoustiques. Les salles de soins se trouvent dans l’îlot central, séparées des chambres par des murs en béton. Les locaux techniques, isolés par des dalles et des murs en béton, sont au rez-de-chaussée ou sous les combles. Et pour la ventilation, « les tuyaux sont assez gros pour que l’air circule à basse vitesse, sans bruit », poursuit l’architecte. Côté bruits d’impact, autrement dit de pas, d’objets qui tombent, de chariots qui roulent, tout se joue sur le plan de la qualité des sols. « L’équilibre est difficile à trouver, entre dureté nécessaire à la circulation des chariots et souplesse qui amortit les bruits d’impact », explique l’architecte. Le PVC des sols des chambres est le plus mou ; dans le couloir qui les dessert, il est un peu plus dur. Il est dur dans la zone centrale, où sont situées les salles de soins.

Réflexion du son

En langage courant, la réverbération est l’écho, c’est-à-dire la durée du bruit. Elle est aussi la spécialité de Bernard Delage. Dans les chambres, la réverbération est limitée grâce « à des plafonds isolés en laine de verre ou de roche compactée », explique-t-il. Mais dans l’îlot central et la salle polyvalente, où les personnes âgées se retrouvent pour discuter, jouer, assister à des conférences, « elles doivent pouvoir s’exprimer en déployant une énergie minime. En plus de la laine de verre, qui bloque l’énergie de la voix et les sons médiums, les plafonds sont recouverts de plaques de plâtre ou de bois perforées, qui laissent circuler, d’un bout à l’autre de la pièce, les sons aigus, essentiels à l’intelligibilité de la parole. » La réverbération pose surtout problème dans les grands volumes, ici la vaste salle de restauration, au-dessus de laquelle se déploie la cage d’escalier : « D’épaisses dalles de fibres minérales sont fixées au plafond. Sur les murs, à partir de deux mètres du sol, des tissus textiles, par exemple des feutres, sont utilisés. » « Il n’y a aucun surcoût, affirme Pietro Cremonini. C’est une question d’arbitrage : c’est au maître d’ouvrage, ici le département, de décider si l’acoustique est une priorité. » Ce que Bernard Delage confirme : « Les maîtres d’ouvrage ou les architectes sont davantage enclins à mettre de l’argent dans des éléments esthétiques plus visibles ». Et l’acousticien de regretter que « la plupart des établissements de santé et médico-sociaux respectent rarement la réglementation en matière acoustique. La raison semble simple : l’absence totale de contrôles ».