CRITIQUE PAR ALEXANDRE MANOUKIAN PSYCHOTHÉRAPEUTE
RENDEZ-VOUS
Nouvelles parutions
→ Cet ouvrage « est atypique » en ce qu’il alterne « les points de vue d’intervenants de champs disciplinaires variés » avec des témoignages écrits de patients et de familles. Ce livre fait réfléchir. C’est son but. Il est atteint. Nous ne citerons pas tous les auteurs car ils sont nombreux. La dimension historique révèle l’influence du médecin sur son patient dans la perception de ses maladies et douleurs. L’approche juridique explore, elle, la violence tant du droit que de la médecine qui ne cesse de « normer le monde biologique ». La psychologie dénonce la violence institutionnelle et sa conséquence : la souffrance au travail dont l’effet délétère sur l’empathie est bien connu. Mais si l’empathie est un excellent moyen d’accompagner le patient, sa pratique a besoin « d’appoint et de tutelle ». Une analyse des violences aux urgences corrobore l’effet miroir du soin : « Les comportements des uns et des autres sont intimement imbriqués ». Les pages consacrées au lien parent-enfant invitent à une pratique qui désamorce la violence. Le droit des patients (la loi Kouchner) est analysé comme un texte fondateur, parce qu’il marque et impose le passage du patient « objet » de soins à celui de patient « sujet » de soins. Puis vient le cœur du livre, constitué d’extraits de Hors de moi de Claire Marin. Véritable invitation à mesurer notre empathie, ces phrases sont des citations ; cet extrait, une mise en appétit, un traitement contre l’anorexie intellectuelle : « Patiente. C’est mon statut et l’ordre auquel je dois obéir. C’est un nom, un adjectif et un verbe à l’impératif. » Voilà la condition de malade dont le corps « tombe dans le domaine public ». Une analyse des risques liés à la psychiatrie nous rappelle « la part d’ombre de la personnalité… » afin de toujours sauvegarder la dignité. L’approche psychanalytique traque la violence et la nécessité « d’assumer de faire mal pour faire le moins de mal possible ». En résumé, ce livre met des mots pleins de sens et de sensations, sur toutes les violences, abolissant l’ancienne loi du silence…
L’éthique à l’épreuve des violences du soin, sous la direction de Dominique Davous, Catherine Le Grand-Sébille et Étienne Seigneur, Éd. Érès, 15 €