L'infirmière Magazine n° 359 du 01/04/2015

 

RELATION SOIGNANT-SOIGNÉ

ACTUALITÉS

FOCUS

MARIE-CAPUCINE DISS  

Lors des Rencontres santé de l’Hôtel-Dieu (AP-HP), deux médecins, exerçant en médecine narrative, ont présenté leur toute nouvelle discipline.

Souvent, les soignants n’osent pas poser des questions trop personnelles aux patients, de peur de se montrer intrusifs. Et pourtant, ces derniers ont besoin de se confier. La relation de soin se trouverait améliorée si les professionnels de santé les écoutaient plus et mieux. Aux États-Unis, au début des années 2000, un médecin interniste s’est intéressé à la narratologie et a entamé un master de Lettres. Elle a montré que l’écoute du récit des patients était le prélude d’une relation de confiance de qualité(1).

Pour François Goupy, épidémiologiste et professeur de santé publique à l’université Paris-Descartes, la médecine narrative est un moyen de recueillir de précieuses informations. Ce dernier a « fait de la médecine narrative sans le savoir », en élaborant le diagramme de vie de 14 patients pour en faire un outil de discussion. Les événements majeurs retenus portaient sur les activités, les relations, le lieu de vie, l’argent et la santé. Le praticien a constaté que des événements négatifs pouvaient coïncider avec le déclenchement d’une maladie. Son étude a permis de recenser, chez ces patients, 209 événements de vie, dont 40 % étaient ignorés du clinicien qui les suivait ; lequel n’avait connaissance que de 10 % des événements marquants survenus à l’enfance.

Prendre du recul

Pour le Pr Goupy, « l’écoute du récit de vie des patients permet de repérer des facteurs de risque » et de se placer dans une position empathique, le rendant réceptif au sens que le patient donne à sa maladie. C’est dans cet esprit et afin de « donner l’occasion aux soignants de réfléchir sur leur métier » que le professeur a mis en place un module d’enseignement dirigé sur la médecine narrative. Réservé aux étudiants de 4e année de médecine de Paris-Descartes, cette formation leur propose cinq « Ateliers d’écriture réflexive ». Il leur est demandé d’écrire sur leur vocation, de relater un épisode personnel de maladie, de raconter une relation soignant-patient et de retracer leur histoire. Selon Anne Chahwakilian, gérontologue à l’hôpital Broca, « après avoir dépassé leurs réticences, les étudiants font preuve de grandes qualités d’observation. Ces ateliers leur permettent de prendre du recul ».

1- Rita Charon, « Narrative Medicine. Honoring the stories of illness », Oxford University Press, 2006.

Articles de la même rubrique d'un même numéro