L'infirmière Magazine n° 359 du 01/04/2015

 

CARRIÈRE

PARCOURS

MARIE ALÈS  

“J’étais très intéressé par les conditions de travail. Le transport des patients était compliqué. J’ai donc mis en place un service de brancardage central.”

Je ne suis pas devenu ergonome dans un souci de gérer ma deuxième partie de carrière et de finir à un poste moins fatigant. C’est l’opportunité qui s’est présentée », explique André Guisti, 58 ans et quarante ans de carrière à l’AP-HP. Son parcours est atypique. En 1974, il a 18 ans, est sans diplôme et cherche du travail « Un ami m’a conseillé de m’orienter vers l’hôpital public. À l’époque, c’était facile de trouver un emploi. Je suis donc devenu agent hospitalier dans les services généraux de l’hôpital franco-musulman, devenu depuis Avicenne, à Bobigny. J’ai passé quatre ans à travailler en cuisine. On est alors venu me chercher pour entrer à l’école d’aides-soignants. La promotion professionnelle était importante et il y avait des besoins. Sur une promotion de 80 élèves, nous étions une quinzaine dans le cadre de la promotion professionnelle. » André Guisti est aide-soignant quelques années durant. « Au départ, je n’étais pas vraiment orienté vers les patients. C’est à l’école d’aides-soignants que j’ai découvert les soins et une vocation pour ce métier. »

Lorsqu’en 1982, on lui propose d’entrer à l’IFSI Jean Verdier à Bondy, l’aide-soignant accepte immédiatement. « C’était une suite normale », commente-t-il. Trois ans après, il obtient son diplôme. Le jeune infirmier est muté à l’hôpital Tenon, dans le XXe arrondissement de Paris, à la salle des naissances. « J’y ai travaillé quelque cinq ans, avant de rejoindre le service de cardiologie. Syndicaliste de longue date, je suis devenu secrétaire du CHSCT et j’ai choisi de faire de la suppléance dans mon service », relate André Guisti.

En 1988, avec l’arrivée d’un nouveau directeur à l’hôpital Tenon, André Guisti devient responsable du service de salubrité qui comprend une quarantaine de personnes. « J’étais déjà très intéressé par les conditions de travail, notamment dans le service de soins où il n’y avait pas une grande productivité. Le transport des patients d’une unité à l’autre pour passer, par exemple, des examens était compliqué, Tenon étant un hôpital pavillonnaire. J’ai donc mis en place un service de brancardage central en 1995 », relate-t-il. Cette année-là, l’infirmier franchit une nouvelle étape. Le directeur lui propose en effet d’enclencher une formation.

André Guisti suit donc un DU d’ergonomie à l’université de Paris 6, créé en collaboration avec l’AP-HP. À 40 ans, il change de cap et devient ergonome chargé des conditions de travail, toujours à l’hôpital Tenon : « L’AP-HP avait, à l’époque, besoin d’ergonomes. Après mon diplôme universitaire, j’ai poursuivi des études dans ce domaine et choisi un cursus diplômant à l’université de Paris 1. Depuis 2002, je suis ingénieur ergonome dans les services de soins. » Dans le cadre de son travail, André Guisti mène une étude sur l’utilisation des aides aux soulèvements dans les services de soins à la demande du CHSCT de Tenon. Il initie également la réorganisation des approvisionnements logistiques de ces mêmes services. L’une de ses opérations les plus conséquentes concerne la réorganisation de la gestion du dossier médical, sujet qu’il suit durant dix ans. Il étudie également les aménagements de postes des agents en situation de handicap ou d’inaptitude dont quelques-uns intéressant les secrétaires hospitalières. « Je suis resté très proche des soignants, même si je n’exerce plus. À 58 ans, je me retrouve un peu au placard et j’ai choisi d’être syndicaliste à 80 % de mon temps. Aujourd’hui, ce sont les ingénieurs d’organisation qui ont la côte dans les hôpitaux publics », explique André Guisti qui déplore que l’hôpital public n’ait pas mis en place de gestion de fin de carrière pour les infirmières. « À Tenon, les infirmières font comme elles peuvent pour trouver des postes moins usants ». Avec son double regard, ergonome et syndicaliste, cet ex-infirmier estime, par ailleurs, que les compétences et le savoir-faire des infirmières ne sont pas suffisamment pris en compte.

MOMENTS CLÉS

1974 Agent hospitalier à l’hôpital franco-musulman de Bobigny.

1979 Entre à l’école d’aides-soignants.

1985 DE d’infirmier. Exerce à l’hôpital Tenon (AP-HP), à Paris.

1996 DU d’ergonome. Exerce cette fonction à l’hôpital Tenon.

2002 Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) d’ergonomie. Devient ingénieur ergonome.