Stéphane Moiroux Infirmier en EMS dans le canton de Genève et membre du comité de rédaction de L’infirmière Magazine
EXPRESSION LIBRE
Aujourd’hui, la majorité des prises en soin se fait auprès d’une population âgée et il est évident que l’abord soignant de ce public s’améliore de jour en jour. Cependant, la pensée des soins auprès de ces personnes fragilisées reste encore à élaborer pour être au plus près des particularités de l’âge et de l’individualité de chacun. Ainsi, prenons pour exemple le « projet de vie ». Cette institution, maintenant bien ancrée dans l’administration hospitalière, veut que chaque établissement de soin soit à même de proposer un projet individuel aux personnes hébergées. En peu de temps, les colloques ou instances de « projet individualisé » ont fleuri au sein des Ehpad et autres unités de soins longue durée (USLD). L’ensemble de l’équipe de soin établit alors, d’une même voix, le projet de vie d’un résident. Ce dernier est bien entendu invité au colloque mais, toute hypocrisie gardée, sa participation se résume plus souvent au faire-valoir qu’à la prise de décision d’un projet concernant tout de même sa propre vie. L’idée de faire appel à l’interdisciplinarité pour penser la prise en soin d’un patient en tenant compte de son individualité et de sa globalité est loin d’être mauvaise, voire même nécessaire. Mais que penser du fait de réfléchir à sa place, sous prétexte d’incapacité ou de dépendance ? Et est-il bon de proposer un projet calqué sur un système de pensée médical ou institutionnel, bien loin de celui que tout un chacun aurait instauré pour œuvrer vers son propre devenir ?
Des projets, tout le monde en a. Quel que soit son âge, son degré de dépendance psychique ou physique, l’homme passe d’un projet à l’autre toute sa vie, repoussant ainsi, d’une certaine manière, sa confrontation avec la mort. Le projet devient alors l’expression d’un désir, du désir. Cependant, pour exister, d’autant plus lorsque la vulnérabilité s’installe, ce processus psychique se doit d’être imposé. Comment faire alors, lorsque l’on est âgé, que l’on perd ses repères, que l’on ne peut plus agir seul ?
Prenant comme postulat que « ce l’on fait pour quelqu’un, sans lui, on le fait contre lui »
1- (Jean-François Lyotard)
2- Citation originale : « Ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi. » (Nelson Mandela)