Dans les unités d’hématologie et d’oncologie pédiatrique, les patients requièrent de nombreux soins techniques et relationnels. L’arrivée d’un nouvel infirmier dans un tel service fait l’objet de mesures spécifiques en termes d’encadrement par les pairs.
Que ce soit à l’hôpital Armand Trousseau (AP-HP) ou au CHU de Rouen, le constat est le même : nombreux sont les infirmiers jeunes diplômés embauchés dans des services très techniques. « L’expérience en hématologie et oncologie pédiatrique est formatrice, et attire les professionnels en raison des nombreux soins techniques, de l’apprentissage du métier et des qualités relationnelles nécessaires à la spécialité », indique Mélissa Belharet, cadre de santé à l’hôpital Armand Trousseau. Les fiches de poste insistent sur le calcul de doses, les pansements de cathéter central, l’organisation et la participation aux examens tels que les ponctions lombaires ou les myélogrammes, la maîtrise des règles d’hémovigilance et de transfusion, la pose et la surveillance des chimiothérapies, le travail en chambre stérile, la manipulation de cytotoxiques, le travail sous hotte et le respect des procédures.
> À l’hôpital Armand Trousseau, les cadres du service responsables du recrutement sont vigilants : « Il s’agit de recruter un IDE qui fera partie d’une équipe. Il importe qu’il se sente bien dans son travail et qu’il ait plaisir à venir le faire. En tant que responsables, nous maîtrisons le cadre de travail, et sommes donc les plus à même de leur préciser les avantages et les contraintes de ce type de poste. »
• Avantages : parmi eux se trouvent le suivi sur le long terme des patients, la relation qui s’instaure avec leur famille et la cohésion des équipes médicales et paramédicales.
• Contraintes : elles concernent la difficulté de soigner les patients avec une juste distance, ce qui se révèle compliqué lors de diagnostic sombre et de mise en soins palliatifs. « Ce sont des points que nous abordons lors de l’entretien, souligne Véronique Tanguy, cadre de santé à Armand Trousseau. Le postulant doit veiller à garder une juste distance professionnelle, même si cela est parfois difficile. »
L’arrivée d’un nouveau soignant dans les services d’oncologie et d’hématologie pédiatrique de l’hôpital Armand Trousseau et du CHU de Rouen se traduit par la mise en place d’une période d’intégration tutorée de quatre semaines pour le premier, six pour le second. « C’est rassurant car, dans de nombreux services, ce n’est pas aussi long, commente Sophie Gay, diplômée depuis février 2013 et IDE à l’hôpital Armand Trousseau depuis mars 2013. Les enseignements dispensés à l’Ifsi sont très généraux et les soins liés à l’oncologie n’y sont pas abordés. »
> Cela débute par une phase d’observation, puis l’infirmier gagne petit à petit en autonomie, des prises en charge les plus simples vers les plus complexes. « Ce que nous voulons voir, en premier lieu, c’est un soignant capable de travailler en asepsie et de respecter les règles d’hygiène, précisent les cadres de l’hôpital Armand Trousseau. Les compétences spécifiques viennent ensuite. Le tuteur l’aide à les acquérir et à trouver sa posture. » Nicolas Russier, IDE dans ce même hôpital, le confirme : « Ça ne s’improvise pas ! L’accompagnement est indispensable. Certaines prescriptions médicales sont complexes. La présence d’un collègue expérimenté est alors rassurante. »
> Au CHU de Rouen, le système de tutorat s’inspire de celui requis par l’accueil des ESI. « Nous avons énormément travaillé sur l’encadrement des étudiants en soins infirmiers, ce qui a servi de base pour élaborer un programme d’accueil, indique Aurélie Gravelle, infirmière au service d’hématologie et d’oncologie rouennais. Compte tenu de la difficulté du service, il importe d’aider le nouveau collègue à s’intégrer pour qu’il ne se sente pas dépassé. »
> Dans les deux établissements, l’intégration s’effectue par étapes progressives. Au CHU de Rouen, le nouvel arrivant travaille avec les auxiliaires de puériculture pendant les quatre premiers jours, afin de découvrir le service, le matériel, ainsi que les locaux, et de s’intégrer à l’équipe. « Nous travaillons en binôme AP/IDE, explique Charlotte Buron, IDE au CHU de Rouen. Cette phase permet de rendre celui-ci optimal. L’encadrement par les auxiliaires permet d’aborder les particularités relatives à l’alimentation et à l’élimination, les soins propres à la toilette, la surveillance cutanée et du pansement de cathéter central, etc. » La période d’intégration est en outre le moment de rencontrer l’équipe pluridisciplinaire, de visiter la pharmacie, de passer une journée avec l’agent de stérilisation, etc.
Parallèlement, des temps sont consacrés à la théorie : dispensés par l’équipe médicale ou les tuteurs, ces cours concernent notamment les maladies rencontrées dans le service et les traitements associés, la prise en charge infirmière, une sensibilisation aux prises en charge spécifiques (celle des neutropénies, par exemple), la surveillance des traitements, etc. « L’objectif est que ce soit interactif et que le nouvel arrivant réfléchisse et se demande pourquoi il réalisera ses actes, martèle Aurélie Gravelle. Nous en profitons pour faire le point sur les difficultés qu’il rencontre et son ressenti dans le service, afin de personnaliser au maximum son accompagnement. »
À l’hôpital Armand Trousseau, un séminaire annuel spécifique au service d’hématologie et d’oncologie est organisé depuis 2013 pour les nouveaux arrivants. On y aborde des thèmes spécifiques à l’hématologie tels que l’alimentation, la prise en charge médicamenteuse, les règles d’hygiène, l’hémovigilance ou des thèmes actuels tels que la gestion des erreurs. Cette mobilisation médicale, paramédicale et pluridisciplinaire permet un échange constructif.
Enfin, dans les deux établissements, un livret d’accueil est remis à l’IDE qui prend ses fonctions dans le service. « Le Guide de l’infirmier d’hématologie oncologie pédiatrique [NDLR : Gihop] est une bonne base, estime Nicolas Russier. Il contient notamment les protocoles et les échelles de la douleur chez l’enfant, et liste certaines chimiothérapies et leurs risques. »
Afin d’évaluer la progression de l’infirmier, des évaluations sont planifiées :
> À Rouen, un questionnaire d’entrée est soumis le premier jour afin d’adapter l’encadrement. Il aborde par exemple le calcul de doses, les connaissances sur l’hyperthermie, la douleur, l’hématopoïèse ou les effets secondaires des chimiothérapies.
> Dans les deux établissements, une grille des compétences à acquérir est l’outil de référence pour évaluer la progression : législation, connaissances spécifiques à la discipline, déontologie, les procédures les plus importantes (identitovigilance, par exemple), matériel, attitude professionnelle, tâches administratives, etc. « C’est le travail de toute l’équipe de prendre part à cette évaluation, commente Charlotte Buron. Ces temps plus formels sont l’occasion de se poser et de faire le point. » Cette évaluation ne s’arrête pas à la période d’intégration, mais se poursuit durant l’année qui suit l’arrivée du soignant.
Outre les plans de formation institutionnels, une démarche interne active est mise en place. « La transmission de connaissances par les pairs et l’équipe médicale est très ancrée dans le service, indique Véronique Tanguy. Certains soignants et médecins sont d’ailleurs volontaires pour le faire. »
> Au CHU de Rouen, un plan visant à harmoniser les pratiques est mis en place depuis le début de l’année, au rythme d’une ou deux journées mensuelles. Les IDE, les ASH et les AP y participent, quelle que soit leur ancienneté dans le service. « Certaines pratiques ne sont pas en adéquation avec les protocoles de l’unité, note Aurélie Gravelle. Les six tuteurs du service y reprennent les cours destinés aux nouveaux arrivants, organisent des ateliers et présentent les protocoles au fur et à mesure. » Ces réajustements permettent notamment à tous d’intégrer les bonnes pratiques et au nouvel infirmier d’être directement formé par ses encadrants.