CRITIQUE PAR GUY CHATAP PRACTICIEN HOSPITALIER
RENDEZ-VOUS
Nouvelles parutions
→ Les sociétés modernes, dans lesquelles les maladies sont, les unes après les autres, vaincues par la médecine toute-puissante et ses traitements de plus en plus efficaces, ont un dernier adversaire qui résiste à la science et à la recherche : la vieillesse. Aujourd’hui, on ne parle plus de « sénilité », de « perdre la boule » ou de « gâtisme » quand une personne âgée a une mémoire défaillante ou un déficit cognitif, mais de « maladie » d’Alzheimer, ce qui est plus rassurant dans ces temps où le jeunisme est le leitmotiv général. La médecine et les industriels de la pharmaceutique finiront bien par lui trouver des médicaments et nous les vendre, puisque toute maladie doit avoir un traitement. L’auteur de cet ouvrage heureusement dérangeant, médecin gériatre, nous rappelle fort opportunément que la maladie d’Alzheimer, dont la définition est d’ailleurs très imprécise, reste une pathologie plutôt rare qui n’est pas l’apanage du sujet âgé. Il rajoute qu’elle est « un diagnostic bien commode » qui permet d’évacuer les questions taboues du vieillissement et de la place des anciens dans notre environnement numérique et hyper-connecté. Sans dénigrer l’intérêt de la recherche sur le vieillissement cérébral, Alain Jean estime que combattre le processus inéluctable qu’est la vieillesse par des médicaments est une illusion, puisque la mort sera toujours au bout du chemin. Mettant des mots souvent forts sur ce que pensent un certain nombre de médecins spécialistes du vieillissement peu médiatisés, l’auteur souligne comment notre société, en quête d’une jeunesse éternelle, détourne le regard devant ses vieux. Ces derniers sont ainsi devenus les incarnations de la déchéance physique et mentale, qui souffrent, sont malades, angoissés, se rapprochent de la mort, et dont le statut social se dégrade. Cet ouvrage, qui pousse à la réflexion, veut réhabiliter le vieillard dans une société qui n’a pas le courage de vieillir.
La vieillesse n’est pas une maladie, Alzheimer, un diagnostic bien commode, Alain Jean, Éd. Albin Michel, 16 €