« L’accueil, c’est être attentif, à l’écoute » - L'Infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015

 

INTERVIEW :JEAN-LUC PLAVIS PATIENT EXPERT À L’UNIVERSITÉ DE MÉDECINE PARIS-DESCARTES, REPRÉSENTANT DES USAGERS AUPRÈS DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE SANTÉ ET DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU RÉSEAU MÉDIATION EN SANTÉ (RÉMÉDIE)

DOSSIER

Selon Jean-Luc Plavis, la qualité de l’accueil à l’hôpital s’améliorera surtout grâce à une meilleure communication.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Dans l’ensemble, l’accueil hospitalier s’est-il amélioré ces dernières années ?

JEAN-LUC PLAVIS : À l’hôpital, l’accueil administratif et technique s’est beaucoup développé depuis les années 90 : accès aux sites amélioré, échanges fluidifiés, prise de rendez-vous facilitée, etc. Mais il y a aussi l’accueil comme soin : comment mieux accueillir les patients et leurs familles dans les services. Et malgré les efforts, l’agressivité et les réclamations augmentent. Je relie cela au prendre soin, car une grande partie de ces plaintes sont liées à des difficultés de communication : la simple absence de bonjour, d’explications sur la prise en charge transmises avec parcimonie ou dans un vocabulaire trop technique. Aujourd’hui, les patients et les familles attendent autre chose que la seule intervention chirurgicale : ils veulent comprendre ce qu’on va leur faire et comment les soins vont se dérouler. Mais du côté des professionnels, cela coince encore. On le voit au niveau des plaintes et réclamations, les gens précisent qu’ils ont été bien soignés, que telle infirmière a été extra mais que telle autre a été détestable. Cela apparaît directement dans les courriers. Si le soin n’est pas en cause, l’image de l’établissement peut en pâtir. Et certains ne reviendront pas s’y faire soigner à cause d’un mauvais accueil. Au niveau des établissements, des équipes développent une attention plus grande à la qualité de l’accueil. Cette recommandation ministérielle(1) demeure difficile à appliquer.

L’I.M. : Pourquoi une telle difficulté ?

J.-L.P. : C’est peut-être une conséquence de la hiérarchie intrahospitalière. Les infirmières dépendent de leurs cadres de service, qui sont elles-mêmes soumises à la pression d’un chef de service. Même à l’AP-HP, où il existe un service des relations avec les patients qui fonctionne bien, sur le terrain, le message ne passe pas. Le rôle du chef de service demeure très important : si pour ce dernier l’accueil est secondaire, vous aurez des plaintes. Par ailleurs, on est également confronté à un manque d’effectifs et à la pression que subissent les personnels. Le climat social peut aussi avoir un impact sur la qualité de l’accueil.

L’I.M. : Quels sont, pour les usagers, les fondamentaux de l’accueil ?

J.-L.P. : Avant tout, c’est prendre soin des personnes, être attentif, respectueux, à l’écoute, souriant. L’accueil, c’est aussi frapper avant d’entrer dans la chambre. Ce n’est pas acquis partout. Un vrai travail de communication doit être mené sur ce point. Ensuite, il y a toutes les étapes du parcours dans l’établissement. Il est important de s’assurer que la personne puisse avoir une réponse non automatisée au téléphone. Les standards électroniques ne sont pas évidents à utiliser par tous. Il est encore indispensable de pouvoir parler à une personne physique. L’accueil, c’est aussi l’accès à l’hôpital, les transports en commun, les places de parking. Un établissement où les places les plus proches de l’entrée sont réservées au personnel, alors que les places pour personnes handicapées sont à 150 m, ce n’est pas acceptable. À l’arrivée dans l’établissement, il faut un bonjour, un sourire, pas simplement une borne informatique. Les outils numériques peuvent faciliter l’accueil, mais ils ne remplacent pas la relation humaine. Il y a ensuite la qualité de l’affichage. Si vous perdez du temps pour trouver le bon service, la bonne aide, la réponse à vos questions, cela accroît le stress que représente en soi l’entrée à l’hôpital.

L’I.M. : Les livrets d’accueil, sites web ou dispositifs numériques de préadmission permettent-ils d’améliorer la situation ?

J.-L.P. : Ce sont des outils, encore faut-il bien les utiliser. Le livret n’est pas forcément remis au premier rendez-vous. Cela dépend des établissements. Souvent des patients le découvrent au moment de l’hospitalisation, alors qu’ils ne sont pas forcément en état de le lire. Il serait préférable de le remettre plus tôt, au moins au moment de la consultation d’anesthésie. Et c’est sans compter sur les ruptures de stock… Il faudrait aussi savoir s’il a été remis ou non, puis lu ou non. Il y a une sensibilisation à faire dans les services pour que la lecture soit vérifiée, par exemple via les questionnaires de satisfaction. L’hospitalisation étant de plus en plus courte, les sites web, s’ils sont bien conçus, peuvent être intéressants. On peut y ajouter des vidéos, des témoignages de patients.

1- Circulaire DHOS/E1/DGS/SD1B/SD1C/SD4A n° 2006-90 du 2 mars 2006 relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant une charte de la personne hospitalisée.

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