« LES IDE SE SENTENT MÉPRISÉES » - L'Infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015

 

ORDRE NATIONAL DES INFIRMIERS

ACTUALITÉS

FOCUS

LAURE MARTIN  

Depuis l’adoption de l’amendement au projet de loi de santé de la députée socialiste Annie Le Houérou, l’Ordre national des infirmiers (ONI) est sur la sellette. À quelques semaines du vote au Sénat, son président revendique le soutien du Gouvernement.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Vous dénoncez les circonstances dans lesquelles la décision de suppression de l’ONI a été prise. Pourquoi ?

DIDIER BORNICHE : Rappelons que l’amendement a été voté contre l’avis de la commission des affaires sociales et du Gouvernement et avec moins de 30 députés dans l’hémicycle. Aujourd’hui, l’ONI est en parfait état de marche. Il mène les missions que la loi lui a confiées au service des professionnels et des patients. Nous réfutons les reproches formulés(1) pour justifier cet amendement : ils concernent l’ancienne gouvernance. Depuis deux ans, Annie Le Houérou a refusé toute discussion et proposition de rencontre. Les infirmières se sentent méprisées par ce vote, alors qu’il s’agit de la première profession de santé en France et que l’ONI est le deuxième ordre.

De plus, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé le renforcement des prérogatives des infirmières et de nouvelles missions nous sont confiées. L’Ordre infirmier est indispensable pour la sécurité des soins, la représentativité et la régulation de la profession.

L’I. M. : Le défaut de représentativité est justement l’un des arguments avancés…

D. B. : Il y aurait, en France, entre 450 000 et 500 000 infirmières(2), et nous comptons 40 % d’inscrites. À titre de comparaison, nos homologues espagnols ont mis dix ans à obtenir une adhésion à 100 %. L’ONI est né dans des circonstances difficiles, dans un contexte politique où des messages négatifs sur l’Ordre étaient émis ; les professionnelles ont donc été frileuses.

Aujourd’hui, nous constatons une très nette augmentation des inscriptions, notamment chez les jeunes diplômées.

L’I. M. : La mauvaise gestion financière de l’Ordre est également mise en cause. Où en êtes-vous ?

D. B. : La dette était considérable ; elle s’élevait à 11,2 millions d’euros en 2011. L’Ordre a fait des efforts majeurs de restructuration. Aujour-d’hui, la dette atteint 3,8 millions d’euros pour un budget annuel de plus de 8 millions d’euros. En 2017, elle sera complètement resorbée. Nos comptes sont vérifiés par un commissaire aux comptes et sont publics.

L’I. M. : Annie Le Houerou a estimé que les missions remplies par l’Ordre pouvaient l’être par d’autres structures. Que répondez-vous ?

D. B. : C’est faux ! D’ailleurs, l’amendement se contente de supprimer l’Ordre sans pour autant prévoir le transfert de ses missions à d’autres structures. Aucune continuité de service public n’est assurée, il n’y a aucune étude d’impact sur le coût pour les finances publiques. Suggérer de confier à l’État nos missions, c’est aberrant, car cela engendredrait des dépenses supplémentaires alors qu’un Ordre fonctionne à coût zéro pour les finances publiques. Quant au Haut Conseil des professions paramédicales, son rôle est purement consultatif. Il ne peut pas réguler l’accès à la profession, vérifier les diplômes, contrôler les liens d’intérêt des infirmières ou juger les manquements déontologiques. Le fondement de l’Ordre, c’est son indépendance. Si on transfère ses missions à l’État, l’indépendance disparaît. Croyez-vous que l’État poursuivra, devant un tribunal, un centre hospitalier qui emploie de fausses infirmières dans son bloc opératoire ? L’Ordre le fait, lui(3).

Autre point important : en supprimant l’Ordre, on supprime également 70 emplois. Une telle mesure antisociale est irresponsable.

L’I. M. : Avez-vous entrepris des actions particulières en vue de l’examen du projet de loi au Sénat ?

D. B. : J’ai été reçu par le conseiller santé du président de la République, le directeur adjoint de cabinet et la conseillère santé du Premier ministre. Pour le Gouvernement, il n’est pas question que l’Ordre disparaisse. J’ai un rendez-vous en préparation avec la ministre de la Santé(4) et une audition devant la commission des Affaires sociales du Sénat. Nous faisons un travail de terrain envers les parlementaires qui ont reçu des informations erronées sur l’Ordre et leur présentons nos actions et notre rôle.

1- Lire l’interview d’Annie Le Houérou, publiée dans L’Infirmière magazine n° 361 de juin, page 8.

2- Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), la profession affichait 638 248 IDE au 1er janvier 2015.

3- Voir L’Infirmière magazine n° 361 de juin, page 9.

4- Didier Borniche a été reçu par Marisol Touraine le 8 juin après notre interview.

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