RENCONTRE AVEC CAROLE COISPEL INFIRMIÈRE DE SANTÉ AU TRAVAIL À L’USINE DE RETRAITEMENT DES COMBUSTIBLES NUCLÉAIRES USÉS D’AREVA À LA HAGUE - L'Infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015

 

CARRIÈRE

PARCOURS

CAROLINE COQ-CHODORGE  

“Notre objectif est toujours de diminuer le risque, en faisant baisser autant que possible la température, le niveau de bruit, l’exposition aux produits chimiques, la pénibilité physique”

Un petit village ». C’est en ces termes, assez surprenants certes, que Carole Coispel décrit l’usine de retraitement des combustibles nucléaires usés d’Areva, implantée à la pointe nord-ouest de la presqu’île du Cotentin, sur la commune de La Hague. Ce site industriel sans équivalent dans le monde s’étend sur 300 hectares. 6 000 personnes y travaillent jour et nuit pour recycler chaque année les combustibles de 80 à 100 réacteurs nucléaires. Comme dans un village en effet, une équipe médicale composée de 4 médecins et de 12 infirmières soignent, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, les petits bobos et les vraies urgences : « Un AVC, une fausse couche, une blessure lors d’un accident du travail », énumère l’infirmière coordonnatrice du secteur santé au travail de La Hague. Elle admet cependant que cet usine est « un milieu très particulier », sur lequel plane un risque terrifiant : l’accident nucléaire et la contamination radioactive.

→ Comment devient-on infirmière de santé au travail à La Hague ? « Après huit années aux urgences du centre hospitalier de Cherbourg, j’avais vraiment envie de faire autre chose, de la prévention plutôt que de l’urgence », raconte Carole Coispel. Sa curiosité pour ce métier s’est aiguisée au fil d’échanges réguliers entre son service d’urgences et le secteur santé au travail de La Hague, qui sont liés par une convention qui « permet de maintenir les compétences de l’équipe de La Hague dans la prise en charge des urgences, et celles de l’hôpital en cas de contamination radioactive », explique-t-elle. Carole Coispel a saisi l’occasion du départ à la retraite d’une infirmière : « J’ai fait un choix éclairé. » Il faut dire que la jeune femme est arrivée dans cette usine en voisine : « J’ai grandi et je vis à quelques kilomètres de l’usine, qui m’est familière. » Elle a pénétré dans cette cité interdite « sans peur, convaincue que la sécurité est une priorité ». Carole Coispel se « passionne » très vite pour la santé du travail, qui est son quotidien, bien plus que le risque nucléaire. « Mon travail est tourné vers la prévention et l’éducation à la santé, auprès d’un public très varié. Nous avons les moyens nécessaires, une belle équipe, qui comprend des médecins et des infirmières, mais aussi un psychologue, un ergonome et un ORL vacataire. »

→ Parmi ses missions, il y a bien sûr la visite médicale, qui a lieu tous les deux ans pour la plupart des salariés, tous les mois pour les travailleurs handicapés, tous les ans pour les travailleurs de nuit et ceux de catégorie A qui peuvent être exposés à plus de 6 mSv (la dose radioactive) par an. Aux travailleurs les plus exposés, elle fait passer des examens particuliers : l’anthropogammamétie, les examens d’urines et de selles. Pour les salariés qui évoluent en zone contrôlée, une autre mission de l’infirmière est la décontamination, en cas de contrôle positif par le dosimètre, les filtres à air, ou les portiques de contrôle.

→ Au-delà du risque radioactif, l’infirmière préfère parler de son « action sur le milieu de travail, avec les ergonomes. Notre objectif est toujours de diminuer le risque, en faisant baisser autant que possible la température, le niveau de bruit, l’exposition aux produits chimiques, la pénibilité physique du travail, etc. » Parce que les métiers à la Hague peuvent être très physiques, en particulier pour les ouvriers et les techniciens, Carole Coispel a suivi une formation Prap (prévention des risques liés à l’activité physique) qui lui permet de diffuser sur le site de La Hague des bonnes pratiques destinées à limiter les risques pour la santé des manutentions manuelles, ports de charges, travaux ou gestes répétitifs, postures de travail prolongées, expositions à des chocs ou des vibrations, à la chaleur…

MOMENTS CLÉS

1993 Obtient son diplôme d’État infirmier.

1993-2001 Infirmière aux urgences du CH de Cherbourg.

2001 Intègre le service de santé au travail de l’usine de retraitement des combustibles nucléaires usés d’Arevaà La Hague.

2003-2004 Licence de santé au travail.

2008 Formation Prap (prévention des risques liés à l’activité physique).