IDE, LES PASSEURS DE SOINS SOMATIQUES - L'Infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015

 

SANTÉ MENTALE

ACTUALITÉS

COLLOQUES

MARIE-CAPUCINE DISS  

Lors du 13e congrès de l’Association nationale pour la promotion des soins somatiques en santé mentale, qui s’est tenu à Paris fin juin, le psychiatre Frédéric Paul a milité en faveur des pratiques avancées infirmières dans ce domaine.

Entre le psychiatre et le généraliste somaticien, la continuité des soins est parfois difficile à assurer. Pour Frédéric Paul, psychiatre à l’hôpital d’instruction des armées Laveran, à Marseille, les pratiques infirmières avancées pourraient être une solution pour établir un pont entre les soins somatiques et psychiatriques. Ce dernier a rappelé que ces pratiques « d’orientation, d’éducation, d’évaluation clinique, de diagnostic, d’actes techniques, ou de surveillance clinique et paraclinique avancée » étaient fréquentes chez nos voisins européens – Belgique, Irlande ou Royaume-Uni –, sans oublier le rôle déterminant des « gestionnaires de cas » aux États-Unis. La législation française prend en compte ce mouvement de responsabilisation infirmière, aussi bien dans la loi hôpital, patients, santé, territoires (HPST) en permettant des délégations de tâches, qu’avec le projet de loi de santé, en cours d’examen au Sénat. Son article 30 précise que « des auxiliaires médicaux peuvent être formés à assumer des pratiques avancées. Ils devront exercer dans des équipes de soins en lien avec un médecin traitant afin d’améliorer la réponse aux besoins des patients chroniques ».

Évaluation

Dans le domaine des soins somatiques en santé mentale, le spectre des possibilités est large. En premier lieu, citons la surveillance des effets secondaires des psychotropes, figurant dans le rôle propre infirmier tel que défini dans le décret de compétences de 2004. Frédéric Paul a évoqué la survenue d’un syndrome sérotoninergique, les effets neuro-psychiatriques de traitements d’affections somatiques comme les immunosuppresseurs ou la corticothérapie, ainsi que certains anti-épileptiques susceptibles d’occasionner des troubles du comportement. Pour le psychiatre, « une meilleure surveillance des effets indésirables de nos traitements imposerait sans doute que chacun – psychiatre et infirmière – affine ses connaissances en la matière, notamment pharmacologiques ».

Une large place peut également être accordée à l’évaluation infirmière de troubles cognitifs, particulièrement reconnus dans les pathologies psychotiques et bipolaires, en faisant appel à des tests et questionnaires comme le MMS (mini mental state) ou le test de l’horloge. Les infirmières seraient aussi à même de mesurer l’intensité symptomatique des tableaux psychiatriques des patients et évaluer l’efficacité des prises en charge en ayant recours à des échelles d’évaluation de la dépression ou de la schizophrénie. Ces mesures pourraient être reconduites au cours de la prise en charge et complétées par des évaluations de la qualité de vie, ou l’emploi d’échelles de dépendance, comme celle de Fagerström pour la nicotine.

Traçabilité

L’IDE peut s’assurer de la qualité du suivi spécialisé d’affections intercurrentes ou, pour des patientes, du suivi gynécologique et de sa régularité. En outre, elle serait en mesure de s’enquérir de la réalisation des examens recommandés par les autorités de santé, en fonction de l’âge des patients, comme le suivi mammographique ou le dépistage du cancer colorectal.

L’IDE peut, par ailleurs, jouer un rôle dans la traçabilité du dossier du patient, Frédéric Paul rappelant la nécessité de « penser cet élargissement des compétences de l’infirmière, autour d’un dossier médical informatisé mieux partagé ». Une attention particulière pourrait être portée aux points de fragilité du parcours de soins, et notamment la sortie de l’établissement. Sa préparation peut être un moment privilégié pour l’infirmière, qui remet au patient l’ensemble de ses examens et active liens et réseaux en ville. Enfin, le contact téléphonique est une manière de prolonger ce suivi, une quinzaine de jours après la sortie du patient, afin de faire un point sur la mise en œuvre du projet de soin, tel qu’il avait été défini pendant l’hospitalisation.