Le congé parental d’éducation - L'Infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015

 

CARRIÈRE

GUIDE

ANNABELLE ALIX  

Ouvert aux deux parents, le congé parental ne peut être refusé par l’employeur. Il convient en revanche d’en maîtriser les règles et d’en anticiper les conséquences.

Un congé parental ne se refuse pas. Il est accordé de droit aux fonctionnaires, comme aux salariés ou contractuels qui justifient d’un an d’ancienneté à la date de naissance de leur enfant.

Pour les deux parents

• Le congé parental est pris de façon continue. Il débute – immédiatement ou non – à l’expiration du congé maternité (ou à l’arrivée d’un enfant adopté de moins de 3 ans) et prend fin au plus tard au troisième anniversaire de l’enfant

• Dans le public, il est accordé pour 6 mois (renouvelables) et les deux parents peuvent en bénéficier en même temps.

• Dans le privé, le congé parental d’éducation est octroyé pour un an pour le premier enfant, prolongeable deux fois (cinq fois en cas de naissance ou d’adoption de 3 enfants et plus, non renouvelable si l’enfant adopté est âgé de 3 à 16 ans). Ce congé doit être partagé entre le père et la mère (6 mois chacun pour un premier enfant et 2 ans pour l’un, un an pour l’autre pour les suivants).

• Si la loi du 4 août 2014 a souhaité renforcer le rôle du père dans l’éducation de l’enfant en partageant le congé parental, un an plus tard, « cette évolution a encore du mal à entrer dans les mœurs », observe Nathalie Lailler, avocate au barreau de Caen. Elle évoque à ce titre le cas d’un client convoqué à un entretien préalable au licenciement pour une prétendue faute professionnelle. « Étonnamment, précise l’avocate, cette convocation intervenait juste après l’annonce du congé parental alors que ce salarié n’avait jamais reçu de reproches dans son travail. » En soi, il n’est pas interdit de licencier un salarié pendant cette période quand, par exemple, « l’employeur prend connaissance d’une faute commise par le salarié avant son départ, poursuit-elle. Mais licencier un salarié parce qu’il a sollicité un congé parental est discriminatoire ».

Temps partiel

• L’infirmière peut renoncer à cesser son activité et opter pour une réduction de son temps de travail. Ce « congé parental partiel » (en droit privé) ou « temps partiel de droit » (dans le public) est réglementé.

L’infirmière salariée ne peut exercer moins de 16 heures par semaine et l’hospitalière doit choisir entre une activité à 80 %, à 70 %, à 60 % ou à 50 %. D’après Fabrice Floch, adjoint de direction aux ressources humaines du centre hospitalier Henri Laborit à Poitiers (86), « la quasi-totalité des hospitalières optent pour le très avantageux 80 %. Elles touchent ainsi 86 % de leur traitement, en plus des compléments versés par la caisse d’allocation familiale. De plus en plus de pères profitent d’ailleurs de ce dispositif, cumulable avec le temps partiel de la mère ». Quotidienne, hebdomadaire ou calculée sur un cycle de travail, la répartition des heures est négociée avec l’administration.

• Dans le privé, il convient d’être attentif à la rédaction de l’avenant au contrat de travail. Celui-ci doit « préciser que le salarié bénéficie d’un congé parental partiel, et qu’à l’issue de cette période, il reprendra son activité à plein temps », met en garde Nathalie Lailler. Dans le cas contraire, certains employeurs pourraient profiter de la situation pour signer un passage à temps partiel classique et définitif.

Des délais à respecter

• La demande de congé parental ou de temps partiel doit être formulée par écrit (courrier remise en main propre ou recommandé avec AR). Le courrier, qui précise le point de départ et la durée du congé souhaités, « doit être envoyé un mois avant la fin du congé maternité si le congé parental prend sa suite immédiate, ou, dans le cas contraire, deux mois avant le début du congé parental », précise Nathalie Lailler. La prolongation ou la transformation d’un congé parental en temps partiel (ou inversement) doit être demandée un mois avant l’expiration du congé en cours.

• Dans le secteur public, la demande de congé ou sa prolongation est soumise au délai de deux mois (sauf pour les contractuels, pour qui la prolongation s’effectue par tacite reconduction).

• Ces délais sont des minimums. « Nos salariées nous informent souvent de leur intention avant même de partir en congé maternité, ce qui nous laisse plus de temps pour nous organiser », relève Régis Tailhan, DRH à la polyclinique Saint-Privat, à Boujan-sur-Libron (33). Dans le public, l’administration peut différer le congé (jusqu’à 6 mois). Un droit dont Fabrice Floch a déjà usé : « Malgré nos tentatives pour prendre contact avec l’intéressée, elle avait attendu le dernier moment pour nous informer de son désir de prendre un congé parental. Nous avons différé ce congé de deux semaines afin de mieux nous organiser. »

Zéro rémunération

• Le congé parental n’est pas rémunéré, mais l’infirmière peut percevoir des aides : prestation partagée d’éducation de l’enfant (Preparee), supplément familial de traitement (SFT) dans le public, etc. « Dans le cas d’un premier enfant, la plupart des aides ne sont versées que six mois et la durée du congé parental demandé se calque souvent sur celle de ces versements », relève Fabrice Floch. D’autant qu’aucune activité professionnelle ne peut être exercée durant le congé pour pallier le besoin financier. À l’exception de celle d’assistante maternelle (qui requiert un agrément), seule une formation (non rémunérée) ou un bilan de compétences peut être suivi.

Reprise anticipée

• Lorsque les ressources du foyer diminuent fortement (ou en cas de décès de l’enfant), le salarié peut demander sa réintégration dans le délai d’un mois. Mais « la diminution de ressources doit être réelle », avertit Nathalie Lailler. L’hospitalière peut aussi réintégrer son poste en cas de « motif grave » et deux mois après sa demande.

• La durée du congé parental écoulé comptera pour moitié dans le calcul de l’ancienneté des salariés et des contractuels du secteur public. La première année, les fonctionnaires conservent, eux, la totalité de leurs droits à l’avancement.

Retour en douceur ?

• Dans le privé, le salarié bénéficie d’un entretien de reprise et peut demander une formation pour se mettre à jour des nouvelles méthodes de travail. Dans le public, l’entretien doit avoir lieu au moins six semaines avant la fin du congé parental. Certains établissements mettent en place des actions d’accompagnement : « Il nous arrive de doubler les interventions de l’agent le temps qu’il reprenne ses marques », indique Fabrice Floch.

• Mais l’infirmière ne peut avoir la certitude de retrouver l’emploi qu’elle a quitté. Dans le public, « le fonctionnaire n’est pas titulaire d’une fonction, mais d’un poste », rappelle Fabrice Floch. Le contractuel, lui, peut être licencié si son poste n’est plus disponible, mais il bénéficie d’une priorité de réemploi sur des fonctions similaires. Quant au salarié, il doit « retrouver son ancien poste, s’il est disponible ou occupé par un stagiaire intérimaire », indique Nathalie Lailler (lire ci-contre). À défaut, l’employeur doit lui proposer un emploi similaire…

Courrier à la direction

Lettre recommandée avec AR ou remise en main propre contre décharge

Objet : Demande de congé parental partiel

Monsieur le directeur,

Je vous informe que je désire réduire mon temps de travail en raison d’un congé parental d’éducation à temps partiel, à compter du ………, pour une durée de ………… mois.

Je souhaiterais effectuer un temps de travail hebdomadaire de ……… heures, se répartissant, dans la mesure du possible, de la façon suivante :

• Lundi de …..h…. à …..h…..

• Mardi de …..h…. à …..h…..

• etc.

Durant mon absence, je m’engage à n’exercer aucune autre activité professionnelle interdite par la loi.

Je me tiens également à votre disposition pour assurer, en prévision de mon départ, la meilleure transmission des consignes et savoir-faire relatifs aux dossiers dont j’ai la charge et pour discuter avec vous des conditions de mon retour à plein temps.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de ma considération distinguée.

Signature

SAVOIR PLUS

→ Articles L. 1225-47 à L. 1225-60 du code du travail sur le congé parental d’éducation et le passage à temps partiel.

→ Loi 2014-873 du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

→ Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

→ Décret n° 2012-1061 du 18 septembre 2012 modifiant les règles applicables en matière de congé parental pour les fonctionnaires et les agents non titulaires des trois fonctions publiques.

INTERVIEW

NATHALIE LAILLER AVOCATE EN DROIT DU TRAVAIL, BARREAU DE CAEN

Quelles sont les chances, pour un salarié en retour de congé parental d’éducation, de retrouver son emploi d’origine ?

• L’article L. 1225-55 du code du travail prévoit qu’à l’issue d’un congé parental d’éducation, le salarié retrouve son emploi précédent « ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ». Jusqu’ici, la réintégration du salarié dans son ancien emploi faisait figure de principe. Son affectation à un poste similaire était résiduelle. Mais le 3 juin dernier, la cour de cassation a validé le remplacement par CDI d’un salarié qui partait en congé sabbatique. Il allait de soi qu’à son retour, ce salarié ne pourrait réintégrer son poste, occupé pour une durée indéterminée. Mais la loi n’interdit pas les CDI sur ce type de remplacement. Elle oblige simplement l’employeur à proposer un emploi similaire au salarié qui revient de congé, dans le cas où son emploi précédent n’est plus disponible. Dans cette affaire, l’employeur a respecté cette obligation et n’a pas été condamné. Cette décision du 3 juin concerne un salarié en congé sabbatique, mais elle est transposable au cas du congé parental, car l’obligation de réemploi au poste occupé ou dans un poste similaire est identique.

Qu’est-ce qu’un emploi similaire ?

• Deux emplois sont similaires s’ils présentent des caractéristiques équivalentes. Ils doivent, par exemple, répondre au même niveau de formation et nécessiter la mise en œuvre des mêmes compétences au niveau managérial, linguistique, bureautique, etc. Les éléments essentiels du contrat de travail ne doivent pas être modifiés (salaire, statut, lieu et durée du travail), mais certains avantages peuvent disparaître et la nature des fonctions peut changer complètement. Deux postes similaires ne sont pas identiques. Ainsi, à son retour de congé parental, un cadre infirmier pourrait devoir gérer un service différent de celui qu’il a quitté.

Que se passe-t-il si le salarié refuse cet emploi ?

• Le refus d’occuper un poste similaire justifie un licenciement. Le salarié peut exercer un recours en justice s’il juge que le poste qui lui a été proposé n’est pas similaire à celui qu’il a quitté. La jurisprudence a déjà jugé qu’il n’y avait pas de similarité entre un poste de garde-malade et un poste de lingère.