Les syndicats ont jusqu’au 30 septembre pour se prononcer sur l’accord relatif à l’avenir de la fonction publique, censé moderniser les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations. Décryptage des enjeux.
Le 11 juillet 1983, la loi définissait le statut général des fonctionnaires. Trente ans et 200 modifications législatives plus tard, le Gouvernement a entrepris de le moderniser afin de « préparer l’action publique du XXIe siècle ». Malgré les craintes qu’avaient soulevées, fin 2013, le rapport Pêcheur, l’accord finalement soumis à la signature des syndicats représentatifs
Les dispositifs de rémunération n’ont pas été revisités en profondeur depuis plus de 20 ans. Deux décennies pendant lesquelles le système s’est complexifié, la part de l’indemnitaire n’a cessé de croître et les écarts entre catégories se sont réduits. « On constate un écrasement des grilles, dû à la hausse du Smic et au relèvement du bas de la catégorie C », explique Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE-CGC). D’ici 2020, les nouvelles grilles proposées par le Gouvernement représentent un gain indiciaire moyen de 46 € mensuels brut pour les agents de catégorie C, 97 € pour ceux de catégorie B et 146 € pour les catégorie A, d’après les calculs de la CGT.
Le salaire minimum de la fonction publique (1er échelon du grade C1) serait ainsi porté à 1 528 € brut mensuels, contre 1 486 € – et 1 457 € pour le Smic. Le corps des IDE de catégorie B, qui démarre à l’indice majoré (IM) 327 et termine à l’indice 562, verrait ces bornes relevées aux IM 356 et 587 en trois étapes, entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2018. La revalorisation du corps « atypique » des paramédicaux de catégorie A – les « petits A » – fera l’objet d’une concertation dans le cadre du comité de suivi réunissant les signataires de l’accord, début 2016. Enjeu pour les syndicats : transformer l’essai du passage en catégorie A, essentiellement « symbolique » selon Thierry Amouroux, en rapprochant la rémunération des IDE de celles des autres corps et cadres d’emploi de niveau de qualifications et de responsabilités équivalent.
La « revalorisation » du point d’indice – 4,63 € depuis juillet 2010 – sera au cœur d’une négociation salariale qui s’ouvrira en février prochain. « On ne se fait plus beaucoup d’illusion », confesse le secrétaire général du SNPI.
D’après le rapport Pêcheur, la part des primes dans la rémunération globale s’établit, en moyenne, à 28 % dans la fonction publique d’État (FPE), 24 % dans la fonction publique hospitalière (FPH) et 18 % dans la fonction publique territoriale (FPT). Accédant à une vieille revendication des syndicats, le Gouvernement propose d’inverser la tendance en enclenchant un premier mouvement de transfert des primes vers le traitement indiciaire : 277,80 € de primes seront transformés en points d’IM, soit 6 points supplémentaires, pour les agents de catégorie B au 1er janvier 2016, et 166 € (+ 4 points d’IM) pour les catégorie A et C au 1er janvier 2017. De quoi relever le niveau des pensions de retraite, calculées majoritairement sur la base du traitement indiciaire. Les agents qui ne perçoivent pas ou peu de primes verront leur pouvoir d’achat grimper.
Les primes concernées ne correspondront ni à la rémunération de travaux supplémentaires, ni à la compensation de sujétions spécifiques, précise l’accord. La prime Veil pour les infirmières (90 € brut) pourrait faire partie du lot. Les écarts de cotisations sociales entre le traitement et le régime indemnitaire seront compensés et le montant de la rémunération nette des fonctionnaires garanti… mais quid des établissements, qui verront augmenter leurs charges patronales ?
Par ailleurs, un état des lieux du paysage indemnitaire est en cours dans une optique de clarification, de transparence sur les montants servis dans les différents versants de la fonction publique, et d’égalité entre hommes et femmes.
L’accord entérine le principe selon lequel chaque fonctionnaire doit pouvoir effectuer sa carrière sur au moins deux grades. Les corps qui n’ont qu’un grade (secrétaire de mairie, bibliothécaire, animateur dans la FPT…) verraient donc la création d’un deuxième grade. L’accord stipule par ailleurs que « les taux d’avancement de grade devront garantir des déroulements de carrière correspondant à la durée effective de l’activité professionnelle et permettront d’atteindre les indices de traitement les plus élevés ». D’après la CGT, de nombreux agents « plafonnent » au dernier échelon du premier grade et ne passent jamais au second. « Moins de 50 % des agents, pour une carrière complète, atteignent le dernier échelon du deuxième grade. » Une problématique qui se retrouve surtout dans la FPT, mais aussi, dans une moindre mesure, dans la FPH. Pour un corps démographiquement fort comme celui des IDE de soins généraux, un trop faible taux d’avancement
L’accord s’attaque également à l’avancement d’échelon, en établissant une « cadence unique » dans les corps et cadres d’emplois soumis aux règles de droit commun du statut général. Ce serait la fin du système de réduction/majoration d’ancienneté – jusqu’à un quart de la durée moyenne, en fonction de la valeur professionnelle – pour le passage d’échelon. Si, dans la FPT, l’usage était de faire bénéficier systématiquement aux agents les moins bien rémunérés de la durée minimum de l’échelon, dans la FPH, la tendance est au ralentissement. « Ces dernières années, un certain nombre de directions ont fait avancer les agents au rythme le plus bas, au gré de la situation financière », rapporte Clotilde Cornière, secrétaire nationale de la fédération santé-sociaux de la CFDT. Le deuxième syndicat de la fonction publique, contrairement à la CGT, est plutôt favorable à la cadence unique. « Il vaut mieux mettre l’accent sur l’avancement de grade, plus intéressant sur le long terme pour les agents que le fait de gagner quelques mois pour un passage d’échelon, relève Mylène Jacquot. L’avancement d’échelon, ça doit rester l’ancienneté ; la valeur professionnelle est reconnue par l’indemnitaire
Plusieurs mesures vont concourir à « développer des passerelles » entre les trois versants de la FP et à « assurer de manière efficace la présence de fonctionnaires là où les usagers en ont le plus besoin » : mise en place de dispositions statutaires communes à des filières professionnelles identiques, rénovation des outils statutaires et indemnitaires concourant à l’attractivité des territoires, simplification du détachement ou encore, dans la FPH, création d’un droit de mutation. « Les établissements publics de santé sont des entités juridiques autonomes ; on ne peut pas être muté d’un hôpital à l’autre comme dans l’Éducation nationale, par exemple », explique Mathieu Girier, DRH des Hôpitaux de Saint-Maurice (94) et vice-président de l’Association pour le développement des RH des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess). « Aujourd’hui, une IDE qui veut changer d’établissement doit postuler sur un emploi vacant, démissionner de son poste pour être réembauchée ensuite… parfois en tant que contractuelle, ce qui entraîne une rupture dans la carrière », déplore Clotilde Cornière. Une procédure souvent longue, car la date d’effet de la « mutation » doit s’accorder aux nécessités de service des deux établissements, et qui peut faire peur à certains agents, relève Mathieu Girier. En fluidifiant les parcours, le ministère de la Fonction publique s’attaque également à l’emploi précaire. Plus vite les titulaires pourront muter, moins les directions seront amenées à recruter des contractuels. En théorie.
1- CGT (23,1 %), CFDT (19,3 %), FO (18,6 %), Unsa (10,4 %), FSU (7,9 %), Solidaires (6,8 %), CFTC (3,3 %), CGC (2,9 %) et FA-FP (2,9 %).
2- En 2015, le taux d’avancement des IDE de soins généraux est fixé à 11 % : si, dans un établissement donné, 10 IDE sont éligibles au second grade, une seule pourra en bénéficier cette année ; les autres devront patienter. À charge pour les commissions administratives paritaires locales de fixer les critères de sélection : manière de servir, ancienneté dans l’établissement…
3- Via la prime de service.