Depuis le 6 mars 2014, les intérimaires peuvent conclure un CDI avec leur entreprise de travail temporaire. Retour sur les modalités d’un contrat qui allie variété des missions d’intérim et stabilité d’un CDI.
Malgré ces avantages, seule une poignée d’infirmières ont signé un CDI intérimaire. Créé en 2013, en vigueur depuis l’an dernier, le CDI intérimaire est conclu entre un salarié et une entreprise de travail temporaire (ETT). S’il requiert les engagements d’un contrat à durée indéterminée, il sécurise la situation des salariés intérimaires et suit, en parallèle, le mode de fonctionnement du travail temporaire (placements successifs au sein d’entreprises clientes pour le remplacement d’un salarié, dans l’attente de la prise de fonction d’un nouveau salarié, ou en cas d’accroissement temporaire d’activité).
• Le CDI intérimaire présente toutes les garanties du CDI de droit commun. L’infirmière devient salariée permanente de l’ETT, avec laquelle elle définit son projet professionnel et les formations à prévoir. Son employeur l’accompagne dans la gestion de sa carrière, assure un suivi… Chez Adecco médical, « les intérimaires en CDI bénéficient d’entretiens réguliers avec leur agence et nous faisons en sorte qu’un psychologue puisse les appeler plusieurs fois par an », indique la directrice du développement, Dominique Stricher. Un CDI offre aussi certains avantages comme « l’accès à la mutuelle d’entreprise, qui garantit généralement une meilleure couverture sociale, un taux de cotisation retraite plus élevé qui promet une meilleure pension, ou encore une durée d’indemnisation souvent plus longue en cas de chômage », énumère Marilou Ollivier, juriste au cabinet Chhum avocats, à Paris.
• Ce contrat sécurise également les projets de la vie courante : « Une femme élevant seule ses enfant aura davantage de chances d’obtenir un contrat de bail ou un crédit bancaire si elle a signé un CDI », note Marilou Ollivier. Le CDI met les créanciers en confiance, car il est gage de solvabilité à long terme : tout licenciement doit être fondé sur un motif valable, respecter une procédure encadrée (faute à prouver, entretien préalable, etc.) et est assorti du paiement d’indemnités (sauf en cas de faute grave ou lourde). Cette sécurité survient une fois la période d’essai écoulée (3 mois maximum pour les IDE, 4 mois pour les cadres - déduction faite des missions effectuées durant les 4 derniers mois -, renouvelable une fois). Le salarié en est dispensé s’il a travaillé 6 mois dans l’entreprise (8 mois pour les cadres) au cours des 12 derniers mois. Les périodes d’essai marquant le début de chaque mission disparaissent.
• La sécurité se gagne au prix d’une moindre liberté, à commencer par celle du choix des missions. Le salarié en CDI intérimaire doit accepter toutes celles qui correspondent aux emplois définis dans son contrat de travail. À condition que le salaire atteigne au moins 70 % de celui de la dernière mission, et que la nouvelle se déroule dans un rayon de 50 km (ou à 1 h 30) de son domicile.
• S’il refuse la mission, « l’intérimaire en CDI s’expose à une sanction disciplinaire, précise Marilou Ollivier. A priori, un seul refus ne se soldera pas par un licenciement, car la sanction doit être proportionnée. Mais il pourra recevoir un avertissement ou une mise à pied ». À l’inverse, le salarié peut accepter des missions qui sortent du cadre salarial et géographique défini au contrat. Il bénéficie alors d’une période probatoire, durant laquelle il peut décider d’interrompre sa mission à tout moment.
• Entre deux missions, le salarié en CDI intérimaire doit rester joignable sur les plages horaires prévues au contrat et être en mesure d’en démarrer une dans le délai d’une demi-journée. En pratique, « l’employeur peut envoyer sa proposition de mission à n’importe quel moment, mais ne peut exiger une réponse en dehors des heures de disponibilité », détaille Marilou Ollivier. Chaque journée d’intermission compte pour 7 heures dans le calcul du temps de travail prévu au contrat, des droits à l’ancienneté et des congés payés. Ces derniers doivent être pris, si possible, en dehors du temps de mission, et sont planifiés en amont avec l’employeur.
• « La rémunération du salarié en CDI intérimaire en mission se base sur le salaire de référence et la reprise d’ancienneté prévus dans la convention collective de l’entreprise cliente », explique Dominique Stricher. Jusque-là, rien de neuf. La particularité du CDI intérimaire est, en revanche, d’instaurer une rémunération minimale mensuelle pour le salarié, qu’il ait travaillé à temps plein, à temps partiel, ou pas du tout durant le mois. Ainsi, chaque mois, une infirmière intérimaire en CDI percevra, au minimum, l’équivalent du Smic à temps plein (hors primes et remboursements de frais) majoré de 15 % (25 % pour les cadres).
• En pratique, « si le salaire, hors prime, perçu par l’infirmière à la fin du mois s’avère inférieur au minimum de rémunération garanti, nous le complétons », explique Dominique Stricher. L’ETT aura intérêt à placer en priorité ses salariés en CDI en mission, pour ne pas avoir à débourser les rémunérations manquantes. À noter, en revanche, que les 10 % d’indemnités de fin de mission ne sont pas versés à l’intérimaire en CDI.
• Le montant de la rémunération minimum garantie peut être négociée, comme toutes les autres modalités du CDI intérimaire. Prendre le temps de la réflexion et de la discussion est important pour aborder tous ces points pratiques avec l’employeur et proposer des aménagements. « Même si l’entreprise lui fournit un contrat-type, le salarié doit prendre le temps de tout lire pour évaluer l’intérêt de signer un CDI et se faire préciser ce qui n’est pas clair en se tournant au besoin vers les permanences syndicales, souvent de bon conseil, insiste Marilou Ollivier. Il doit garder en tête qu’une marge de négociation est possible, car le CDI profite aussi à l’employeur. Elle lui permet de fidéliser ses intérimaires et de disposer d’un vivier de salariés contraints d’accepter les emplois mentionnés dans leurs contrat. » Le CDI permet ainsi à l’ETT de fidéliser les entreprises clientes en leur promettant tel ou tel intérimaire en CDI déjà connues d’elles.
• Lors des négociations, le salarié peut donc « demander à ce que le montant du minimum de rémunération garanti soit aligné sur le salaire de la grille conventionnelle de sa profession, suggère Marilou Ollivier. Si son profil est très recherché et qu’il est certain d’être souvent sollicité, il peut, au contraire, accepter un abaissement du minimum de rémunération garanti et n’accepter, en contrepartie, que les missions dont le salaire atteint 80 % ou 90 % du salaire de la mission précédente. Il peut encore négocier un temps de trajet inférieur à 50 km s’il a des enfants en bas-âge, par exemple ».
• Une fois signé, le contrat doit être exécuté, mais il n’est pas un engagement à vie pour autant. Les missions parfois récurrentes chez certains clients permettent de mieux tester les environnements de travail… Et peuvent servir de tremplin vers un nouveau CDI ! « L’an dernier, un client m’a fait part de son intention de pérenniser un poste pour lequel une intérimaire de chez nous était souvent sollicitée, relate Dominique Stricher. Il souhaitait l’embaucher, et l’infirmière a accepté. »
• La période d’essai permet aussi au salarié non convaincu de rompre son CDI intérimaire au bout de quelques semaines, pour repasser sur des contrats d’intérim classiques… Au seul risque, peut-être, d’altérer ses relations avec l’ETT.
Mentions devant obligatoirement figurer dans le CDI intérimaire :
- identité des parties ;
- durée du travail (modalités d’organisation de la durée du travail : travail de jour ou travail de nuit) ;
- temps pendant lequel l’intérimaire doit être joignable durant les périodes d’intermission ;
- statut ouvrier/employé ou agent de maîtrise/technicien ou cadre ;
- périmètre de mobilité dans lequel s’effectuent les missions ;
- description des emplois ;
- modalités d’attribution et de détermination des congés payés ;
- durée de la période d’essai ;
- garantie mensuelle de rémunération ;
- nom et adresse de la caisse de retraite et de prévoyance ;
- clause de renvoi à des lettres de mission pour l’organisation des mises à disposition au bénéfice des clients utilisateurs de l’ETT.
→ Accord du 10 juillet 2013 portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires
→ Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés
→ Articles L. 1251-1 et suivants du code du travail sur le contrat de travail temporaire
→ Articles L. 1231-1 et suivants du code du travail sur la rupture du contrat de travail à durée indéterminée
À quels professionnels proposez-vous un CDI intérimaire ?
• Nous sélectionnons ces professionnels en fonction de plusieurs critères, car nous devons être sûrs de pouvoir les placer le plus souvent possible en mission. Plusieurs questions nous permettent d’évaluer la situation : les offres d’emplois ouvertes au candidat sont-elles fréquentes ? Accepte-t-il souvent les missions que nous lui proposons ? Cette personne est-elle suffisamment mobile ? Son projet professionnel est-il compatible avec ce que nous pouvons lui proposer, notamment en termes de formation ?
Avez-vous déjà refusé un CDI intérimaire à un postulant ?
• La situation ne se présente pas tout à fait de cette manière… En engageant la conversation sur le contenu du contrat, l’entreprise comme le salarié prennent parfois conscience que leurs intérêts ne sont pas conciliables. À cette occasion, certains salariés réalisent d’ailleurs qu’ils ne souhaitent pas renoncer aux avantages du contrat d’intérim, comme le libre choix des missions, l’indemnité de fin de contrat ou la possibilité d’improviser des vacances entre deux missions…
Acceptez-vous de négocier certaines modalités du contrat, comme la rémunération ?
• Le contrat est personnalisable ! Nous en discutons avec le professionnel. Nous tenons compte de la spécificité de ses compétences pour définir ses futures missions, de son expérience, des entreprises dans lesquelles il a travaillé… Il serait déplacé de lui imposer une mission chez un ancien employeur et avec qui les relations auraient été compliquées ! Nous sommes ouverts à la négociation concernant la mobilité géographique. À Paris, par exemple, parcourir 50 km nécessite un temps important et nous nous référons plutôt au temps de trajet pour évaluer les distances acceptables. Mais globalement, nous ne nous sommes pas trop écartés du texte pour l’instant. En l’absence de recul sur ce contrat, nous préférons rester prudents. Concernant la rémunération minimum garantie, nous nous sommes dit que le but n’était pas de vivre de ce revenu, qui n’est pas un salaire, mais une sécurité. Nous nous en tenons donc au minimum imposé. Nous n’avons encore jamais eu à compléter les salaires perçus par nos intérimaires en CDI.