L'infirmière Magazine n° 364 du 01/10/2015

 

FORMATION

BONNES PRATIQUES

AFSANÉ SABOUHI  

Les mesures d’hygiène, à commencer par celles concernant les mains – une précaution essentielle –, et la vaccination restent le meilleur moyen de se protéger de l’infection, pour les résidents comme pour les soignants.

Les infections respiratoires basses font partie du quotidien des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Leur incidence est estimée à un épisode pour 1 000 jours-résidents, ce qui est 30 fois plus élevé que dans la population générale et 10 fois plus élevé que chez les plus de 75 ans vivant à domicile. Ces infections sont la première cause de mortalité d’origine infectieuse en Ehpad et de transfert vers l’hôpital. Les virus Influenzae occupent une place prépondérante parmi les agents infectieux retrouvés en Ehpad et la vie en institution favorise leur transmission interhumaine : de résident à résident, de soignant à résident ou de visiteur à résident.

En théorie, il serait judicieux d’identifier les résidents que leur état de fragilité expose à un risque de décompensation majeure en cas d’infection grippale pour les entourer de précautions maximales et notamment leur prescrire une prophylaxie antivirale en cas d’épidémie dans l’établissement. Or, sont considérés comme fragiles, les patients chuteurs, incontinents, confus, dénutris, déments, sous benzodiazépines, corticoïdes ou immunodépresseurs ou souffrant de comorbidités lourdes (AVC, BPCO, Alzheimer, diabète sévère …). Soit, au final tous les résidents d’Ehpad ou presque. Il n’est donc pas forcément possible de distinguer les plus vulnérables. Aussi, la prévention de la grippe repose-t-elle davantage sur des mesures d’hygiène appliquées à chacun, pour la protection de tous.

1. LES PRÉCAUTIONS « STANDARD »

La prévention de la grippe et des autres infections respiratoires aiguës (IRA) en Ehpad repose en premier lieu et essentiellement sur les précautions d’hygiène dites « standard », des mesures individuelles, qui doivent être le minimum de qualité des soins garanti par les établissements.

L’hygiène des mains

Précaution essentielle dans la maîtrise de la transmission croisée du virus de la grippe, « l’hygiène des mains requise en Ehpad comprend prioritairement le lavage simple des mains avec un savon doux et la friction par un produit hydro-alcoolique », préconise le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Chaque Ehpad doit mettre à disposition les distributeurs de solutions hydro-alcooliques aux endroits où les soins sont dispensés, équiper en conformité les points d’eau, favoriser les produits en conditionnement unitaire. La formation et l’information des professionnels sont indispensables même si les jeunes soignants sortent de l’Ifsi formés à l’hygiène des mains et à la friction hydro-alcoolique. Le respect de l’hygiène des mains dans l’Ehpad dépend aussi de la bonne sensibilisation des intervenants extérieurs non soignants, des visiteurs et des résidents eux-mêmes, afin par exemple qu’ils acquièrent l’habitude de se frictionner ou se laver les mains avant et après avoir fréquenté un espace commun de l’Ehpad. Celle-ci peut se faire notamment à l’aide d’affiches (voir ci-contre).

Le port du masque

Dans les zones communes et lors des soins, un masque chirurgical (norme Afnor NF EN 14683) doit être systématiquement porté par les soignants comme les résidents en cas de signes grippaux tels que la fièvre ou la toux. « La transmission des agents infectieux responsables d’IRA peut se réaliser par manuportage à partir de masques souillés par les sécrétions respiratoires du résident ou du soignant », prévient le HCSP. Et de préconiser que « le masque sera jeté dès lors qu’il a été touché par le soignant après un soin et qu’une hygiène des mains sera réalisée aussitôt après avoir jeté le masque ». À retenir : 1 masque = 1 résident = 1 soin.

Hors des zones communes, les recommandations grand public s’appliquent : éternuer nez et bouche couverts par un mouchoir à usage unique ou, à défaut, dans le pli du coude, jeter immédiatement les mouchoirs après usage, se laver les mains après contact avec des sécrétions respiratoires ou des objets contaminés et ne pas toucher les muqueuses (yeux, nez) avec des mains contaminées.

Le port de gants

L’indication du port de gants se limite aux contacts ou projection avec des liquides biologiques (sang, excrétions ou sécrétions, autres…), avec une peau lésée ou une muqueuse, et lorsque les mains du soignant comportent des lésions cutanées.

Attention : 1 soin = 1 paire de gants.

Le HCSP insiste sur l’importance de retirer les gants immédiatement après chaque soin pour ne surtout pas toucher l’environnement du résident et notamment la poignée de la porte avec les gants souillés et de réaliser une friction hydro-alcoolique des mains avant et après le port de gants.

Lorsque les soins du résident exposent le soignant à un risque de projection ou d’aérosolisation de sang ou de tout autre produit d’origine humaine (aspiration, soins aux personnes trachéotomisées, manipulation de matériel et linge souillé…), il est recommandé de porter une tenue de protection (tablier à usage unique, lunettes…), à adapter en fonction du risque.

La vaccination

Le volet infectieux du Plan bleu, version 2015, recommande fortement la mise en place d’un programme annuel d’incitation à la vaccination contre la grippe, dès septembre, en amont de la période épidémique saisonnière, auprès des professionnels de santé, des personnels s’occupant de personnes à risque et des résidents. La vaccination annuelle est en effet la mesure de prophylaxie essentielle contre la grippe et les médicaments homéopathiques ne peuvent s’y substituer (lire l’article p. 58).

L’avis du Haut Conseil de la santé publique du 28 mars 2014 confirme la recommandation de vaccination contre la grippe des personnels de santé, si possible sur le lieu de travail, car la mise à disposition des vaccins dans les établissements est un facteur favorisant. Le HCSP rappelle également, dans ce même avis, qu’en période de circulation virale, « les services hospitaliers et médico-sociaux sont fondés à demander à leur personnel non vacciné de porter un masque ».

2. PRÉCAUTIONS COMPLÉMENTAIRES

Le dépistage

Compte-tenu de l’existence d’un test de diagnostic simple d’utilisation pour le virus de la grippe, il est recommandé, en période de circulation du virus Influenza, de réaliser un test de dépistage rapide (TDR) grippe à au moins trois cas suspectés, 48 heures au plus tard après le début des signes (voir encadré « Mode d’emploi » p. 53). Mais cette confirmation diagnostic se fait en parallèle, la simple suspicion d’infection respiratoire aiguë doit déclencher le passage d’une prévention individuelle aux mesures collectives, les précautions complémentaires de type « gouttelettes ».

Précautions type « gouttelettes »

En supplément des précautions standard détaillées ci-dessus (qu’il convient de respecter dans tous les cas), des mesures collectives, d’ordre technique et géographique doivent être mises en œuvre.

Résidents/patients et familles

→ Maintien en chambre des personnes malades, dans la mesure du possible et en particulier pour les repas.

→ Suspension des activités de groupes pour les résidents symptomatiques.

→ Port d’un masque de soin pour le patient lors de la sortie de la chambre.

→ Information des visiteurs. Il convient d’informer systématiquement les familles de la nécessité de reporter leur visite si eux-mêmes souffrent d’une infection respiratoire aiguë. Des messages tels « laissez la grippe à la porte » ou « ne laissons pas la grippe entrer » peuvent être affichés aux portes des établissements.

→ Limitation des visites aux malades, d’autant plus si l’épidémie de l’établissement survient en décalé par rapport à l’épidémie nationale relayée par les médias. Présentation des visiteurs au personnel avant d’entrer dans la chambre.

→ Renforcement de l’hygiène des mains des résidents, et des visiteurs (promotion de l’utilisation des solution hydro-alcoolique) dont les mains doivent être désinfectées chaque fois qu’ils quittent la chambre.

Le personnel de la structure

→ Port d’un masque de soin pour le soignant lorsqu’il rentre dans la chambre. La durée d’utilisation d’un masque chirurgical, définie par le fabriquant est généralement de 3 heures.

→ Renforcement de l’hygiène des mains des soignants et friction à l’aide d’une solution hydro-alcoolique, et ce, avant et après contacts directs avec les malades ou leur environnement, avant de manipuler ou servir des repas, après tout contact avec des liquides biologiques ou des objets pouvant eux-mêmes être contaminés.

→ Mise en place d’une signalisation sur la porte de la chambre type « s’adresser à l’infirmier avant d’entrer », traçabilité dans le dossier du résident et/ou médical.

→ Inciter les personnels à consulter leur médecin, s’ils présentent eux-mêmes des symptômes d’IRA (pour discuter de l’opportunité d’un arrêt de travail), et à appliquer des mesures barrières dès le début des symptômes (port du masque et renforcement de l’hygiène des mains).

Locaux/matériel

→ Un nettoyage au moins quotidien de la chambre est recommandé par le HCSP. Il est effectué à l’aide d’un détergent-désinfectant et en insistant particulièrement sur les poignées de porte, les barrières du lit, la sonnette d’appel et le cabinet de toilette. Il est indispensable que le personnel d’entretien soit formé comme le personnel soignant aux précautions standard.

→ Élimination des équipements de protection individuelle dans la filière des déchets de soins à risque infectieux

→ S’agissant de la prise en charge de la vaisselle, il n’y a pas de précautions complémentaires. En revanche, le personnel doit servir les repas ou manipuler la nourriture après avoir réalisé une hygiène des mains et protégé sa tenue de travail (tablier à usage unique).

CHECK-LIST

La gestion d’une épidémie pas à pas

Afin d’optimiser le circuit d’alerte au sein des Ehpad en cas d’épidémie d’origine infectieuse, le Haut Conseil de la santé publique a défini un protocole pour une meilleure réactivité des équipes.

Pour que les équipes puissent être réactives face aux premiers cas, la protocolisation du signalement, la définition des cas et des seuils d’alerte au préalable est essentielle.

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a détaillé en 2012 la conduite à tenir devant plusieurs cas d’infections respiratoires aiguës survenant en collectivités de personnes âgées.

Identification précoce

La démarche repose avant tout sur « une surveillance permanente des résidents afin d’identifier précocement les épisodes de cas groupés ou épidémiques et permettre la mise en place rapide de mesures de contrôle ». Il s’agit d’optimiser le circuit de l’alerte au sein des établissements, mais aussi au niveau régional, via les ARS et les Cire (cellules inter-régionales d’épidémiologie) qui coordonnent l’aide à la gestion de l’épisode épidémique et la recherche étiologique.

Les étapes

Elle s’articule en plusieurs étapes, détaillées ci-après.

→ Prévention primaire dans les Ehpad : vaccination des soignants et des résidents, respect des mesures standards d’hygiène.

→ Surveillance permanente pour un repérage précoce des cas : une feuille d’autosurveillance (permettant de produire une courbe épidémique des nouveaux cas) et un tableau descriptif listant les caractéristiques des cas (clinique, vaccination, recherche diagnostique, évolution) à usage interne sont proposés par le HCSP(1).

→ Réactivité avec la mise en place précoce des mesures barrières dès l’identification d’un premier cas. Les précautions gouttelettes doivent être appliquées par le personnel soignant quelle que soit la période de l’année. Masques et solutions hydro-alcooliques seront mis à disposition des visiteurs dès l’entrée de l’établissement.

→ Signalement dès que le critère est atteint, c’est-à-dire cinq cas incidents en quatre jours parmi les résidents. « Les personnels ne sont pas pris en compte dans les critères de signalement, mais les cas les concernant sont à recenser également », préconise le HCSP. Le circuit de signalement diffère selon statut des Ehpad :

– les Ehpad rattachés à un centre hospitalier effectuent un double signalement : au CClin – Centre de Coordination de la Lutte contre les Infections Nosocomiales –, et à l’ARS ;

– les Ehpad non rattachés à un centre hospitaliersignalent uniquement à l’ARS.

Un signalement en bonne et due forme doit permettre au minimum d’identifier la structure, le déclarant,de décrire succinctement l’évènement (nombre de cas, décès éventuels, début de l’épidémie, mesures de contrôle mises en place) et de solliciter une aide éventuelle pour la gestion et l’investigation de cet évènement. Il comporte deux temps : un premier envoi de la fiche de signalement et un deuxième envoi du bilan final et de la courbe épidémique de l’épisode après une période correspondant à deux foisla durée d’incubation de la maladie suivant le dernier cas (le plus souvent dix jours). C’est l’ARS qui informe l’Institut de veille sanitaire par l’intermédiaire de la Cire.

→ Investigation complémentaire en lien avec les acteurs régionaux de santé pour identifier les causes et adapter les mesures de contrôle mises en place. En l’absence d’équipe opérationnelle d’hygiène ou de service comparable, une visite du CClin dans l’établissement peut être nécessaire pour évaluer la mise en place des mesures de contrôle, éventuellement auditer les bonnes pratiques d’hygiène et apporter un appui adapté. Cette visite coordonnée du CClin et de la Cire s’impose si cinq nouveaux cas ou plus surviennent dans la même journée, si trois décès ou plus sont attribuables à l’épisode infectieux en moins de huit jours, ou en cas d’absence de diminution de l’incidence des nouveaux cas dans la semaine suivant la mise en place des mesures de contrôle.

1 - Documents proposés dans les annexes du rapport du Haut Conseil de santé publique, « Conduite à tenir devant une ou plusieurs infections respiratoires aiguës dans les collectivités de personnes âgées » de mars 2014.

Vous toussez, vous éternuez ?

1

• Couvrez-vous la bouche et le nez avec un mouchoir en papier

ou toussez et éternuez dans le haut de votre manche mais pas dans vos mains

2

• Jetez votre mouchoir en papier dans la poubelle la plus proche

• Lavez-vous systématiquement les mains à l’eau et au savon,

ou désinfectez-les par friction avec un produit hydro-alcoolique

3

• Portez un masque chirurgical en cas de contact rapporché pour protéger les autres

Ne soyez pas responsables de la transmission des agents pathogènes des voies respiratoires !