Depuis cinq mois, Médecins sans frontières organise des missions de sauvetage en mer Méditerranée. Rencontre avec Line Lootens, l’une des deux infirmières à bord.
Lors de notre dernière opération, nous avons recueilli 869 personnes, dont 74 mineurs isolés, sur un bateau de pêche », relate Line Lootens. L’infirmière flamande a embarqué il y a un mois et demi sur le Bourbon Argos, l’un des trois bateaux que Médecins sans frontière et MOAS (Migrant Offshore Aid Station) ont affrété pour parcourir la Méditerranée et récupérer les embarcations de réfugiés en perdition. « Nous sommes positionnés à 40 km au large de la Libye, avec chacun une zone à quadriller », explique Line, qui a suivi une formation spécifique au sauvetage en mer avant de débuter cette mission. Les interventions sont régulièrement déclenchées à la demande du Centre de coordination des opérations de sauvetage, basé à Rome, ou sur repérage de navires en difficulté par la vigie. Il s’agit alors d’approcher les embarcations, de recueillir les passagers – le plus souvent originaires d’Erythrée, du Nigeria, d’Afrique de l’Ouest, du Soudan mais aussi parfois d’Afrique du Sud ou du Bangladesh – sur le Bourbon Argos, équipé d’un petit hôpital, avec deux infirmières et deux médecins.
« Lors de la première opération à laquelle j’ai participé, nous avons malheureusement trouvé cinq personnes mortes de déshydratation, mais nous avons pu aussi en sauver deux autres qui étaient déjà inconscientes », se souvient Line. Depuis, heureusement, aucune autre disparition n’est à déplorer. « La plupart du temps, nous devons gérer le mal de mer, des vomissements, des diarrhées, des fièvres, remarque l’infirmière. Il y a aussi des pansements, car les gens se brûlent au contact du gasoil répandu sur le plancher des bateaux. Des fractures et des plaies par balles, causées par les violences vécues en Libye. » Et puis, il faut aussi tendre l’oreille, savoir recevoir les histoires individuelles, chargées de souffrances. L’infirmière a d’ailleurs décidé de tenir un petit journal personnel pour ne rien oublier.
« Pour certaines urgences, nous appelons les gardes-côtes italiens, qui ont des bateaux plus rapides. » C’est ainsi qu’il a fallu procéder lorsque l’équipe s’est trouvée confrontée à un accouchement inopiné. Pour les urgences « moins vitales », il faut attendre que le bateau soit orienté vers un port italien, via le centre de coordination, où les réfugiés qui nécessitent des soins adapatés sont alors pris en charge par le ministère de la Santé, ou d’autres ONG. « C’est une mission un peu “thérapeutique” pour moi, confie Line. Avant cela, j’avais effectué deux missions Ebola, avec des situations vraiment désespérées à gérer. Là, on peut vraiment sauver 200 personnes en 30 minutes, c’est fantastique. »