RENCONTRE AVEC DOMINIQUE FRERING COORDONNATRICE GÉNÉRALE DES SOINS, DIRECTRICE CHARGÉE DE LA QUALITÉ ET DE LA GESTION DES RISQUES DU GROUPEMENT HOSPITALIER ÉDOUARD HERRIOT (HOSPICES CIVILS DE LYON) ET EXPERT JUDICIAIRE - L'Infirmière Magazine n° 364 du 01/10/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 364 du 01/10/2015

 

CARRIÈRE

PARCOURS

MAGALI CLAUSENER  

Cela fait maintenant dix ans que Dominique Frering est devenue expert judiciaire auprès de la cour d’appel de Lyon. « L’inscription sur la liste des experts judiciaires m’a pris trois ans. Je pense que ce délai est aussi dû au fait que j’étais la première infirmière expert judiciaire », explique-t-elle. Cette longue attente ne l’a pas découragée. Le parcours de Dominique Frering a toujours été « atypique » pour reprendre ses termes. Elle a en effet commencé une capacité de droit qu’elle n’a pas terminée pour des raisons personnelles. Ensuite, elle s’oriente vers la kinésithérapie, mais un accident de montagne l’empêche de poursuivre dans cette voie. Elle décide alors de devenir infirmière. Elle travaille dans plusieurs services (hémodialyse en réanimation néonatale, clinique cardio-vasculaire) avant d’intégrer l’école des cadres à Chambéry. Une fois diplomée, elle est affectée en gériatrie à l’hôpital de Voiron (38). En 1989, elle intègre les Hospices civils de Lyon où elle est notamment directrice des soins de l’hôpital neuro-cardiologique avant d’occuper, dix ans après, son poste actuel.

→ En 2002, elle décide de suivre le DU « droit, expertise et soins » à Lyon : « J’ai toujours aimé le droit. Ce qui m’a motivé, c’est une situation marquante à laquelle j’ai été confrontée lors de mes débuts d’infirmière. Je me suis rendue compte que tout le monde pouvait faire une erreur. » La responsabilité, l’analyse des événements indésirables, la gestion des risques, la qualité des soins deviennent ses chevaux de bataille. Devenir expert judiciaire lui permet non seulement d’apporter un éclairage aux juges, mais aussi d’agir à son niveau pour améliorer les pratiques.

→ Sa première expertise est marquante : Dominique Frering est un témoin assisté. Un moment éprouvant. « J’ai attendu 5 heures dans la salle des pas perdus avant d’entrer dans la salle d’audience, raconte-t-elle. C’était très impressionnant. Du côté de l’infirmière incriminée, il y avait seulement quelques personnes, alors que du côté de la victime, il y avait toute la famille et des amis. Je me demandais si j’allais savoir répondre et si mes réponses allaient engager le jugement. L’avocat de la défense a évidemment cherché à me mettre en défaut. Connaître parfaitement le dossier à la virgule près est primordial ! ». Dominique Frering est ensuite désignée pour d’autres expertises au fond concernant des décès de patients qui impliquent des infirmières. « On ne connaît pas la suite des affaires et c’est frustrant ! Mais cela fait partie des règles », observe-t-elle. Ce qui la motive alors ? « On collabore avec la justice et c’est enthousiasmant ! C’est aussi enrichissant intellectuellement. On se nourrit de ce qui se passe ailleurs pour contribuer indirectement à améliorer la profession. »

→ C’est aussi une remise en cause : « Je me dis que ce qui est arrivé dans tel établissement peut exister dans mon hôpital et je me demande si je n’ai pas oublié quelque chose dans ma pratique pour que cela ne se produise pas ! ». Dominique est par conséquent devenue encore plus attentive à la qualité des soins et à la gestion des risques : « Je refuse par exemple les prescriptions orales, encore trop fréquentes. L’infirmière ne doit pas penser que le médecin va la couvrir s’il y a une erreur ou que l’interne ne se trompe jamais. Il faut rappeler aux infirmières leurs responsabilités. Chacun doit connaître le périmètre de son exercice. » Le fait d’être expert judiciaire lui procure également une légitimité auprès des directeurs d’établissement. Elle n’hésite pas à tirer le signal d’alarme lorsqu’il est question, par exemple, de supprimer des postes ou de réorganiser des services sans prendre en compte certains éléments. Dans un an, Dominique Frering doit prendre sa retraite. Mais il est sûr qu’elle continuera encore quelques temps à mener des expertises…

MOMENTS CLÉS

1976-1981 Infirmière à l’hôpital de Voiron (Isère).

1988 Concours d’infirmière générale.

1989 Hospices civils de Lyon.

1992-1999 Conseillère technique des soins infirmiers auprès du DG des Hospices civils de Lyon.

2002 DU droit, expertise et soins.

2005 Expert judiciaire.

2009 Coordonnatrice générale des soins, groupement hospitalier Édouard Herriot.

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