Les nouvelles technologies sont en passe de révolutionner la vie des trois millions de personnes atteintes de maladies rares en France. Tour d’horizon lors de la 9e édition de l’Université d’été de la e-santé, qui s’est tenue à Castres (81) début juillet.
Errance diagnostique, méconnaissance des professionnels, isolement des malades, cloisonnement des différents intervenants, pathologies très souvent invalidantes et sans traitement… les parcours de santé des personnes atteintes de maladies rares – entre 6 000 et 8 000 recensées – sont la plupart du temps compliqués, sinon chaotiques.
Pour pallier ces problématiques, la e-santé fournit depuis quelques années des réponses intéressantes. « Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont d’ores et déjà apporté des modifications majeures dans la vie quotidienne des personnes atteintes de maladies rares. Il y a donc un point de vue assez favorable au développement de la e-santé quand on part des besoins », a souligné Christophe Divernet, directeur du service régional AFM-Téléthon Midi-Pyrénées, et secrétaire général du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) Midi-Pyrénées. Et de citer les sites Internet des associations, les réseaux sociaux et les forums qui permettent aux patients de partager leur expérience et rompre leur isolement, ou encore les échanges directs par mail avec les médecins entre deux consultations. « Cela ne bouleverse pas l’organisation actuelle des soins, mais commence à modifier les relations médecins/malades », constate ce dernier, également représentant de l’AFM-Téléthon à l’Alliance des maladies rares Midi-Pyrénées.
Reste qu’aujourd’hui, ce simple partage d’informations et d’expérience ne suffit plus. À l’ère du 3.0, les patients veulent davantage d’interactivité et plus de collaboration : « L’information est commentée, critiquée, discutée et pas simplement “absorbée” ». Cela passe par « des pétitions contre certains vaccins, l’apprentissage collectif de la vie avec une maladie (www.rareconnect.org), une aide au diagnostic en dehors du circuit classique (www.crowdmed.-com) », ou encore par la contribution des patients « à une meilleure connaissance des maladies grâce aux données générées par ces derniers (www.patientslikeme.com aux États-Unis) » ou à leur collaboration « sur des évolutions de prises en charge (www.cancercontribution.fr) ». Cette interactivité accrue poussera-t-elle bientôt ces malades chroniques à évaluer les établissements de santé et les médecins sur le modèle « d’un “Tripadvisor” des hôpitaux ou d’un “Yelp” des médecins » ? Assistera-t-on aussi à « l’émergence de nouveaux acteurs d’accompagnement compte tenu de l’insatisfaction de certains patients ? », s’interroge Christophe Divernet.
Quant aux objets connectés, qui contribuent à mieux faire circuler l’information, ce sont des outils intéressants en terme d’observance. « En offrant une relation plus ergonomique, plus simple, la technologie permet aux utilisateurs de s’éduquer », estime Gabrielle Rosario, chef d’équipe sciences de la vie et de la santé au cabinet d’audit Deloitte en Afrique du Sud, et e-patiente “senior”, souffrant d’une maladie génétique rare.
Mais pour que la révolution soit en marche, plusieurs obstacles devront être levés. « Aujourd’hui, le problème, ce n’est pas le partage, mais le non-partage », relève Christophe Divernet. Il faudra également que les mentalités évoluent, les Français restant majoritairement sceptiques vis-à-vis des services de santé disponibles sur Internet, tels la consultation de médecins en ligne ou les carnets de santé électroniques
Autre frein : la difficile collecte de données sur les maladies rares, « le but étant de permettre la mise en place de “e-cohortes” significatives de patients », relève de son côté Pierre-Henri Manenq, directeur de l’innovation du réseau de tiers payant Almerys. Autant d’enjeux en matière de confidentialité, de sécurité, d’éthique, mais aussi de preuve scientifique (passer du quantifield self à la recherche clinique), de coordination et de suivi… auxquels il faudra sans tarder apporter des réponses. Car il va sans dire que les attentes des patients sont fortes en la matière.
1- Baromètre 2015 CISS-LH2 sur les droits des malades, mars 2015, d’après un sondage réalisé du 19 au 21 février 2015 par téléphone auprès d’un échantillon de 1 008 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.