L'infirmière Magazine n° 365 du 01/11/2015

 

FORMATION

L’ENSEIGNEMENT

SOPHIE KOMAROFF  

En Ifsi et sur les lieux de stage, plusieurs générations se côtoient au quotidien. Exploitée à bon escient, cette cohabitation multigénérationnelle se révèle gagnante pour tous.

La cohabitation intergénérationnelle au travail ne doit pas être seulement présentée sous l’angle du risque d’une conflictualité accrue dans les relations sociales, susceptibles d’entraver les capacités coopératives et les transmissions expérientielles. Cela peut même nuire aux performances individuelles et collectives » : tel était le message de Marielle Boissart, lors des 70es journées du Cefiec en juin dernier à Caen, lors de sa présentation consacrée à la plue-value intergénérationnelle dans le processus tutoral de la formation infirmière. Au contraire, un climat de solidarité entre les générations favorise les conditions d’apprentissage, le développement professionnels des tuteurs et des ESI, donc la qualité des soins. « Grâce à l’expérience qu’elle valorise, l’approche intergénérationnelle est vectrice de production de compétences et de socialisation professionnelle, soutient Marielle Boissart. Elle contribue à la professionnalisation de l’étudiant et, rétroactivement, à celle du tuteur. »

Tutorat et apprentissage inversés

En effet, le tutorat permet notamment l’appropriation des savoirs techniques, de la culture professionnelle et favorise la transmission des savoirs comportementaux, à l’image de la gestion des conflits. Parallèlement, une demande de réciprocité émane des jeunes générations. Le tutorat inversé – une technique pédagogique qui consiste pour l’équipe tutorale à apprendre du tutoré – facilite à cet égard le transfert réciproque des savoirs et contribue au renforcement de l’estime mutuelle. Un préalable se révèle toutefois nécessaire : la coopération et le respect entre les générations.

La formation en Ifsi s’adapte également aux générations dites Y et Z (lire aussi p. 58), c’est-à-dire les personnes nées après 1980. Loïc Martin, cadre formateur au CHU de Rouen a de son côté présenté les principes de l’apprentissage inversé, « qui pourrait être une piste répondant favorablement aux changements actuels, a-t-il expliqué. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui la pédagogie sans prendre en compte l’impact des nouvelles technologie ». Par changements actuels, il faut entendre l’universitarisation de la formation infirmière et le référentiel de 2009, avec des processus de soins qui regroupent dès le premier semestre des maladies complexes, l’hyperconnectivité des Y et des Z, et le développement de différentes techniques (apprentissage mobile, cours magistraux enregistrés, etc.)

Esi, acteur de sa formation

Dans le cadre de l’apprentissage inversé, le formateur recours à des capsules vidéo et des podcasts de cours magistraux existants ou qu’il enregistre lui-même. Ceux-ci permettent à l’ESI de travailler en amont sur le thème du TD en consultant ces capsules là où il le souhaite, que ce soit à l’Ifsi ou à son domicile (apprentissage mobile grâce aux smartphones, tablettes, etc.). Les étudiants échangent ensuite sur un forum ou un réseau social. Le formateur a la possibilité de prendre part à des discussions ou de se poser en simple spectateur. Il peut ainsi préparer son intervention en l’orientant selon les questions que se posent les étudiants, les accompagner sur les points qui posent problème. Les étapes suivent une trame susceptible « d’être modulée selon les objectifs de l’enseignant, sa créativité, la taille de la promotion et le profil des apprenants », a précisé Loïc Martin.

En outre, cela permet un travail collaboratif, car les ESI échangent, s’entraident, via les fils de discussion. Le formateur, quant à lui, peut dynamiser le forum en proposant de nouvelles vidéos, sources, etc.

Pour l’heure, l’expérience menée par Loïc Martin recueille des résultats positifs : « Les étudiants se sentent davantage impliqués et l’apprentissage inversé pose le formateur en guide, en accompagnateur. » En effet, ce système permet à l’ESI de devenir acteur de sa formation puisqu’il choisit le lieu et le moment où il consulte les supports. Il se révèle en outre adapté aux profils des Y et Z. « Les lignes bougent : temps, espace, outils d’apprentissage, place du formateur et de l’apprenant… », a conclu Loïc Martin. Un nouvel espace de travail est donc aménagé grâce à l’apprentissage mobile.