Le passage au bloc est souvent source d’angoisse. À l’hôpital Sainte-Marguerite, à Marseille (AP-HM), l’utilisation de thérapies comportementales permet de mieux gérer le stress péri-opératoire.
Dans le contexte opératoire, la sensation de stress, d’anxiété ou de peur peut être définie comme une réponse à deux principaux déclencheurs : l’opération en elle-même et le changement de lieu, du domicile à l’hôpital et au bloc. Dans le service d’orthopédie et de rhumatologie de l’hôpital Sainte Marguerite, à Marseille (AP-HM), nous utilisons différentes techniques pour préparer les patients qui le souhaitent à leur intervention chirurgicale et les accompagner dans la gestion de la douleur et de leur anxiété. À l’image du coping, c’est à dire l’ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et un événement éprouvant, afin d’en maîtriser ou diminuer l’impact sur son bien-être physique et psychique.
Nous déployons ces méthodes lors d’entretiens individuels pré et post opératoires d’une heure chacun. Je rencontre les patients volontaires une première fois en préopératoire, parfois un mois avant l’opération ou la veille de leur hospitalisation. Chaque personne choisit en fonction de ses besoins. Avant toute chose, je présente au patient le déroulement de la séance et l’invite dans un premier temps à me faire part de son ressenti. Monsieur R., par exemple, a évoqué le sentiment d’injustice qui l’habite et son impression d’être vieux, en raison de la pose prochaine de la prothèse. Lors de cet entretien, le patient a également expliqué qu’il ressent une douleur à la hanche quasi permanente, mais qu’il préfère ne pas trop prendre d’antalgiques.
L’expression des ressentis est la première étape pour amener le patient au coping. Pour cela, il doit être en mesure de le faire en toute liberté et dans un cadre confidentiel. Je propose ensuite au patient de s’imaginer au cinéma et de visualiser un écran sur lequel il se projette, et où il peut suivre son hospitalisation, de l’arrivée à la sortie. Ensuite, nous passons chronologiquement en revue toutes les étapes des évènements qu’il va vivre. Cette visualisation permet une mise à distance de ses émotions négatives. J’en profite alors pour amener des recadrages et des suggestions positives au cours de la conversation : prise de conscience de la respiration et de sensations agréables lors de l’endormissement, au réveil à la sortie du bloc, les premiers signes de cicatrisation et de récupération au niveau de la zone opérée, la rééducation par la marche, en douceur, à son rythme, jusqu’à la sortie de l’hôpital… Il est important que le patient puisse se projeter ainsi, de façon à vivre les différentes étapes et de les mémoriser. Cela permet une anticipation agréable ou neutre, et diminue les ressentis négatifs qui accompagnent l’opération.
Après cette séance de visualisation, j’amène le patient un peu plus dans un état hypnotique et lui propose de s’installer plus confortablement. Je lui présente en quelques mots l’expérience de l’hypnose, et le bien-être qui l’accompagne. Au cours de cet état modifié de conscience, je pratique une technique de PNL (programmation neuro-linguistique), qu’on nomme la « désactivation d’ancre » (voir encadré). Il s’agit ici de neutraliser une sensation vécue comme négative et de faire un ancrage positif, en utilisant le visuel, l’auditif et le kinesthésique. Dans le cas de Monsieur R., je lui demande de repenser à ce sentiment d’injustice, en l’associant à ce souvenir et je pose une main sur l’un de ses genoux. Quand j’enlève ma main, je lui propose de penser à un moment agréable, en l’associant à ce même souvenir, et je pose l’autre main sur son autre genou. Puis je pose une main sur chaque genou pour ancrer à la fois le positif et le négatif. Ce geste renvoie deux messages contradictoires au cerveau : l’un plaisant et l’autre désagréable. Ensuite, en enlevant l’une de mes mains, j’ôte l’ancrage négatif pour ne laisser que l’ancrage positif. Et je refais un ancrage positif en indiquant des suggestions post-hypnotiques pour retrouver cet état agréable dans les jours et les semaines à venir.
À la fin de cette séance préopératoire, la sensation douloureuse des hanches a diminué. Un imprimé permettra au patient d’approfondir ce travail en autohypnose, le soir précédant l’opération, et le matin, avant de partir au bloc.
Trois jours après l’opération, je rencontre à nouveau le patient dans sa chambre. Monsieur R. me parle des différentes étapes vécues, et m’explique que cela s’est passé comme il l’avait imaginé. Il ne ressent presque plus de douleur, et est étonné de ne pas sentir la prothèse. Je lui propose de se concentrer sur la zone opérée et de me décrire ce qu’il imagine. Je l’oriente ensuite et l’invite à s’imaginer dans le futur, lorsqu’il aura complètement récupéré. Ce qu’il se dira. Ce qu’il ressentira. Puis, je lui demande de revenir au moment présent et d’observer les signes positifs qui lui indiquent que le travail de cicatrisation et de récupération a déjà commencé. Je répète souvent ses propres mots pour qu’il se sente compris et écouté. Et je reformule ce qu’il dit pour l’orienter vers le positif. Je l’amène tout doucement vers une séance d’hypnose, pour révéler une sensation confortable dans son corps, et induire un déplacement de cette sensation au niveau de la zone opérée. Pour cela, je propose des évocations de couleurs agréables, une observation du travail du corps qui récupère, et lui demande d’imaginer sa respiration comme un mouvement d’air qui se déplace. Ce qui, par extension, permet à sa hanche de respirer. Le patient se place alors comme un spectateur face à son corps. J’utilise également des suggestions post-hypnotiques pour l’inciter à refaire cet exercice.
Monsieur R., 46 ans, doit se faire opérer d’une prothèse de la hanche dans une quinzaine de jours. Sa première opération remonte à 1996, suite à une ostéonécrose bilatérale des têtes fémorales, causée par un traitement médicamenteux. Il en garde un souvenir douloureux, et confie y aller à reculons : « J’ai toujours mal. Pour moi, cette opération est une profonde atteinte à ma personnalité. » Un fort sentiment d’injustice l’anime quand on lui annonce cette nouvelle opération. Le stress prend rapidement le pas.
→ 2009 : soumission et validation du projet et création de questionnaires destinés aux patients volontaires, avant et après chaque séance. En novembre, Violette Magallon est certifiée maître praticien en PNL.
→ Avril 2010 : début des entretiens dans le service d’orthopédie de l’hôpital Sainte-Marguerite, à Marseille.
→ Septembre 2010 : création du poste d’infirmière hypno-thérapeute.
→ Novembre 2011 : dépôt d’un programme hospitalier de recherche infirmière (PHRI) afin d’évaluer l’efficacité de cette prise en charge ; projet non retenu.
→ Janvier 2012 : consultations en rhumatologie pour la gestion du stress et de la douleur.
L’ancrage est l’association d’un de nos cinq sens à une émotion. La désactivation d’ancre est une des techniques de PNL mise au point par Richard Bandler et John Grinder en 1975, qui va amener la désactivation d’un ancrage en neutralisant une sensation perçue comme négative et imprimer une émotion positive. Pour cela, elle fait appel au modèle du Vakog (visuel, auditif, kinesthésique, olfactif et gustatif). Après une induction hypnotique, la personne est invitée à se replonger dans un souvenir où elle a ressenti une situation analogue. Puis le soignant l’associe à ce moment, comme si elle le revivait. Et lui demande de quoi elle aurait eu besoin à ce moment-là, de quel sentiment positif. Il est alors proposé à sa mémoire de trouver un moment dans sa vie où elle a ressenti ce genre d’émotion. Le patient est associé à ce souvenir, en utilisant le visuel, la respiration amplifiée, et le toucher.
Puis, les deux sensations, négatives et positives, sont ancrées simultanément par le toucher. L’ancre négative est ensuite ôtée tandis que l’ancrage positif est maintenu entre 10 à 15 secondes.
Enfin, le positif est finalement re-ancré avec des suggestions post-hypnotiques dans le futur.